Publié il y a 11 ans - Mise à jour le 22.04.2012 - stephanie-marin - 4 min  - vu 325 fois

LE PORTRAIT DU DIMANCHE : ACHDÉ, LE PÈRE D'ADOPTION DE LUCKY LUKE

Achdé sera à Nîmes le 12 et 13 mai 2012 à l'occasion du Salon Européen de la Bande Dessinée. Photo DR/

Nîmes s'apprête à accueillir la 11ème édition du Salon Européen de la Bande Dessinée sur le parvis des Arènes. L'occasion pour les mordus des bulles de (re)découvrir leurs albums fétiches ainsi que des inédits au fil des rencontres avec les privilégiés de la profession. Parmi ceux-ci, un énergumène qui a grandi dans les quartiers ouest de Nîmes, celui qui en 2002 a officiellement succédé à la plume de Morris, le bien nommé Achdé. Ainsi, celui ui depuis 10 ans signe les albums de Lucky Luke sera le 12 et 13 mai prochain, le président d'honneur du 11ème Salon Européen de la Bande Dessinée de Nîmes.

Un retour au pays qui fait ressurgir de la mémoire d'Achdé (Hervé Darmenton, Ndlr), le souvenir "d'une enfance très heureuse" après un premier déménagement du Maroc à Lyon avant d'atterrir à Nîmes. "C'était un hiver au milieu des années 60. Nous avions emménagé au Super Nîmes, quartier ouest. À l'époque, les bâtiments se construisaient tout juste. C'était un mélange de garrigue avec des moutons et de chantiers de construction d'immeubles. Tout était neuf. J'ai été à l'école Paul Langevin puis au collège Condorcet, des établissements que j'ai vu se construire" raconte Achdé se souvenant de ce joyeux melting-pot dans son quartier où les familles venues de l'Afrique noire et celles d'Indochine se côtoyaient dans la joie et la bonne humeur.

Le Nîmois de cœur se souvient de ces après-midis qu'il passait dans sa chambre -- "quand mes parents ne me mettaient pas dehors" s'amuse -t-il -- à dessiner. "Je n'allais pas souvent en ville, il faut imaginer qu'à la fin des années 60, il n'y avait que deux bus pour aller en ville. Alors lorsque je restais chez moi, je dessinais beaucoup. Et j'ai commencé dès l'école primaire. À cette époque, il n'y avait pas de Super-héros, je m'inspirais des histoires de Western, de chevaliers, de Zorro." Une passion est née dans le cœur du garçonnet. Une passion d'abord freinée par la maman d'Achdé. Eh oui en ce temps-là, et c'est encore le cas aujourd'hui, les bandes dessinées étaient déjà mal considérées, sous-estimés face aux pavés de la grande littérature. "Alors nous avons passé un deal avec ma mère, si je voulais avoir une BD, je devais lire en échange un livre dit "normal." C'était en 1966. Et le jour où nous avons passé ce deal, ma mère a commencé à me constituer ma bibliothèque de livres et de BD, principalement des albums d'Astérix au début."

Et puis, à l'âge de neuf ans, Achdé achète sa première bande dessinée avec ses propres deniers. Enfin, plus ou moins son propre argent. "Tous les dimanches, j'allais à la messe. Ma mère me donnait deux pièces pour la paroisse. Je n'en donnais qu'une et j'économisais l'autre, comme ça pendant sept semaines, jusqu'à ce que j'obtienne la somme pour m'offrir ma BD, "Lucky Luke contre Phil Defer." Une BD que j'ai toujours d'ailleurs. Mais depuis j'ai remboursé ma dette envers l’Église" s'amuse le dessinateur.

De la radiologie à la bande dessinée

Kid Lucky - © Achdé/Lucky Comics 2011

Les années passent, les dessins s'accumulent sur les marges des cahiers d'Achdé qui se nourrit des "Pif Gadget" et des "Spirou." L'envie de faire le métier de dessinateur ne cesse de grandir mais la réalité de la profession encore mal connue plonge le garçon devenu jeune homme dans le doute malgré une première publication dans un fanzine à l'âge de 14 ans. Comment se faire remarquer et surtout comment gagner son pain en dessinant ? "On ne connaissait rien du métier. Alors à 20 ans, pour assurer mes arrières, j'ai passé le concours des manipulateurs en électroradiologie médicale au CHRU de Montpellier." Puis il se retrouve au service radiologie du CHU de Nîmes à l'âge de 23 ans. Dans la salle d'attente de l'hôpital et du cabinet d'imageries médicales, il laisse traîner des dessins qui détendent, mieux, font rire les patients. Plus possible d'échapper à l'appel des crayons. C'est grâce à celle qui deviendra son épouse qu'Achdé lâchera finalement sa carrière médicale pour se lancer dans le dessin.

À Nîmes, Hervé Darmenton monte un studio de création, puis une agence de pub, publie des dessins dans la presse régionale et nationale. Il autofinance la publication d'un album, "Destins croisés", en 1986. L'avenir reste toutefois incertain et en 1988, au lendemain des inondations où ils ont tout perdu, Achdé et son épouse donnent naissance à un petit garçon. "Nous n'avions plus d'argent. Alors j'ai tenté une dernière fois de faire ma place dans le monde de la BD en voyant deux derniers dossiers de dessins à Dupuy et Dargaud." Les deux maisons d'éditions répondrons positivement mais c'est avec Dargaud qu'Achdé signera à l'âge de 30 ans. Reste à trouver l'idée. Un reportage télé la lui fournit. Quelques éleveurs en colère qui balancent des moutons sur une compagnie de CRS et c'est le déclic : la série humoristique "CRS = Détresse" (d'abord seul puis avec Cauvin) lui vaut un certain succès. Suivront, en parallèle, "Fort Braillard", "Woker" (avec Widenlocher), "Doc Véto" sur un scénario de Godard, puis "Les Damnés de la route" et enfin "Les Canayens de Monroyal" pour le marché nord américain. À ce moment, Achdé, installé dans le Gers avec femme et enfants, vit enfin de la bande dessinée.

Lucky Luke, la consécration

"Un jour, j'ai reçu un coup de téléphone et on m'a dit "Hervé, ta vie va basculer!" En 2001, alors que Lucky Luke vient de perdre son père, Achdé, dessinateur des aventures en solo de "Rantanplan" est nommé digne successeur de Morris et reprend les dessins de Lucky Luke. "Ma vie professionnelle dans la BD est un long escalier. Marche après marche j'ai su me faire remarquer. Moi, l'éternel insatisfait je n'avais que deux choses en tête : vivre de mon art et aller jusqu'au bout. Reprendre Lucky Luke a été un grand cadeau, une source de joie immense mais aussi d'angoisses. Moi qui faisais partie de l'école de Franquin, l'école des gros nez comme on l'appelle avec des traits très ronds, j'ai dû revenir à un dessin plus réaliste. Pendant six mois, j'ai travaillé mon dessin avant que le premier album ne sorte, un court récit, "Le Cuisinier français." L'aventure aux côtés de Lucky Luke démarre alors sans que personne ne remarque la différence entre le trait de Morris et d'Achdé. S'en suivront quatre albums et le prochain tome de Lucky Luke "Cavalier seul" devrait être en librairie dans le courant de l'année, accompagné d'un nouvel album de "Kid Lucky."Le rêve d'enfant d'Achdé est devenu réalité.

Retrouvez le programme du Salon Européen de la Bande Dessinée 2012, le 12 et 13 mai sur le parvis des Arènes de Nîmes en cliquant ici.

Stéphanie Marin

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