Publié il y a 5 mois - Mise à jour le 20.11.2023 - Marie Meunier - 4 min  - vu 12551 fois

FAIT DU SOIR L'imam de Bagnols Mahjoub Mahjoubi : "Il n'y a pas d'école coranique ici"

imam mahjoub mahjoubi

Mahjoub Mahjoubi est l'imam de la mosquée At-Tawba. 

- photo Marie Meunier

Le 8 novembre dernier, le service départemental à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (SDJES) a procédé au contrôle de la mosquée At-Tawba, à Bagnols-sur-Cèze, ce qui a conduit à la suspension immédiate de "l'école d'enseignement de la langue arabe". L'imam de cette mosquée, Mahjoub Mahjoubi, tient à s'exprimer. 

En premier lieu, Mahjoub Mahjoubi accepte bien entendu les conclusions de l'inspection. "On a un bail emphytéotique avec la Mairie, donc nous sommes responsables des locaux pendant la durée du bail. C'est à nous qu'il revient de les mettre aux normes. C'est bien qu'il y ait un contrôle, qu'on nous rappelle les règles", clarifie l'imam, qui fait partie de l'association des Musulmans du Gard rhodanien (AMGR). Plusieurs défauts de conformité sur la sécurité incendie ont été relevés, en présence d’un préventionniste du service départemental d’incendie et de secours du Gard (SDIS 30). Elles portaient notamment sur "les serrures, les portes poussantes et pour l'alarme. Elle marche bien mais un fusible n'était pas enclenché", rapporte l'imam bagnolais, qui était à l'étranger au moment du contrôle. 

L'arrêté préfectoral fait aussi mention aussi de la "non-présentation de vérification réglementaire de l'installation électrique des locaux", de "l'absence d'isolement entre le local de stockage du sous-sol et le rez-de-chaussée, ce qui rend possible, en cas d'incendie, la diffusion de fumées et gaz toxiques de combustion vers les locaux occupés par le public", ou encore de "l'absence de consignes et de formations à l'utilisation des moyens de secours (extincteurs) par le personnel d'encadrement ne permettant pas de maîtriser un départ d'incendie."

L'imam de la mosquée assure que les aménagements et les mesures nécessaires sont en cours pour répondre aux lacunes listées pendant le contrôle. "Ce vendredi, il y a eu une nouvelle visite sur site avec deux responsables de la Mairie, le commandant de police et les pompiers. On a validé les points de sécurité. Il reste une porte à agrandir, le reste est bon", assure Mahjoub Mahjoubi. Il a également fait appel au bureau d'étude Socotec agréé pour les ERP (Établissements recevant du public) pour entamer les démarches administratives et pour passer en catégorie 3 vis-à-vis de la superficie du lieu.

Mise en règle en cours

Le maire de Bagnols-sur-Cèze, Jean-Yves Chapelet, confirme : "Les unités de passage ne sont pas suffisantes et il faut mettre une porte coupe-feu. Ils sont en train de le faire. En attendant, on a limité le nombre de croyants à l'intérieur." À savoir que la mosquée a déjà profité d'une rénovation pendant le covid-19 (notamment les menuiseries) et a reçu en août une moquette garantie "anti-feu".

Reste l'arrêt des cours de langue arabe. Là encore, Mahjoub Mahjoubi souhaite se mettre en conformité administrative le plus vite possible. Il explique que l'école doit passer en ERP (Établissement recevant du public) de catégorie R : "On doit créer une association à part dédiée aux cours d'arabe, qui soit dans le cadre de la loi 1901. Notre association AMGR relève de la loi 1905. C'était déjà dans nos projets de faire cette démarche administrative mais ce contrôle a précipité les choses. Nous allons déposer un dossier cette semaine auprès du service départemental à la jeunesse, à l'engagement et aux sports pour qu'il le valide et lève la suspension des cours."

"Ce n'est pas Kaboul ici"

Par contre, il réfute le terme "école coranique" qui a été employée par la préfecture dans sa communication : "Il n'y a pas d'école coranique ici, ça n'a rien avoir. On a une école d'enseignement de la langue arabe où l'on apprend principalement à lire et à écrire. Il y a aussi trente minutes consacrées à l'éducation musulmane où on parle des ablutions, des règles de purification, comment on fait la prière. Pour ça, on lit quelques sourates du Coran mais ce sont deux ou trois pages tout au plus, pas le livre entier." Les cours de différents niveaux sont donnés les samedis, dimanches et mercredis sur le temps extrascolaire. Une centaine de filles et garçons (dès 7 ans) sont encadrés par quatre maîtresses bagnolaises bénévoles. L'année scolaire se termine en juin par une grande fête ouverte à tous. 

L'imam précise bien que pendant ces cours de langue arabe, "aucune règle de jurisprudence de l'islam n'est enseignée aux enfants. Cela relève de la compétence de l'imam, qui est le seul responsable de ses mots et de ses paroles." Il tient vraiment à rassurer les personnes qui ont pu lire dans les articles de presse le terme "école coranique" : "Nous traversons une époque où il y a beaucoup de doutes, de confusion, surtout avec ce qu'il se passe au Moyen-Orient. Mais ce n'est pas Kaboul ici." Et d'ajouter : "Ça nous chagrine, la communication dans ces temps compliqués est encore plus importante et, là, elle fait peur aux gens."

Une "école" ouverte "sans déclaration préalable"

Dans l'arrêté officiel publié sur le site de la préfecture du Gard, le terme "école coranique" n'apparaît pas. L'expression employée est bien "accueil collectif à caractère éducatif de mineurs". Au-delà de cette divergence sémantique, le document pointe d'autres manquements. Cette "école" a été ouverte "sans en avoir fait la déclaration préalable auprès de l'autorité administrative en violation de l'article L.227-5 du code de l'action sociale et des familles". Et donc aucune vérification n'a pu être effectuée afin de "contrôler l'honorabilité des intervenants en contact avec les mineurs accueillis", est-il transcrit dans l'arrêté.

Il est mentionné aussi l'absence de document présentant les activités proposées et les modalités, ou encore "le défaut de production d'une attestation d'assurance conforme aux dispositions prévues par le code de l'action sociale et des familles". Toutes ces observations ont conduit la préfecture à prendre cet arrêté interrompant immédiatement "l'accueil collectif à caractère éducatif pour mineur" et ce, "jusqu'à sa mise en conformité". Mahjoub Mahjoubi plaide la bonne foi : "Dans toutes les mosquées, on enseigne. C'est comme le cathéchisme dans une église. Nous nous sommes basés sur la mosquée pour donner ces cours d'arabe.

Marie Meunier

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