Publié il y a 1 an - Mise à jour le 14.03.2023 - Boris De la Cruz - 3 min  - vu 7267 fois

AU PALAIS Les terreurs de la place du village ont l’interdiction de vivre à Redessan

Trois hommes condamnés à quitter le village après des insultes régulières aux personnes homosexuelles

« On n’aime pas les gens comme vous dans notre village... » Ces propos ont été tenus à l’encontre d’un couple homosexuel au centre du village de Redessan. Trois jeunes hommes, dont deux frères, comparaissaient ce mardi 14 mars devant le tribunal correctionnel de Nîmes pour « injure et menace de mort en raison de l’orientation sexuelle » et « destruction du bien d’autrui commise en réunion ».

« Il y a un climat particulier à Redessan avec de nombreuses interventions des gendarmes notamment en avril et mai 2022 », résume Jérôme Reynes, le président de la juridiction. Les faits se déroulent toujours dans la rue de la république à Redessan. Les mis en cause ont été filmés et photographiés alors qu’ils menaçaient un couple homosexuel. Un couple qui a déposé de nombreuses plaintes, des mains courantes aussi. Seulement, la situation se dégrade au fil du temps avec des mots déplacés et des insultes à caractère homophobe. Le couple vit dans un « climat de terreur ». « La terreur, elle est aussi pour d’autres personnes qui dénoncent le groupe de jeunes. Vous faites peur à tout le monde dans ce village, les gens n’osent plus passer sur la place du village », ajoute le président Reynes. Les deux frères nient totalement les faits depuis le début. Le troisième était là mais n’a pas fait grand-chose selon ses explications.

Le couple victime exfiltré pour fuir les menaces

Pour les victimes, la version est différente. Avec courage, ils s’avancent l’un après l’autre à la barre du tribunal. « Le soir quand je sortais mon chien, je recevais des insultes lorsqu’ils étaient au kebab. J’ai pris sur moi pendant des mois. Ils disaient : "Le PD sort son chien" », raconte un homme avant que la situation ne dérape autour de caillassages de leur logement et de leur façade.

Le 16 mai 2022 la situation a totalement dégénéré : « Mon mari m’appelle en me disant ils m’ont encore insulté et ils voulaient rentrer dans la maison. J'ai dit j’arrive et, sur les conseils de la gendarmerie, nous avons filmé les insultes », complète la victime. Comme son époux, il est affirmatif au tribunal : les trois prévenus présents à l’audience ont participé à cette soirée. Le meneur est même dénoncé par une victime, c’est le plus âgé des frères. Des amis à eux vont même être obligés un soir « d'exfiltrer le couple » face à la menace grandissante.

Les victimes ont quitté le village 

« Depuis on ne vit plus à Redessan », affirment en cœur les deux hommes. « On n’aime pas les gens comme vous dans notre village », auraient lancé les mis en cause. Le plus jeune des prévenus demande la parole et accuse les victimes de les provoquer et « d’en rajouter » ! « Ils passent tous les jours devant le kebab, il ne se passe rien, je ne dis jamais rien. Ils rajoutent des choses pour nous écraser », reprend celui qui est considéré comme le meneur de la bande des terreurs de Redessan.

Une place du village de non-droit, selon Me Gutierrez

« C’est terrible que l’on en soit encore là en 2023, à injurier et caillasser des personnes homosexuelles », souligne Me Agathe Lugot, avocat de l'association AGPL. « La place du village, la place du kebab était devenue une zone de non-droit, où seules les règles de ces individus comptent... Pour eux les femmes n’existent pas, le monde des homosexuels non plus », plaide maître Guillaume Gutierrez. « Mes clients ont vécu l’enfer, les insultes, l’humiliation devant leurs enfants. Les prévenus sont arrivés dans la salle d’audience décontractés, provoquants même », ajoute Me Gutierrez.

La gendarmerie obligée de quitter les lieux selon le procureur

« Le comportement intolérable de ce groupe de jeunes est inadmissible. C’est le comportement continuel, quotidien. Avec 10, 15, ou 20 personnes qui occupent la placette, ils ne sont pas tous là aujourd’hui », dénonce le vice-procureur Jean Luc Vasserot. "Et nous sommes tous les victimes potentielles de ce groupe. Ils feraient mieux d’aller se coucher le soir pour se lever et travailler le matin. Les citoyens de Redessan sont importunés en permanence, ils s’en prennent même à une femme avec une poussette. Ils pensent qu’ils ont tous les droits et aucun devoir", accable le procureur en réclamant l’interdiction de séjour sur la commune de Redessan pour les trois « complices ». 

Le tribunal a suivi les réquisitions en condamnant deux prévenus à deux ans de prison avec un sursis probatoire de deux ans et plusieurs obligations comme celle de travailler et d’indemniser les victimes. De plus, ils ont l’interdiction d’approcher les parties civiles et sont sanctionnés à quitter immédiatement « leur » place du village. Ils ne doivent plus paraître sur la commune de Redessan où ils habitaient jusqu’à aujourd’hui. « C’est une peine qui peut permettre aux victimes, mais aussi à la commune de Redessan de retrouver une certaine sérénité », avait estimé dans ses réquisitions le procureur.

L’aîné des frères, "le leader" a écopé de 3 ans de prison dont une année ferme, avec les mêmes obligations. Lui aussi va dire adieu sans délai à sa place publique préférée de Redessan.

Boris De la Cruz

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