Publié il y a 10 mois - Mise à jour le 07.06.2023 - Stéphanie Marin et Norman Jardin - 4 min  - vu 3327 fois

FAIT DU SOIR La cheminée EDF, un souvenir encore bien ancré à Aramon

Le grignotage est désormais envisagé en solution de secours, puisque la cheminée n'est pas entièrement tombée. 

- Photo : S.Ma

La cheminée de la centrale thermique d'Aramon devait basculer, à la manière d'un arbre lorsqu'il est abattu. Au lieu de ça, elle s'est effondrée sur elle-même. Une partie de l'édifice (110m de haut) est même restée plantée dans le sol. 

7 juin 2023. Certains, peut-être plus particulièrement les Aramonais, avaient entouré cette date au feutre sur leur calendrier. Depuis des mois, ceux-là savent qu'un symbole du territoire de la vallée du Rhône n'existera plus après ce fameux 7 juin. Ce symbole, c'est bien sûr la cheminée de la centrale thermique EDF d'Aramon, un bloc de 50 000 tonnes de béton et d'acier qui culmine depuis près de 40 ans à 250 mètres de haut.

Monique Novaretti, conseillère régionale, Sylvain Vidal, directeur régional EDF, Virginie Monnier-Mangue, présidente de la CleanTech Vallée et Pierre Prat, président de la communauté de communes du Pont du Gard. • Photo : S.Ma

Au-delà des dimensions et des performances du site, implanté sur un terrain de 55 hectares en bordure de la rive droite du Rhône - un emplacement choisi pour ses conditions optimales de desserte en combustible et en eaux de refroidissement - sa participation à l'essor de la commune, Aramon, tant sur le plan économique que structurel, avait marqué et marque encore les esprits. Pascale Prat, première édile aramonaise, l'a rappelé lors de son discours sous le chapiteau installé ce mercredi sur les terres du Mas du Pibe à Aramon. 

Sylvain Vidal, directeur régional EDF lors de son discours ce mercredi 7 juin. • Photo : S.Ma

Un point d'observation situé à quelques centaines de mètres de la cheminée où étaient réunis les élus du territoire dont Pierre Prat, président de la Communauté de communes du Pont du Gard, mais aussi des départements voisins, les représentants de la Région, du Département, de l'État, les journalistes, les hauts cadres et les équipes d'EDF. La cheminée - première étape du programme de déconstruction de la centrale thermique qui s'échelonnera jusqu'en 2032 - n'était alors pas encore tombée que tous les regards étaient tournés "vers la construction d'un avenir avec des énergies renouvelables et décarbonées", a souligné Sylvain Vidal, le directeur régional d'EDF. Pascale Prat espère que "la requalification du site se fera en lien avec les attentes du territoire en matières d'emplois, de retombées économiques et fiscales pour la commune, la communauté de communes et l'ensemble du bassin de vie."

Chloé Demeulenaere, sous-préfète du Gard aux côtés de Pascale Prat, maire d'Aramon.  • Photo : S.Ma

Un travail qui a déjà commencé. La Villa, le siège de la CleanTech Vallée, un acteur de la transition écologique, du développement économique et de la neutralité carbone, s'est installée au pied de la centrale mise à l'arrêt en avril 2016. L'association présidée par Virginie Monnier-Mangue, accompagne notamment via son CleanTech Booster des start-up et PME innovantes. Soit 32 entreprises aidées et 40 emplois créés sur le territoire entre 2019 et 2021. La CleanTech Vallée a également coordonné l'installation de parcs photovoltaïques sur les sites industriels d'EDF (5MWc) et de Sanofi (4 MWc) à Aramon. 

La réhabilitation du site

En 2016, EDF a engagé son projet de réhabilitation du site pour lui donner une seconde vie d'ici 2032 en préservant sa vocation industrielle. Mise en sécurité du site, nettoyage, récupération et tri des matériaux à valoriser et recycler, lancement des études, désamiantage, déconstruction de la cheminée et du bloc usine. Coût total de l'opération, environ 50 M€.

Tandis que les officiels déroulaient leur discours - ponctués d'émotion, Virginie Monnier-Mangue n'a pu retenir ses larmes - dans le centre d'Aramon, quelques visiteurs terminaient d'admirer l'exposition de photos anciennes, agrémentée d'une grande maquette de la centrale thermique, présentée dans la salle des fête Eugène-Lacroix. "Ça fait de la peine de savoir qu'elle va tomber car elle faisait partie du décor. Elle était aussi le symbole du développement économique de la région", explique Paul. Daniel, quant à lui, tente une comparaison osée : "C'est comme si on démolissait la Tour Eiffel à Paris !"

Ces deux Aramonais, Paul et Daniel ont découvert l'exposition dédiée à la cheminée de la centrale, présentée à la salle Eugène-Lacroix, avant de se diriger vers l'espace loisirs de l'ilot-d'Alfred pour assister au spectacle.  • Photo : N.J.

Les Aramonais n'étaient pas les seuls à vouloir assister à l'évènement. Venu d'Avignon, Gilbert patiente en sirotant un café dans le centre du village dès 8h. "Ce n'est pas tous les jours que l'on peut voir ce genre de chose", lâche-t-il avant de croquer dans son pain au chocolat. Romain, venu d'Entraigues, s'attend bien sûr à des images spectaculaires, qu'il a bien l'intention d'immortaliser. "Le site a des airs de Tchernobil et j'ai l'habitude de venir dans le secteur pour faire des photos." Tout ce petit monde - environ 500 personnes - s'est retrouvé sur le point d'observation conseillé par la municipalité, à l'espace loisirs de l'ilot d'Alfred. 

Environ 500 personnes ont assisté à l'abattage de la cheminée de la centrale depuis le point d'observation de l'ilot d'Alfred à Aramon. • Photo : N.J.

À 10h30 sonnait le moment tant attendu. 5, 4, 3, 2, 1, 0... Quelques secondes de silence et tout à coup une détonation. Tous les yeux rivés sur l'édifice rouge et blanc s'attendent alors à le voir basculer, comme l'avaient annoncé les équipes techniques d'EDF. Mais un incident technique perturbe la manoeuvre confiée à la société Cardem, filiale de Vinci.

La cheminée s'effondre sur elle-mème dégageant un épais nuage de fumée rose, mais la partie basse sur une hauteur de 110 mètres reste plantée dans le sol, à peine penche-t-elle un peu. Du côté de l'ilôt d'Alfred, les applaudissements cessent aussitôt la fumée dispersée. "C'était prévue ?", demande une spectatrice incrédule, tandis que d'autres attendent une seconde explosion. Il n'y en aura pas. "Je n'aimerais pas être à la place de l'artificier", sourit un Aramonais, son voisin lui répond : "Ils ont au moins réussi à la refaire fumer !"

La partie basse de la cheminée est toujours ancrée au sol. • Photo : S.Ma

Au Mas du Pibe, l'ambiance était nettement moins détendue, du moins dans les premières minutes suivant l'explosion, chacun cherchant à obtenir des informations pour expliquer ce "loupé". "La partie supérieure était affaiblie, donc la cheminée s'est cassée en deux. Le poids de la cheminée n'était alors pas assez suffisant pour faire basculer l'ensemble", indique Philippe Astié, directeur du centre post exploitation chez EDF, s'appuyant les résultats des premières analyses effectuées sur site. Et le même de poursuivre : "C'est un aléa dont on a l'habitude en déconsctruction. La cheminée est plantée dans le sol, elle est stable, il n'y a pas de risque d'effondrement."

La sous-préfète du Gard, Chloé Demeulenaere, précise quant à elle : "il n'existe pas de risque pyrotechnique dans la mesure où les charges ont bien explosé." Un périmètre de sécurité de 150 mètres autour de la cheminée doit être mis en place par les techniciens afin de prévenir des risques de chutes de gravats. Reste maintenant à savoir quand et comment le reste de la cheminée sera démoli.

L'abattage de la cheminée EDF d'Aramon a eu lieu ce matin. Un incident technique est venu perturber la manoeuvre.  • Photo : S.Ma

"Pas aujourd'hui en tout cas, répond Philippe Astié. Cela va nécessiter des moyens, ce qui est important c'est que cela se fasse en sécurité." Il faudra compter quelques semaines, quelques mois peut-être. Quant au "comment", le grignotage est désormais envisagé, puisque la hauteur de la cheminée a, malgré tout, été réduite. L'important dispositif de sécurité coordonné par la préfecture du Gard a été levé un peu avant 12h30. Seule la RD 702 est restée fermée comme le prévoyait le protocole initial.

Le grignotage est désormais envisagé en solution de secours, puisque la cheminée n'est pas entièrement tombée.  • Photo : S.Ma

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