ALÈS Festival Ciné été : "Fatima", de l'invisible au visible
Ce soir, pour la seconde soirée du festival Ciné été d'Alès, le réalisateur Philippe Faucon présentera en avant-première son dernier film "Fatima", qui rentre dans le quotidien et les pensées d'une mère de famille invisible par sa langue et sa religion. Rencontre.
Objectif Gard : Comment est née "Fatima" ?
Philippe Faucon : Le projet m'a été proposé par une productrice. Elle voulait adapter le livre "Prière à la lune". Je ne connaissais pas l'ouvrage qui n'est pas évident à lire la première fois. Il s'agit d'une forme de journal sous forme introspective, de l'analyse de sentiments. J'ai mieux compris en rencontrant l'auteur, Fatima. Cette femme a été déscolarisée tôt et elle en a beaucoup souffert. Elle a un besoin d'expression constant. C'est une personnalité forte qui a une véritable histoire. Il y avait effectivement matière à un film.
OG : Qu'est ce qui vous a plu dans ce livre ?
PF : Fatima m'a constamment renvoyé aux souvenirs de mes grands-parents qui ne parlaient pas non plus le français. Ils ont également vécu cette invisibilité. Je me rappelais que ceux qui sont privés de la parole ont un regard très fort. C'est ce qui arrive à Fatima.
OG : Le fait de vous inspirer de votre vécu vous a-t-il aidé à sortir des clichés ?
PF : Effectivement, c'est une matière propice aux simplismes. Il s'agissait d'aller au delà. On a souvent un regard réducteur sur ces personnages. Je me suis simplement intéressé à eux et à leur histoire, pour leur donner chair et vie. Je n'ai pas cherché à m'en débarrasser.
OG : Quel votre objectif, avec ce long-métrage social et politique ?
PF : Parler de ceux qui sont peu représentés à l'écran. Ils ont une place dans la société qui est en décalage avec leur place au cinéma. Ces personnes ont quelque chose proche de tout le monde, quelque chose d'universel. Chaque spectateur peut s'identifier à l'un d'entre eux. C'est ce qu'il fallait montrer.
OG : Vous vous attachez à décrypter les conséquences de la barrière de la langue dans la famille de Fatima, dont les filles parlent français. Pourquoi ce fossé est-il toujours aussi présent ?
PF : Dans l'Hexagone, l'idée commune est qu'il faut favoriser l'enseignement du français. C'est juste, mais ça ne doit pas vouloir dire renoncer à son héritage. Et il n'est pas simple d'apprendre une langue quand on travaille du matin au soir, comme le fait Fatima. Sans compter qu'elle doit aussi s'occuper de ses enfants. Le problème, c'est que ces derniers ont l'impression que leur mère est à l'écart.
OG : Vous avez vous-même produit le film avec des moyens limités. Pourtant, le sujet est plus que jamais dans l'actualité et très porteur. Pourquoi aucun "gros" producteur n'a souhaité croire en ce projet ?
PF : Il est compliqué de trouver des moyens importants pour un film sous-titré. Par ailleurs, il n'y a pas de comédiens connus pour ce genre de rôles. Fatima ne pouvait être jouée que par une actrice qui, elle-même, maîtrisait mal le français. Sinon, ce n'est pas naturel.
OG : Comment a réagit la vraie Fatima en visionnant le résultat final ?
PF : Elle l'a vu 5 fois! Elle était très inquiète au départ. Finalement, à la première projection, elle était bouleversée, elle tremblait. Elle est très contente. Ça produit quelque chose de fort chez elle.
Propos recueillis par Eloïse Levesque
Pratique :
"Fatima" en avant-première aux Arcades d'Alès ce soir à 19h, en présence de Philippe Faucon. Sortie le 7 octobre. 5€/4€ (-14 ans)
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