Publié il y a 10 mois - Mise à jour le 22.06.2023 - Emma Guihermet - 3 min  - vu 1883 fois

CÉVENNES Le "contresens" de la nouvelle mesure de la Première ministre fait vrombir les moniteurs d'auto-école

Benjamin Panis

Benjamin Panis n'apprécie guère la nouvelle annonce de la Première ministre.

- Corentin Migoule

Les auto-écoles, inspecteurs et associations réagissent à la nouvelle décision du Gouvernement visant à abaisser l’âge du permis de conduire de 18 à 17 ans. La possibilité de passer le permis dès l'âge de 17 ans à compter de janvier 2024 fait réagir les professionels du milieu.

L'obtention du permis B serait désormais accessible aux jeunes de 17 ans dès janvier 2024, sans conduite accompagnée au préalable. Cette décision a été justifiée par la Première ministre comme facilitant l’insertion professionnelle, notamment pour les jeunes en apprentissage.

Benjamis Panis, secrétaire général de l’union nationale des indépendants de la conduite, et gérant de l’auto-école de la Cèze à Bessèges, et Bruno Stagliano, gérant de l’auto-école Bruno à Alès, ont partagé leur mécontentement sur le sujet. Une décision qui a été pensée sans prendre en compte "les recommandations faites par les personnes concernées", s'indigne Benjamin Panis. 

La fragilisation de la conduite accompagnée

Le permis de conduire est déjà accessible dès 17 ans pour les jeunes bénéficiant de l'apprentissage anticipé à la conduite (AAC) à partir de 15 ans, mais ces derniers ne peuvent conduire en autonomie que lorsqu'ils sont majeurs. 

"Avancer le permis, c’est tuer la conduite accompagnée", déplore Bruno Stagliano. En effet, les jeunes investiraient moins dans l'AAC s'ils ont la possibilité de passer le permis plus tôt. Ainsi, ceux qui souhaitent prendre le volant de manière anticipée perdraient le bagage des deux à trois années d'expériences acquises avec les parents. 

Le secrétaire général de l'UNIC explique que très peu de jeunes passent le code rapidement. Ils seraient donc susceptibles d'abandonner plus facilement la conduite accompagnée dans le cas où la voie d'accès à l'autonomie s'offrirait à eux. 

La sécurité routière

Une formation écourtée sur un plus jeune âge representerait un risque supplémentaire au niveau de la sécurité routière. En effet, selon l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière, la tranche des 18-24 ans est la plus sujette aux accidents au volant. "Les jeunes font partie de la tranche d'âge la plus touchée par la mortalité sur la route", confirme Benjamin Panis.  

Sans conduite accompagnée, et avec seulement la vingtaine d'heures requises par l'examen du permis, les jeunes candidats ne présenteraient pas les prérequis suffisants au volant pour optimiser leur sécurité. "Déjà qu'à 18 ans ils ne pas trop matures, ils le sont encore moins à 17 ans. On y perdra au niveau sécurité", affirme Bruno Stagliano.

Le manque d’inspecteurs dans les auto-écoles

En effet, abaisser l'âge d'obtention du permis à 17 ans reviendrait à affronter une "vague de jeunes qui va arriver en complément", prévoit Bruno Staglioni. Un afflux que les auto-écoles ne sont pas prêtes à supporter en raison d'un nombre d'inspecteurs insuffisant. Plus particulièrement dans le Gard, où, selon le moniteur de l'auto-école Bruno, nous sommes "mal lotis, car de plus en plus de candidats de toute la France viennent passer le permis en province" où les délais sont déjà trop longs. 

Benjamin Panis évoque un risque de se retrouver dans la "même configuration qu’en sortie de confinement", c'est-à-dire avec des délais allongés, surtout en cas d'échec de permis, qui peuvent aller "à plus de 6 mois" dans le département. 

Après avoir réussi à absorber les retards liés à la pandémie, les auto-écoles devront s'attendre à "une augmentation des demandes d'un seul coup", annonce Bruno Staglioni, puisqu'on rajoute "un an de tranche d'âge". Une accélération qui devrait les contraindre à "passer la seconde", au risque de produire un travail "fait à l'arrache, avec un taux de réussite susceptible de baisser" si le Gouvernement, attendu au tournant, ne prévoit pas de combler le manque évident d'inspecteurs "qu'on réclame depuis des années", affirme Benjamin Panis. 

Ainsi, l'argument principal de la Première ministre concernant la facilitation de l'insertion professionnelle ne tient pas : d'après Bruno Staglioni, le passage du permis de conduire à 17 ans, sachant que les délais vont être forcés de s'allonger, "ne va toucher qu'une minorité". Une mesure qui ne fait donc pas l'unanimité auprès des professionnels, mais pour laquelle aucune marche arrière ne semble envisagée, et dont la seule solution serait de "développer le poste d’inspecteur", conclut Benjamin Panis. 

Emma Guihermet

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