Publié il y a 5 mois - Mise à jour le 30.10.2023 - Lïana Delgado - 3 min  - vu 19154 fois

NÎMES Un million d’euros détourné : manipulation et escroquerie depuis la Côte d’Ivoire

Un million d'euros détourné

Une arnaque déguisée. 

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Un agriculteur nîmois de 60 ans a échangé avec ce qu’il pensait être une femme durant trois ans sur les réseaux sociaux. Cette relation virtuelle l’a amené ce jeudi 26 octobre devant le tribunal correctionnel de Nîmes. Manipulé, il a détourné un million d’euros.

En 2019, le sexagénaire rencontre une jeune femme de 30 ans sur Twitter. Très vite, ils échangent sur leur vie. “Au début de notre rencontre virtuelle, elle me disait qu’elle habitait Mulhouse. Puis quelques mois plus tard, elle a déménagé au Maroc”, explique le prévenu. Durant cette période, l’agriculteur rencontre des problèmes au travail et au sein de son couple. "J’étais très malheureux : ma femme était dépressive, elle a fait plusieurs tentatives de suicide. Et quand je parlais à cette fille je me sentais bien, c’était mon échappatoire”, avoue-t-il à l’audience.

"J’avais besoin de cette relation"

Au bout de quelques mois, la trentenaire prévient son destinataire du décès de son père. Elle explique au Nîmois qu’elle doit fournir 450 000 euros à la banque pour débloquer son héritage de sept millions d’euros. Il n’a alors plus qu’une idée en tête : l’aider. Le président demande au prévenu : “Vous n’étiez pas intrigué que cette femme ne veuille ni vous appeler ni vous voir ?” Il répond : "Non pas sur le moment. Je pense que j’avais besoin de cette relation donc je voulais l'épauler.” La femme, bientôt multimillionnaire, met l'agriculteur en relation avec un homme marocain, surnommé “le banquier”, pour qu’il puisse l’aider.

Et justement, ce super banquier a la solution miracle ! Il a en sa possession la somme d'un million d'euros. Seulement, il a besoin d'un petit coup de pouce de notre agriculteur. Il lui demande de déposer le million d'euros sur onze comptes bancaires différents. Pensant bien faire, le sexagénaire s'exécute. Ce qu'il ne sait pas, c'est que l'argent n'appartient pas au banquier, mais à une une certaine Madame Martin*. Cette dernière vient de vendre un terrain sur Nîmes début juin 2022. Lors de la vente, le notaire de Madame Martin demande à sa cliente son relevé bancaire par mail. Sa cliente est à la banque Populaire du Sud, pourtant il va recevoir un relevé bancaire d’une autre banque. Surpris, il la prévient. Elle confirme qu’il ne s’agit pas de sa banque et qu’elle n’a jamais reçu les mails du notaire. Sa boîte mail a été piratée... par le fameux banquier. 

"Je me suis fait abuser, j’avais une pression sans cesse"

Le 17 juin 2022, le notaire dépose plainte à Marguerittes. Une enquête est ouverte et la police remonte rapidement à l’agriculteur. Stressé, le prévenu explique : "Je me suis fait abuser, j’avais une pression sans cesse de ce banquier. J’ai appris lors de ma garde à vue qu’il m’avait contacté plus de 300 fois par mail en un mois. Certes, je ne savais pas d’où sortait l’argent mais si j’avais su qu’il appartenait à cette dame, je ne l’aurais jamais touché”. Il poursuit : "Je vous assure que je souhaitais donner ce millions d’euros à cette femme, je voulais vraiment l’aider. Ce n’était pas un enrichissement personnel, je n'avais pas besoin d’argent”. 

Le procureur questionne : “Je n’arrive pas à comprendre comment vous avez pu être sous emprise d’une personne virtuelle. Vous êtes entouré, vous travaillez, vous n’êtes pas dans une secte, c’est quoi cette emprise ?”. L'accusé reste sans voix. Durant l’enquête, la police a retrouvé qui était derrière le compte de la jeune marocaine. Les individus se trouvaient en Côte d’Ivoire et manipulaient l'agriculteur. Le procureur reprend : “Il ne s’est rendu compte de rien. Un enfant, je veux bien comprendre. Mais pas pour un adulte... Il a contribué à la mise en place de cette escroquerie”.

Pour le prévenu, Maître Rivierre plaide : “C’est désolant de ne pas continuer l’enquête pour retrouver les gens qui manipulent depuis la Côte d’Ivoire. Humainement on sent bien un homme qui est dépassé, il se sent honteux. Il souhaitait seulement venir en aide à cette femme. Mon client est innocent.” Il est néanmoins condamné à 16 mois de prison avec sursis. Il aura notamment pour obligation de payer les amendes du service public. Quand à Madame Martin, elle a pu récupérer son million d’euros.

* Le nom de famille a été modifié

Lïana Delgado

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