Publié il y a 7 mois - Mise à jour le 03.09.2023 - François Desmeures - 3 min  - vu 1643 fois

FAIT DU SOIR L'exil et le refuge, thèmes d'une Assemblée du Désert aux accents de son époque

Encore plusieurs milliers de personnes sur les faïs du mas Soubeyran

- François Desmeures

Des milliers de personnes, encore, sur les faïs du mas Soubeyran, ce dimanche 3 septembre, pour l'assemblée du Désert annuelle qui existe depuis 1911. Céline Rohmer, qui a assuré le culte du matin, a fait un lien entre les exils des huguenots d'il y a quatre siècles et celui des migrants actuels, pour qui les conditions ne sont pas bien meilleures. 

François Desmeures

Le plus surprenant, dans une assemblée aussi fournie de cheveux majoritairement blancs, c'est de se rendre compte qu'une partie de l'assemblée continue de se renouveler. Jean-Christophe n'était jamais venu, malgré "toute une famille protestante, historiquement du côté de Nantes". Lui est catholique, du nord-est de la France, mais venu "dans un esprit oecuménique. C'est l'occasion de se replonger dans nos racines". S'il ne connaît pas la manifestation du premier week-end de septembre en détail, il pense déjà y revenir. 

Jean-Christophe vient pour la première fois à l'assemblée du Désert • François Desmeures

Un peu plus loin, Edmée affûte son bâton de marche. Un palliatif pour celle qui, à 85 ans, a oublié sa canne. Edmée revient pour la deuxième année consécutive à l'assemblée du Désert, "après avoir fait un blanc pendant un certain temps". Un temps certain, même, soit 50 ans de pause pour assurer une coexistence pacifique avec son mari catholique, décédé depuis. "Mais c'est une tradition familiale, confie-t-elle tout en refusant d'être prise en photo. Et ç'a été difficile de ne pas venir pendant ces années. Mais maman était d'Anduze, j'ai quand même des attaches." Venue dans les Cévennes avec "des amis qui ont bien voulu me prendre en charge", elle ne renoncera plus au rendez-vous, tant qu'il lui sera possible de venir. 

À droite, Sylvie Arnal, maire du Vigan, et Régis Bayle, président du Pays viganais • François Desmeures

Glacière à la main, le président du Pays viganais, Régis Bayle, arrive en compagnie de Sylvie Arnal, maire du Vigan. Le préfet du Gard, Jérôme Bonnet, est accompagné par la conseillère départementale de La Grand'Combe, Isabelle Fardoux-Jouve, et reçu par le maire de Mialet, Jack Verriez. Juste derrière la tribune des "officiels", la responsable de l'union locale CGT d'Alès, Martine Sagit, est venue avec sa soeur. "Le sujet de l'exil est intéressant", confie la responsable syndicale, dont la famille est "de confession protestante. Certaines personnes ont été obligées de quitter le pays pour leur religion. D'une certaine façon, c'est une continuité de l'engagement syndical car mes valeurs, je les ai trouvées en premier dans la religion protestante."

Martine Sagit, responsable de l'union locale CGT d'Alès, avec sa soeur, Fabienne • François Desmeures

"Si on ne garde pas les événements qui gardent la mémoire, on perd tout, poursuit Martine Sagit. Et puis, le thème de cette année, l'international, est aussi important pour la CGT". La pasteure Céline Rohmer, de l'institut protestant de théologie de la faculté de Montpellier, en charge du culte pour cette assemblée, s'est appliquée à conserver ce thème actuel et vivant. 

Céline Rohmer, de l'Institut protestant de théologie, a assuré le culte • François Desmeures

"Nous sommes des voyageurs sur la terre, a entamé Céline Rohmer. Dans la communion avec toutes celles et ceux qui nous ont précédés." Reprenant l'épître que l'apôtre Paul adresse aux Romains, la pasteure se place "dans l'espérance de la gloire de Dieu"

"Pour quelle terre promise avez-vous levé les voiles ?"

Céline Rohmer

"Pour quelle terre promise avez-vous levé les voiles ?" interroge alors Céline Rohmer, qui lie son sermon à l'actualité. "Des milliers d'hommes et de femmes aujourd'hui se tournent vers d'autres territoires que les leurs pour trouver refuge. Ils s'entassent, par milliers, sur des bateaux de misère fuyant, au-delà des mers, à la recherche d'une terre d'accueil. Leur exil à eux n'est pas une métaphore. C'est une urgence politique. D'autres voyageurs contraints avancent dans les couloirs sud-américains espérant trouver asile... Et ces autres, laissés agonisants dans les déserts subsahariens... Leur marche forcée, à eux, n'est pas une figure de style. C'est un cri d'injustice. Et combien d'autres, en ce moment même, résistent sous les bombes pour préserver leur pays de la fureur de quelques violents. Leur terre promise, à eux, n'est pas un horizon : c'est une liberté à défendre."

À gauche, le préfet du Gard, Jérôme Bonet, en discussion avec le conservateur du Musée du Désert, Denis Carbonnier, sous le yeux de la conseillère départementale, Isabelle Fardoux-Jouve, et du maire de Mialet, Jack Verriez • François Desmeures

"L'espérance d'une terre habitable anime chacune et chacune d'entre nous, a poursuivi la pasteure. Cette espérance est aussi celle de nos enfants, inquiets de la destruction programmée de l'environnement et des êtres. Heurtés de plein fouet par cette frénésie de consommation et d'accumulation. Cette jeunesse, déjà éprouvée et à qui on ne propose rien d'autre que croissance et rendement jusqu'à épuisement des sols et des âmes. Cette jeunesse-là - elle le sait déjà - son voyage à elle ne pourra pas être la quête d'un ailleurs. C'est ici qu'elle réclame le changement." Céline Rohmer oppose "un temps où la clandestinité et la résistance faisaient acte de foi" au temps actuel où "nous voilà recourbés en nous-mêmes, dirait Luther, confinés dans nos propres systèmes religieux et politiques, séduits, confortablement installés, captifs, en réalité, de nos propres prétentions. Sédentaires de coeur et d'esprit." 

La Sainte Cène, de retour en fin de culte après les années Covid • François Desmeures

Un sermon qui a permis, à Céline Rohmer, de lier ensuite la "foi", qui n'est "jamais assurée, toujours un saut dans l'incertain", et l'espérance. "L'une appelle l'autre", et "la foi est la réalité de ce qu'on espère. Notre espérance  nous parle de l'avenir mais ne se conjugue qu'au présent". Mais quel que soit le rapport temporel, Céline Rohmer a plaidé pour que "la haine et la violence ne l'emportent pas sur l'amour"

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