FAIT DU JOUR À Collias, on veut sauver deux moulins menacés de destruction
Les 8 et 9 septembre 2002, une importante crue avait gravement touché 299 des 353 communes du Gard, faisant 23 morts et des dégâts considérables. Collias n'avait pas été épargnée par cet épisode classé catastrophe naturelle.
Suite à cet événement climatique d'une rare violence, 600 logements situés dans les zones les plus sensibles avaient été expertisés. C'est ainsi que l’État et les collectivités locales ont procédé à l’acquisition amiable de 332 biens sinistrés ou exposés à un risque naturel majeur pouvant mettre en danger la vie de ses occupants en cas de crue. Après cela, l'État s'est lancé dans une procédure d'expropriation auprès des propriétaires qui ont refusé la vente à l'amiable. Treize biens ont été expropriés depuis 2014 dans le Gard pour une dépense de 3 321 000€. 28 biens restent à exproprier.
À Collias, 54 des 63 propriétaires de biens concernés ont accepté la proposition à l'amiable. Il reste à ce jour donc encore neuf propriétés inclues dans la procédure. Les propriétaires devraient toucher une indemnité après leur expropriation plus la somme de rachat. Certains ont accepté. Pour d'autres, c'est plus délicat. Parmi les biens qui doivent être démolis, deux ont suscité l'émoi dans le village : deux moulins habitables qui constituent un pan du patrimoine de la commune. "Pour remonter les origines du village, il faut savoir qu'au Moyen Âge, il y avait deux activités : l'agriculture et le moulinage. On exploitait la ressource en eau pour le blé, l'huile, traiter les peaux...", resitue le maire, Jonathan Pire.
"Si on démolissait ces deux bâtiments, ce serait un préjudice plus que grave pour la commune et son patrimoine"
En effet, jusqu'à sept moulins ont été recensés sur la commune. Seuls trois sont encore debout aujourd'hui. Dont les deux bordant l'Alzon, qui sont menacés de destruction à cause de cette procédure d'expropriation. Et pourtant, ils sont en très bon état. "Si on démolissait ces deux bâtiments, ce serait un préjudice plus que grave pour la commune et son patrimoine et même au niveau national. Il y a 60 000 moulins en France, les plaçant au 3e rang derrière les châteaux et les églises du patrimoine bâti", atteste Jonathan Pire. Malheureusement, les deux moulins colliassois ne font l'objet d'aucun classement qui pourrait les protéger...
Deux associations ont alerté le maire de la situation : les Amis du patrimoine de Collias et l'association pour la protection du Gardon et de ses affluents. Jean-Marc Esberard, le président de cette dernière, a même lancé une pétition pour s'opposer à ces deux démolitions. Déjà 403 signatures ont été recueillies alors que l'enquête publique, lancée en vue de la procédure d'expropriation, s'achèvera le 2 octobre.
Au-delà du patrimoine, les deux présidents s'inquiètent des conséquences écologiques sur l'Alzon et redoutent un assèchement progressif du cours d'eau si les moulins et leur seuil étaient détruits. "Le cours d'eau se remet à peine des dégâts infligés dans les années 60 lors de son exploitation. Le lit de la rivière a diminué de 2,50 m", atteste Pierre Nitard, qui lance : "Les moulins, par nature, se retrouvent souvent inondés. Alors pourquoi les détruire ?"
Et Jean-Marc Esberard de renchérir : "On se prive en plus de la possibilité de produire de l'énergie grâce au Gardon." En effet, la commune de Collias a fait appel à la société nîmoise VDB qui a signifié sur sa note de synthèse que le seuil du moulin Remezy pourrait produire "de l'électricité répondant aux besoins de 50% de la population du village", indique le maire.
Même si les deux moulins ne peuvent plus être habitables, Jean-Marc Esberard imagine une autre issue que la démolition pure et simple : le moulin Remezy, encore dans son jus, pourrait devenir un lieu à visiter. Le moulin Roger-Fages pourrait se convertir en poste de secours, très utile l'été pour les baigneurs. Bref, l'idée serait que les deux bâtiments deviennent des bâtiments communaux. Les deux associations se portent volontaires pour les entretenir.
Le moulin Revezy, l'un des derniers à avoir produit de l'huile d'olive
C'est aussi la fin heureuse qu'espère Henry Remezy, propriétaire du moulin médiéval éponyme, qui a appartenu à son père et son grand-père avant lui. Il nous guide à travers le moulin qui servait à produire de l'huile avec la variété d'olive locale : la picholine. La production avait été stoppée net au gel terrible de l'hiver 56, avant de reprendre jusque dans les années 80. Une partie des Colliassois se rappellent encore avoir vu fonctionner le moulin.
En septembre 2002, l'eau a atteint le toit de la bâtisse d'Henry Remezy. Ses chevaux sont morts, noyés. On voit encore les impacts des sabots luttant contre les torrents sur la façade, à bien trois mètres au-dessus du sol. Le traumatisme est encore là mais l'homme de 75 ans reste très attaché à la maison, moulin habitable, où il passait tous ses week-ends et ses vacances étant gamin. C'est en 2005 qu'il a vu débarquer dans son jardin deux personnes de la préfecture qui lui ont signifié qu'il devait laisser son "chez lui". Pris de court, Henry Remezy refuse.
Depuis 15 ans, il sait qu'il devra quitter sa maison de 300 m² à un moment. "Ça me rend malade", soupire-t-il. Il a tout refait de ce qui avait été détruit sans fignoler pour autant sachant son bien condamné à disparaître. "En plus du problème sentimental, vu l'épaisseur des murs, je ne sais pas comment ils vont faire. Ça a tenu jusque là", poursuit-il. Alors si le moulin pouvait rester debout même sans y habiter, il en serait très heureux.
Le maire, Jonathan Pire, a rencontré les services de la préfecture il y a trois semaines pour leur faire part de ses inquiétudes et de celles de ses administrés. L'enquête publique à Collias se terminera le vendredi 2 octobre à midi. Les habitants peuvent encore faire part de leur avis et de leurs remarques à l'écrit en mairie. Toutes les pièces du dossier y sont accessibles. Les personnes intéressées peuvent aussi être reçues par le commissaire-enquêteur sur rendez-vous le vendredi 2 octobre 2020, de 9 à 12 h. Prise de rendez-vous au 04 66 22 80 91.
Dans son dossier préalable à l'enquête, la préfecture avait évalué le coût de construction de digues en amont des habitations exposées au risque d'inondation. La facture serait salée. Par exemple, pour protéger le moulin Remezy, le chantier s'élèverait à 4 500 000 € alors que l'acquisition de la propriété reviendrait à 636 000 €. L'expropriation paraît donc inéluctable, reste à savoir si la démolition l'est aussi.
Marie Meunier
Cette enquête publique conjointe de déclaration d'utilité publique et parcellaire en vue de l'expropriation par l'État de biens exposés à un risque naturel majeur d'inondation concerne également les mairies d'Aramon, de Remoulins et de Vers-Pont-du-Gard. Toutes les informations à retrouver ici.
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