LES SPÉCIALISTES Loi El Khomri : interviews croisées des leaders syndicaux
Tous les samedis, à 7h, ne manquez pas le décryptage de spécialistes sur un événement, un fait d'actualité, une polémique... Cette semaine, rencontre croisée avec deux élus syndicaux de différentes sensibilités : Xavier Douais, président de la CGPME 30, et Bernard Coste, secrétaire de la section CGT d'Alès.
Objectif Gard : Quelle est votre position sur le projet de loi El Khomri ?
Xavier Douais : C'est une loi qui va dans le bon sens. Et j'espère que le gouvernement va la retoucher le moins possible. En période de crise, nous avons besoin de plus de flexibilité pour que les employeurs n'aient pas peur d'embaucher. Lorsque j'entends certains dire qu'il faut taxer plus lourdement les CDD pour que les employeurs se tournent plus vers les CDI, c'est une bêtise ! Les employeurs ne préféreront tout bonnement pas embaucher...
Bernard Coste : Elle est celle du syndicat CGT. Nous voulons à tout prix que ce projet soit retiré, et reprendre les négociations depuis le début en prenant en compte nos revendications : augmentation du temps de formation, baisse de la durée du travail, accroissement des pouvoirs des représentants du personnel. Cette loi propose une augmentation du temps de travail des apprentis, un assouplissement des licenciements, on revient au XVIIIe siècle.
La ministre du Travail souhaite simplifier les conditions du licenciement économique. Désormais, il sera possible en cas de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs (2 à 4), ou en cas de pertes d’exploitation pendant un semestre. Qu'en pensez-vous et pourquoi ?
Xavier Douais : C'est très compliqué de licencier aujourd'hui. Les licenciements sont très encadrés. Cette mesure donne davantage de souplesse dans la gestion de l'entreprise. C'est très bien.
Bernard Coste : Nous sommes contre, mais la question va plus loin. Il faut revoir le système en entier. Les grosses entreprises doivent payer les charges allégées par le gouvernement et non contraignantes que leur ont octroyé le Pacte de responsabilité. Ca donnerait un fond de roulement pour les petites structures. Il faut également relancer la croissance en investissant sur des grands travaux, créer de la richesse et donc éviter aux entreprises de se retrouver en mauvaise posture. Il faut prendre le problème à l'envers.
Autre mesure phare du texte : le plafonnement des indemnités prud'hommales en fonction de l'ancienneté du salarié. Selon le gouvernement, les plafonds choisis, qui vont de trois à quinze mois de salaires selon l’ancienneté, sont tout à fait en phase avec les moyennes des indemnités actuellement prononcées par le juge. Quelle est votre analyse ?
Xavier Douais : Encore une fois, cela permet de savoir où l'on va. Parfois aux prud'hommes, on observe des indemnités à hauteur de 50 000 ou 60 000. C'est bien qu'il a dû se passer quelques chose... Mais ca fait peur aux employeurs. C'est mieux pour nous de savoir ce que l'on risque avant de se lancer dans une embauche.
Bernard Coste : C'est la fin des prud'hommes ! 30 000 € pour celui qui a travaillé 20 ou 25 ans dans une entreprise, ça ne rattrape rien. Par ailleurs, chaque cas est particulier, en fonction de ce que l'employé a apporté à sa boîte. On ne peut pas calculer en fonction d'une moyenne.
Eloïse Levesque et Coralie Mollaret
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