FAIT DU JOUR Le droit à l'avortement est-il menacé ?
À l'heure où le gouvernement espagnol tente de durcir sa législation sur l'avortement, la France, elle, l'assouplit en supprimant la notion de "situation de détresse" dans le cadre du projet de loi pour l'égalité hommes-femmes adopté le 28 janvier par les députés. À Alès, les défenseurs de l'IVG (Interruption volontaire de grossesse) constatent que ce droit n'est jamais réellement acquis et que le combat est perpétuel.
Au centre de planification du quartier des Cévennes, Simone Deleuze et Sylvette Burga, bénévoles pour le planning familial, défendent depuis toujours le droit à l'avortement. Aujourd'hui retraitées, elles se souviennent de l'évolution, au fil des années, de la législation sur l'avortement en France. Car il a fallu attendre la loi Veil de 1975 pour que l'interruption volontaire de grossesse devienne un droit pour toute "femme enceinte que son état place en situation de détresse". Dix ans plus tôt, en 1965, le planning familial naissait à Alès suite à la création, en 1956, du mouvement militant connu sous le nom de "La maternité heureuse". L'association, devenue aujourd'hui "Le mouvement français pour le planning familial" réunissait à l'époque des femmes et des hommes bien décidés à faire changer la loi de 1920 qui interdisait l’avortement ainsi que l’utilisation et la diffusion de tout moyen contraceptif en France. Mais heureusement les mentalités évoluent et en 1967, la loi Neuwirth autorise l'usage des contraceptifs. Premier pas avant que le combat de Simone Veil porte ses fruits sept ans plus tard.
Continuer d'améliorer les droits des femmes
Cette loi et celle du 31 décembre 1979 fixent les conditions dans lesquelles peuvent se pratiquer les interruptions volontaires de grossesse. Celles-ci doivent être pratiquées avant la fin de la dixième semaine (soit douze semaines à partir du début des dernières règles) un entretien social préalable est obligatoire et les jeunes filles mineures doivent avoir l'accord de leurs parents. En juillet 2001, de nouvelles mesures allongent la durée à la fin de la douzième semaine de grossesse (soit quatorze semaines d'aménorrhées), ne rendent plus l'entretien obligatoire pour les personnes majeures et les mineures peuvent choisir d'être accompagnés par un adulte référent en cas de difficultés avec la famille.
De belles avancées qui n'enlèvent pas pour autant la difficulté pour une femme d'être confrontée à ce type de situation. Au nombre de 12 dans le département du Gard, les centres de planification, au-delà de leur rôle de prévention, d'information et d'éducation, apportent également leur écoute et guident celles et ceux (car les hommes aussi sont concernés) vers les bons interlocuteurs en cas de grossesse non désirée. "Ils passent par nous pour savoir comment cela va se passer et pour avoir des conseils" commente Sylvette Burga, qui a exercé le métier de conseillère conjugale dans des centres de planification pendant 35 ans.
La remise en cause
Le combat mené pendant toutes ces années pour que la femme puisse avoir et garder la liberté de choisir semble ne jamais se terminer. Aujourd'hui, le projet de loi qui supprime en Espagne le droit à l'avortement suscite une levée de bouclier sans précédent entraînant également des manifestations de soutien en France. "Il y a à la fois une lutte pour améliorer ce droit mais aussi des forces réactionnaires insidieuses qui s'y opposent" souligne Sylvette Burga. Et d'ajouter : "Nous n'avons plus les médecins militant pour une prise en charge de la personne". Pour Simone Deleuze, "ce que veulent les réactionnaires, c'est remettre les femmes à la maison". Car le droit à la contraception et à l'IVG ont permis et permettent encore aux femmes "de choisir leur mode de vie" et donc de jouer un rôle plus important qu'avant au sein de la société et dans le monde du travail. Indignées, les deux bénévoles du centre de planification alésien craignent que ce durcissement de la législation espagnole finisse par grignoter les pays européens et ce serait "révoltant de devoir se battre à nouveau". D'autant que supprimer ce droit ne diminuerait pas le nombre d'interruptions volontaires de grossesse, sachant que toutes les neufs minutes, une femme meurt des suites d'un avortement illégal ou dangereux. Mieux vaut donc par contre ne pas interrompre la réflexion visant à garantir la liberté individuelle de la femme.
Elodie Boschet
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