Publié il y a 11 ans - Mise à jour le 17.03.2013 - stephanie-marin - 3 min  - vu 451 fois

PORTRAIT DU DIMANCHE Émile Breton : Un itinéraire, d’Alès à Paris

Emile Breton, dans les rues de Paris, le 1er mai 2010... Photo DR/E.B.

Le Festival Cinéma d'Alès Itinérances a confié une carte blanche à Émile Breton, grande figure de la critique cinématographique en France depuis plus de 50 ans. Depuis près de vingt ans, cet homme d'engagements et d'engouements né à Alès en 1929, dispose dans L'Humanité d'une chronique hebdomadaire dédiée au cinéma sous toutes ses formes. Mais cette fois-ci, à la demande d'Objectifgard.com, Émile Breton a pris sa plume, ou plutôt son clavier, pour sa vie, son itinéraire, d'Alès à Paris...

Je suis né le 27 février 1929 à Alès, rue du Quatre-Septembre où naquit également mon frère, Gilbert, trois ans après moi. Ma plus jeune sœur, Huguette, est née au quartier du Bas-Brésis, cinq ans plus tard, où mes parents venaient de faire construire une maison grâce à la loi Loucheur, récemment votée pour « favoriser l’habitation populaire ». Le Bas-Brésis était alors la campagne. Nous avions poulets, lapins et une chèvre qu’avec mon grand père, nous menions brouter le long des chemins. Nous buvions son lait et celui des vaches d’une ferme voisine. L’école du Palais que je fréquentais à partir de six ans était loin et il n’y avait pas alors de ramassage scolaire. Ni de cantine : je mangeais à midi chez mon oncle et ma tante qui tenaient une épicerie, « L’Étoile du Midi » rue de la République. Mon oncle, qui me fit lire « les Misérables » alors que j’avais une dizaine d’années, me donna le goût de la lecture. C’est au Front populaire (et à ses suites malheureuses pour mon père) que nous devons, avec mes parents, nos premières vacances, mon père ayant été licencié pour action syndicale de la banque où il travaillait. Avec ses indemnités nous avons passé quinze jours de vacances au Grau du Roi. Pendant la guerre, ma mère a remplacé mon oncle à l’Étoile du Midi où nous sommes restés jusqu’en 1946. Retour au Bas-Brésis. Pour moi, lycée Jean Baptiste Dumas, puis faculté de droit à Montpellier où je n’ai tenu que deux ans.

Étudiant j’ai vécu, en « sympathisant » si j’ose dire, les grèves des mineurs de 1947 sur le carreau de la mine de Rochebelle où nous avons subi l’assaut des CRS et, après leur défaite, j’ai retrouvé deux maîtres mineurs qui, militants de la CGT, avaient été licenciés. Boiseurs de métier, ils s’étaient fait bûcherons. J’ai travaillé deux mois avec eux à l’abattage de pins sur des chantiers au dessus de Robinson où nous nous rendions à vélo le jour pas encore levé. Bref passage : à peine le temps d’apprendre à « espoudasser » un tronc. En 1949, communiste, j’entrais au quotidien montpelliérain « La Voix de la Patrie », où je suis resté jusqu’à sa disparition en 1953. Ensuite, « La Marseillaise ». J’ai travaillé à toutes les rubriques, le sport excepté, dans ces deux quotidiens. École formatrice. C’est à « La Marseillaise » que, m’intéressant depuis toujours au cinéma, j’ai écrit en 1960 mes premières critiques.

On peut passer rapidement sur la suite, loin du pays, loin d’Alès. Pas de nostalgie pourtant : la cité touristique proprette d’aujourd’hui est si loin de la ville minière que j’ai connue, bruyante, sale avec son Gardon qui roulait des eaux noires (nous allions nous baigner, à vélo toujours, à Prafrance, sur le Gardon d’Anduze) que je n’y ai, plus tard, rien retrouvé de mon de mon enfance. Donc, à Paris, à partir de 1971, « La nouvelle critique » mensuel communiste à destination des intellectuels où, dans les affrontements idéologiques de l’après 68, mes camarades de la commission cinéma, Jean André Fieschi, Bernard Eisenschitz, Jean Patrick Lebel, m’ont aidé à mieux « lire » les films et les enjeux qui les sous-tendaient. C’est en ces années-là que j’ai été chargé aux éditions du Seuil de mettre à jour les dictionnaires des cinéastes et des films de Georges Sadoul. « Révolution » ensuite, hebdomadaire, communiste toujours, et trois livres  sur la banlieue, un sur les femmes cinéastes. Enfin, la retraite, avec la collaboration à diverses revues, à des ouvrages collectifs sur le cinéma en Italie et une chronique hebdomadaire à « L’Humanité ». Avec l’espoir de pouvoir écrire « à suivre ».

Les quatre films que j’ai choisis pour la « carte blanche » s’inscrivant dans la trajectoire que je me suis efforcé de suivre dan mon travail. Si l’on veut en effet trouver un lien entre ces œuvres de tonalité si    différente, ce sera celui du plaisir à aller à la rencontre de cinéastes qui, ayant « quelque chose » à dire, ont choisi les moyens de l’expression cinématographique et nul autre pour le dire. La comédie soviétique des années vingt, « La Maison de la rue Troubnaia » de Boris Barnet, le western des années cinquante, « La Chevauchée des bannis » d’André De Toth, la comédie de Renoir autour du théâtre, « Le Carrosse d’or » et le film récent « The We and the I » de Michel Gondry sont pour moi le témoignage que le cinéma est capable de parler de son temps ou de grands problèmes de la fonction de l’art dans la société. J’espère faire partager cette conviction.

S.Ma

Stéphanie Marin

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