Publié il y a 10 ans - Mise à jour le 16.06.2013  - 4 min  - vu 425 fois

PORTRAIT DU DIMANCHE Fabrice Ramalingom : l'homme, le danseur et le chorégraphe

Fabrice Ramalingom à Uzès. Photo DR/RM

Danseur, chorégraphe, artiste associé du Festival Montpellier Danse et depuis deux ans du festival Uzès Danse qui se déroule cette semaine, Fabrice Ramalingom nous livre l'expérience d'une vocation singulière sur le fond pluriel de l'émergence de la danse contemporaine en France.

Fabrice Ramalingom est né à Avignon mais il a grandi dans le 93 (St Ouen) dans une famille de six enfants. Son nom, moitié réunionnais, moitié indien est un pur produit des colonies. Tout cela pour dire que si d'aussi loin qu'il souvienne il a toujours dansé dans les fêtes pour amuser la galerie, poussé par ses sœurs, "apprendre la danse, surtout pour un garçon, n'était pas concevable dans mon milieu de prolétaire". John Travolta avec Saturday Night Fever sera un premier détonateur : un gars des banlieues qui s'émancipe grâce à la danse. Dès lors on vient  chercher le jeune Fabrice, par ailleurs discret dans ses études, pour mettre l'ambiance dans les fêtes. Il a fallu qu'il j'atteigne ses dix-neufs pour que sa sœur ne l'entraîne dans son cours de danse et qu'un professeur l'encourage. Sur scène, c'est une révélation : Fabrice Ramalingom sait qu'il deviendra danseur. Dès lors, son professeur Anna Sala Sandström le jette hors de ses cours et lui conseille d'aller à Paris. Il suit donc des cours de danse classique, "parce que tout le monde disait que c'était  nécessaire", des cours de Jazz, "parce que j'aimais cela",  et des cours de Modern Jazz, "parce que l'ami d'un ami..." Pendant ce temps le jeune Fabrice Ramalingom travaille au Mac Do et au Palace pour joindre les deux bouts. L'ami de l'ami danse dans la Cie Carolyn Carlson et le mène vers elle. "Là je prends conscience qu'un nouvelle génération de danseurs de danse contemporaine émerge et que je m'y sens bien". Il passe donc l'audition et entre au Centre National de Danse Contemporaine d'Angers.

C'est là que la petite histoire du jeune Ramalingom rejoint l'histoire de la création contemporaine en France. Nous sommes en 1987, Fabrice Ramalingom a 22 ans. La gauche, au pouvoir depuis six ans, parie sur la culture et notamment sur la danse et les chorégraphes émergents. A Angers, qui est alors la seule école de danse contemporaine en France et aussi un lieu de production, Fabrice Ramlingom a mal partout... Mais il veut y arriver. "J'y rencontre de nombreux chorégraphes et je rencontre aussi les "techniques" de danse : Merce Cunningham, José Limon, la technique Allemande avec Hans Zulig (P. Bausch). Or il y avait peu de danseurs français formés, il fallait mettre nos écoles au niveau américain et petit à petit c'est tout un système et une politique qui se met en place". Dans ce contexte, il passe une audition avec Dominique Bagouet, premier directeur du centre chorégraphique de Montpellier. Il va rester travailler avec lui les six dernières années de la compagnie (Bagouet meurt en 92, la Cie ferme en 93 ndlr). "Au cours des ces années deux éléments vont orienter ma carrière de chorégraphe. Bagouet poussait les danseurs à meubler les espaces vides de ses pièces, et à les jouer sur son crédit. Quand nous ne dansions pas Bagouet nous demandait également notre avis et nous impliquait dans la chorégraphie". L'autre élément, c'est la vision apportée par Trisha Brown : une matrice générale et des outils identiques pour chaque danseur qui construit un regard chorégraphique non plus de l'extérieur du plateau mais de l'intérieur. Avec cela je pouvais me construire une approche de la chorégraphie : essayer de mettre sur un plateau de l'imaginaire et l'organiser pour qu'il prenne sens.

Fabrice Ramalingom crée en 1993 la Cie La Camionetta avec Hélène Cathala, elle aussi influencée par le travail de Bagouet et de Trisha Brown. Ils produiront une douzaine de spectacles co-écrits entre recherches formelles et expérimentations. "Pendant tout ce temps je danse dans nos chorégraphies mais j'apprend surtout qu'être chorégraphe c'est aussi être capable de savoir parler de son travail, d'éduquer les politiques, et surtout de chercher des producteurs". En 2002, ils créent avec trois autres compagnies le collectif «Changement de Propriétaire» dans un lieu alternatif "interdisciplinaire, politique et artistique" dédié aux pratiques transversales. "Changement de Propriétaire fera encore encore évoluer ma vision de la chorégraphie en la rapprochant notamment du théâtre, mais fera aussi péter la Camionetta  : Hélène et moi  avons continué notre route chacun de notre côté".

A partir de 2006 Fabrice voyage "comme un dingue". "Autant avec "changement de propriétaire", je voulais faire bouger les choses sur un territoire, autant je deviens mobile et je travaille sur une multitude d'horizons. Avec du recul , je m'aperçois que les systèmes qui portaient la culture sont de plus en plus pauvres en Europe. Exister seul quand on a co-signé n'est pas simple. Il faut définir son intention à travers la danse, mais pas que... il faut voir comment on s'inscrit dans un réseau, ou comment on est programmé dans certains lieux qui portent une certaine esthétique..."

Fabrice Ramalingom  fait partie de la génération de Jérôme Bel qui a changé le regard sur la danse. "Il a enlevé ce qui était le mouvement pour parler de la chorégraphie , du théâtre... au point que les critiques ont appelé cela la "non danse".  Pour moi qui suis un homme du mouvement, c'est extraordinaire et déstabilisant. Les genres se mélangent aujourd'hui. Relation entre la danse et la musique d'abord mais aussi relation entre la danse et la scène, en l’occurrence une scène de théâtre bien souvent."  Dans son premier spectacle il cherchait à montrer toutes les facettes de l'homme et de la danse à partir du singulier et dans le dernier il mélange quinze hommes sur scène, professionnels et amateurs pour faire du pluriel avec des singularités. "Aujourd'hui j'essaie de montrer une autre façons de penser un être au monde, très proche de nous, à peine déplacé qui se trouve quelque part dans la sensation, dans l'écoute de soi. Certes la danse reste mon outil de base, mais tout m'intéresse, la voix, le texte... dans une chorégraphie qui devient une performance pour dire simplement un être complexe". Cette performance pose également une autre question, celle du public qui la regarde. "On créé et on voit les choses différemment. Mais les deux se complètent dans la liberté. J'aimerai que l'on puisse se laisser surprendre, sans a priori. Comme un voyageur européen au Japon s'émerveille sans toujours comprendre  ce qu'il voit." 

Un Café Rencontre avec Fabrice Ramalingom est organisé le lundi 17 juin à 17h00 Chapelle de la Médiathèque à Uzès dans le cadre du festival Uzès Danse

Raphaël MOTTE

raphael.motte@objectifgard.com

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