Publié il y a 5 mois - Mise à jour le 17.11.2023 - Marie Meunier - 4 min  - vu 473 fois

GARD Que reste-t-il des Gilets jaunes 5 ans après ? Des Bagnolais témoignent

gilets jaunes bagnols blocage

Lors des blocages le 17 septembre 2018, à Bagnols-sur-Cèze.

- photo d'archives Thierry Allard

Le 17 novembre 2018, avait lieu la première journée de mobilisation des Gilets jaunes. Cinq ans plus tard, que reste-t-il de ce mouvement qui a marqué l'actualité plusieurs mois durant ? Des Bagnolais qui y avaient pris part nous livrent leur ressenti. 

Ronds-points accaparés, barrages filtrants, cortèges, péage gratuit... Le 17 novembre 2018, la France connaissait l'acte I des Gilets jaunes. Une mobilisation très forte, notamment dans le Gard. À Bagnols-sur-Cèze, les entrées de ville avaient toutes été prises d'assaut, créant d'importants ralentissements. À l'époque, beaucoup de manifestants exprimaient leur ras-le-bol et brandissaient le prix à la pompe comme "la goutte d'eau" qui a fait déborder le vase. S'en sont suivis d'autres revendications, d'autres actions, des grands débats, des cahiers de doléances... Cinq ans après, dans un contexte bien plus inflationniste, que reste-t-il de ce mouvement qui a marqué l'actualité française des mois durant ? 

Il existe encore des groupes sur les réseaux sociaux, des associations. Les Gilets jaunes du Gard rhodanien se rejoignent encore sur le rond-point de l'Europe. Ils y étaient ce matin. "On a fait notre quinquennat, ça y est", glisse Dominique, une Connaulaise qui fait partie de l'association encore aujourd'hui. Il y a cinq ans, elle avait vu "un grand élan d'espoir qui au début rassemblait monsieur et madame tout le monde", mais qui a été vite terni par les incidents plusieurs samedis durant et aussi par l'image négative conférée aux Gilets jaunes, selon elle. 

"On revendique les mêmes choses qu'il y a cinq ans"

Elle considère pourtant que cette insurrection lui a ouvert les yeux sur l'autre : "J'avais un esprit un peu obtu de la politique. Je votais comme papa et maman, sans me poser de question. Je travaillais, j'avais la tête dans le guidon. Là, j'ai rencontré sur les ronds-points des gens extraordinaires, qui avaient un autre discours." Aujourd'hui encore, elle "ne lâche rien" pour ses enfants et ses petits-enfants : "On revendique les mêmes choses qu'il y a cinq ans. On se bat pour la justice, le RIC, un pouvoir d'achat correct. On essaie d'aller dans les manifestations des syndicats ou non, sur les ronds-points, sur le marché, sur les réseaux sociaux."

Comme elle, Christophe Prévost fait partie de l'association Les Gilets jaunes du Gard rhodanien et confirme : "Tout ce qu'on avait prévu en 2018 est arrivé. Tout a augmenté. Beaucoup de gens s'en aperçoivent et le vivent aujourd'hui. (...) L'éducation est en berne, l'hôpital en train de mourir..." Le quinquagénaire a été l'un des leaders du mouvement à Bagnols-sur-Cèze mais il a compris que pour changer les choses, "il fallait investir le champ politique". En 2020, il s'est présenté aux Municipales avec la volonté de faire de la démocratie participative. Il n'avait réuni que 62 voix. Il s'est représenté à d'autres scrutins, et avait aussi soutenu Jean Lassalle. Sans succès encore. Aujourd'hui, il affirme échanger au plan national pour préparer 2027 pour une "vraie démocratie".

L'engagement politique, une suite de la contestation ?

Une autre personnalité qui a émergé pendant les Gilets jaunes, c'est Jérôme Jackel. Lui aussi s'est engagé en politique à la suite de la contestation. "J'ai pris conscience que bloquer les ronds-points ne servait à rien. J'ai fait autrement. Ça ne l'a pas fait par le rapport de force, il fallait passer par une voie plus diplomatique." En 2020, il était en bonne place sur la liste "Alliance citoyenne", qui a connu quelques déboires ensuite. Depuis quelques mois, il siège comme conseiller municipal d'opposition. 

On voit que chez certains Gilets jaunes, cette mobilisation a pu avoir un effet de conscientisation allant même jusqu'à l'engagement politique. Quelques-uns revendiquent encore la couleur fluo, pour d'autres, elle est derrière eux. "Mais ces mobilisations ont été utiles, elles ont permis de libérer la colère. On sent qu'il y a eu quand même quelques avancées sur la consultation citoyenne dans les communes", estime Jérôme Jackel. Dans le Gard rhodanien, fin 2018 et début 2019 avaient été marqués par le blocage de FM Logistic à L'Ardoise, par le blocage de la gare. Une action qui visait à soutenir l'association des usagers TER-SNCF de la rive droite du Rhône alors que la ligne n'était pas encore rouverte aux voyageurs. 

Un mouvement "pas structuré" et trop confus

Les revendications étaient très diverses. Trop diverses. "Et souvent on leur répondait "ça, on le fait déjà. Ça aussi ça existe"", se remémore le maire de Bagnols-sur-Cèze, Jean-Yves Chapelet, qui a reçu à plusieurs reprises des représentants dans son bureau. Lui se rappelle aussi des difficultés endurées par les commerces au fil des actes : "Les commerçants n'ont pas eu d'indemnités et un an après, il y a eu le covid-19. On a subi deux crises l'une derrière l'autre."

Pour l'édile, le mouvement "n'avait pas de mot d'ordre, rien n'était encadré. On retrouvait l'extrême-Droite, l'extrême-Gauche, les commentateurs de canapé. Il faut regarder où ont fini les leaders des Gilets jaunes, je n'ai pas vu rentrer quelqu'un au PS ou à Horizons." Et d'ajouter : "Ça a été très manipulé et n'a abouti à rien car ce n'était pas structuré." Un dernier point partagé par une Bagnolaise syndiquée à la CGT, coutumière des manifestations : "C'était un mouvement où chacun faisait ce qu'il voulait, où on a mis trop de demandes dedans. Et finalement, rien n'a abouti. C'est dommage. C'est un peu le problème des manifestations où rien n'est structuré. À force de trop demander, on n'obtient rien."

Elle insiste : "Déjà quand on est beaucoup à demander qu'une seule chose, on ne l'a pas. Beaucoup à demander plusieurs choses, ça a été catastrophique. Y a qu'à voir les cahiers de doléances qui doivent être bien rangés dans des cartons." Elle garde un sentiment de déception : "Au début, tout le monde, toutes les sensibilités politiques étaient mélangées, c'était fort. Mais quand on a posé nos revendications, on s'est rendu compte qu'on n'avait pas tous les mêmes. Il y avait des clivages, avec des personnes du Front national." Après une succession de week-ends agités avec leurs lots de blessures, de dégradations, de violences, le mouvement a fini par s'essouffler. Mais des irréductibles Bagnolais devraient se rendre ce samedi, à Montélimar. 

Marie Meunier

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