Face à la recrudescence des comportements erratiques des spectateurs lors des abrivados et bandidos cette année, les assureurs lâchent les manadiers qui sont en train de mourir.

Une année émaillée d'incidents

Cette année 2023, les incidents ont été particulièrement nombreux lors des fêtes. Le non-respect des consignes par les spectateurs a engendré des accidents. À Ledenon, lors d’une bandido deux semaines plus tôt, une bâche placée délibérément au milieu du parcours a provoqué la chute d’un gardian et l’euthanasie du cheval blessé. Selon André Vitou (manade du Levant à Marsillargues), 90% des manifestations cette année ont subi des incidents sur les parcours. « Que l’on s’amuse, c’est bien, mais les jeunes qui mettent des obstacles ou des fumigènes sur le parcours, non ! On travaille la peur au ventre à chaque manifestation", martèle André Vitou.

La fin des spectacles de rues ?

Entre les festaïres alcoolisés au milieu du parcours et les poussettes avec enfants près des barrières, le problème est devenu un casse-tête pour les organisateurs.

À l’encierro des cent taureaux de Beaucaire cette année, une maman était sur le parcours avec un enfant en bas-âge dans les bras.

Responsabilité des manadiers

Même si les gens se font encorner alors qu’ils se trouvent au milieu du parcours, ce sont les manadiers qui sont jugés responsables : la responsabilité des manadiers peut être engagée sur le fondement de l'article 1243 du code civil, aux termes duquel « le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé ».

Selon André Brundu, maire d’Aubord et président de la communauté de communes de petite Camargue (CCPC), la personne qui se met en danger devant un taureau devrait assumer son risque.

Les assureurs ont déserté

"Lorsqu’il y a sinistre, la mutuelle du sinistré attaque le manadier qui doit payer", lance Bérenger Aubanel, vice-président de la Fédération des manadiers. Ainsi les assureurs comme Axa, Allianz ou Gan se désengagent progressivement et augmentent leurs prix. Il ne reste presque que Groupama et pour combien de temps ? 66 manadiers sur les 116 adhérents à la fédération sont chez Groupama. Certains ne peuvent même pas s’assurer pour une course de vache. Et bientôt, plus personne ne pourra s’assurer pour une abrivado, qui disparaitra… avec les manades. " La matière première, c’est nous : les fêtes votives, la biodiversité, l’entretien du territoire… On nous met à toutes les sauces. Lors des élections on nous met en avant puis on nous oublie", explique André Vitou pour qui, comme pour 35 manades, les abrivados représentent 70% de leur chiffre d’affaires.

Les manadiers sont la Camargue

Avec les éleveurs de taureaux, ce serait la Camargue qui retournerait à l’État sauvage. Et l’économie qui disparaîtrait avec eux. Selon Bérenger Aubanel, entre les bars, les restaurants, les gîtes… C’est entre 300 et 400 millions d’euros qui sont générés par les fêtes votives en Camargue. "À Aigues-Mortes, les fêtes c’est 7 000 personnes qui dépensent 40 € par jour. Certains villages ne vivent que grâce aux recettes de la fête", indique le vice-président de la fédération des manadiers

Un plan d’urgence

Devant l’urgence de la situation, d’une seule voix, les manadiers demandent que les règles de sécurité soient appliquées et que notamment les maires et les spectateurs respectent une charte qu’ils ont eux-mêmes signée.

Une charte qui explique notamment qu’aucun obstacle ne doit être posé sur le parcours des taureaux par les spectateurs. Les manadiers demandent que les préfets fassent appliquer la charte à tous les maires par obligation.

Soutien de poids

"Ils sont attaqués par les antis tout, alors que les manadiers sont les premiers écologistes. Sans eux, la Camargue pourrait reprendre sa sauvagerie. Je vais rencontrer le préfet du Gard afin de le sensibiliser au problème très rapidement", martèle le sénateur du Gard Laurent Burgoa venu soutenir fermement les éleveurs. Les manadiers proposent également une trêve des manifestations taurines du 11 novembre au 1er mars. Une coupure qui permettra aux animaux de "respirer" et de concentrer les évènements. Une idée soutenue par Frédéric Lescot, propriétaire de la manade éponyme. Il est vrai que si toute la profession était présente lors de la manifestation du 11 février cette année, il semble qu’aujourd’hui les bonnes intentions ne sont plus en première ligne. Il est donc urgent de ne pas attendre afin d’éviter la catastrophe annoncée.