Publié il y a 1 an - Mise à jour le 03.03.2023 - François Desmeures - 4 min  - vu 730 fois

SAINT-ANDRÉ-DE-VALBORGNE À Auzillargues, Terre de liens assure une seconde transmission de ferme

De gauche à droite : Daniel, Anne-Marie et Pascale Hoeckman, de Terre de Liens ; Jean-Marc Petit, le fermier sur le départ ; Michel Launay, de Terre de Liens ; Pierre et Maureen, les repreneurs de la ferme ; et Laurie Petit, fermière sur le départ

- (photo François Desmeures)

Perchés à Auzillargues, Jean-Marc et Laurie produisent fromages de brebis, viande d'agneaux et plats cuisinés issus de leur production. Sans moyen pur investir dans une ferme à leur nom, ils ont fait appel à Terre de liens pour passer de fermiers à exploitants. Une réussite qu'ils perpétuent, alors que la ferme est à nouveau en passe d'être transmise à Maureen, Pierre et Bastien. 

De gauche à droite : Daniel, Anne-Marie et Pascale Hoeckman, de Terre de Liens ; Jean-Marc Petit, le fermier sur le départ ; Michel Launay, de Terre de Liens ; Pierre et Maureen, les repreneurs de la ferme ; et Laurie Petit, fermière sur le départ • (photo François Desmeures)

Au début des années 80, il n'y avait tout bonnement pas de route. Puis, la lutte contre les incendies a dessiné un chemin jusqu'au hameau en 1987, finalement goudronné en 1991. Mais, même avec un accès facilité, atteindre Auzzillargues, entre vallée Borgne et Corniche des Cévennes, exige une certaine volonté. De celle que Catherine et Guy Bastianelli ont eu en reprenant la ferme peu après le mitan des années 80. À la fin des années 90, ils sont rejoints par Laurie et Jean-Marc Petit, comme associés. Ensemble, ils produisent le premier lait de brebis bio du département et s'investissent dans Terroir Cévennes, boutique de producteurs, à Thoiras. 

Quand sonne l'heure du départ à la retraite pour le premier couple, le second souhaite évidemment poursuivre l'activité. Mais sans moyen, pas d'espoir, dans des Cévennes où l'achat de résidences secondaires commence à prendre le pas sur le maintien d'activité. On est en 2012 et c'est ici qu'intervient Terre de Liens, association qui s'est donnée comme mission de préserver les terres agricoles. Un travail à temps plein dans nos régions sous pression immobilière, alors que la moitié des agriculteurs ont plus de 50 ans dans le Gard. Et, souvent, des terres qui ont pris une valeur telle qu'elles sortent du marché agricole. 

"Terre de Liens doit tout ce que doit un propriétaire"

Pascale Hoeckman, administratrice de l'association Terre de Liens

"Le fermier sera toujours notre locataire mais il n'a pas à investir les millions qu'il faut sortir pour la terre et le logement." Concrètement, Pascale Hoeckman, administratrice de l'association, résume quelle est l'action de Terre de Liens : se rendre propriétaire de l'immobilier utile à la production agricole - ce qui comprend "le bâti qui sert à l'exploitation et le logement des fermiers" - pour le mettre à la disposition du fermier, sous la forme d'une location. "Terre de Liens doit, ensuite, tout ce que doit un propriétaire", poursuit Pascale Hoeckman, co-référente sur la ferme d'Auzillargues avec Michel Launay. 

La bergerie, à Auzillargues, dans la brume de la vallée Borgne • (photo François Desmeures)

Il aura fallu 220 000 €, en 2015, pour acheter les 36 hectares qui entourent la ferme et nourrissent les brebis, ainsi que le logement pour les fermiers. D'autres terrains servent de pâture, par accords oraux. Les référents Terre de Liens viennent vérifier que tout se passe bien, apportent un appui ou un accompagnement, en orientant les repreneurs réels vers la personne ou la structure ressource. "C'est un soutien financier et administratif", résume Pascale Hoeckman. Pour autant, le matériel appartient au fermier. "Mais il se revend". La location se concrétise sous la forme d'un bail rural environnemental, ceux de Terre de Liens incluant une clause de recomandations environnementales, comme l'engagement de ne pas faucher avant le 25 mai pour laisser la faune des insectes profiter du printemps. L'association demande aussi l'engagement d'obtention d'une certification biologique.

Un équilibre financier à trouver

"On commence l'instruction d'un dossier de candidat en donnant le montant du fermage, détaille l'administratrice de l'association, histoire que les repreneurs ne partent pas à l'aventure. Il faut être certain que le projet agricole permette de financer cela." Pour assurer la pérennité de la nouvelle activité, Terre de Liens s'assure aussi que l'activité en projet "leur permette d'atteindre le revenu qu'eux attendaient". Avec la conscience partagée, en toile de fond, qu'on ne vient pas reprendre une ferme en Cévennes pour devenir millionnaire. Les nouveaux installés savent aussi pouvoir compter sur les conseils et l'aide de l'association Solidarité paysans, ou du Réseau de l'agriculture paysanne du Gard. 

"La transmission, on a commencé à en parler il y a deux ou trois ans", songe à son tour Jean-Marc qui, avec Laurie, a déjà prévu de poser ses valises sur la commune des Plantiers. Et de quitter cette location-promontoire sur la vallée Borgne, qui aura vu une part de leurs années d'activité. Sélectionnés par Terre de Liens, Maureen et Pierre sont déjà sur place, Bastien les rejoindra. Pour une pousuite de l'activité. En plus de la transition Terre de Liens, ils bénéficient d'un contrat de parrainage subventionné par la Région, qui permet "de se tester, de voir si ça fonctionne", insiste Pascale Hoeckman.

"Il faut tout chiffrer"

Maureen, repreneuse de la ferme d'Auzillargues à Saint-André-de-Valborgne

Pas encore la trentaine, Maureeen et Pierre témoignent d'un ras-le-bol du salariat agricole, notamment trois ans durant dans la Buèges avec des chèvres, pour l'une, ou déjà avec des brebis laitières, dans le Gard, pour l'autre. Le troisième a été berger trois ans dans les Alpes. Ils arrivent déjà avec un projet d'installation mûri deux années, et des expériences de travail ensemble. Ou des idées, comme de changer petit à petit leurs brebis lacaune pour des brebis brigasques, plus rustiques. Ils arrivent aussi avec des envies plus récentes, de "dynamique collective", confie Pierre. "On a envie d'avoir un peu de temps libre quand même." Un temps à équilibrer avec une requête de revenu minimum. "On est dans une logique de pastoralisme, raisonne Pierre, afin que les brebis mangent le plus possible dehors. Ce qui demande du temps mais réduit les charges." "Mais il faut tout chiffrer, abonde Maureen. Étant donné qu'on va demander l'aide Jeunes agriculteurs, on est obligatoirement dans l'idée de retirer un Smic au bout de cinq ans." 

Une maigre somme, sans doute, au regard de la masse de travail que réclame un élevage. Mais à ceci aussi, les deux repreneurs sont préparés. "On dit un Smic, mais ce n'est pas la totalité du revenu, nuance Pierre : quand on a une ferme, on mange principalement ce qu'on produit sur la ferme, c'est une économie importante." De la même façon, si une petite forêt fait partie de la propriété, elle permet d'obtenir du bois de chauffe. Si l'équilibre est fragile, il est réel. En aidant les transmissions, Terre de Liens tente de solidifier cet équilibre.

François Desmeures

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