Publié il y a 7 ans - Mise à jour le 15.05.2016 - baptiste-manzinali - 3 min  - vu 224 fois

LES SPÉCIALISTES Divorcer sans passer par un juge : "Cela coûtera plus cher aux époux" selon le notaire Stephan Garbuio

Photo d'illustration Pixabay. DR

Tous les samedis, à 7h, ne manquez pas le décryptage des spécialistes d'Objectif Gard sur un événement, un fait d'actualité, une polémique... Cette semaine, Stephan Garbuio, notaire, explique le projet de loi du gouvernement qui vise à supprimer le passage devant un juge en cas de divorce à l'amiable. Une mesure qui ne fait pas l'unanimité, notamment du côté de l'église et des avocats.

Objectif Gard. Est-ce que ce projet de loi a des chances de voir le jour ?

Stephan Garbuio. Je ne sais pas mais l’idée est de désengorger les tribunaux et donc d’alléger les charges pesant sur les finances publiques. Cela permettra également de raccourcir les délais pour que le divorce soit acquis. Ces deux arguments sont forts.

Cela peut-il réellement désengorger les tribunaux ?

Oui dans un premier temps. Je m’explique : si la convention n’est pas équilibrée et qu’un époux se sent a posteriori lésé, alors il pourra plaider contre la convention. Le fait qu’actuellement la convention soit contrôlée en amont par le juge l’écarte du risque de remise en cause judiciaire car il n’y a pas d’appel possible sauf cas rare contre une convention homologuée. Si la convention n’est pas homologuée elle devra alors, comme tout contrat, pouvoir faire l’objet d’une remise en cause judiciaire, donc d’une procédure qui a nouveau engorgera les tribunaux.

L'église craint une banalisation du divorce. Quelle votre point de vue ?

La question se situe sur un plan religieux, éthique et moral. J’imagine qu’une autorité spirituelle quelle qu’elle soit est contre le principe même du divorce, donc si on supprime la solennité du passage devant le juge, cela revient à faciliter le divorce, à le banaliser … oui probablement. Mais ce n’est pas le vrai sujet, assurer la protection des époux est plus important.

Est-ce que cela peut fragiliser la position de la femme en l'absence d'un juge et d'une conciliation ?

Oui, je le crains très clairement. Ici on touche au fond de la réforme. A mon sens, le juge, par la noblesse de sa fonction, est le garant de l’équilibre de la convention. Pas de juge, pas de réelle garantie. Aucun autre ordre ne peut se substituer à lui. La mission de la justice par sa gratuité garantit cette impartialité. D’autant qu’en l’état des projets, le notaire ne sera pas le garant de cet équilibre, il ne vérifiera rien. Le rôle du notaire serait simplement limité à l’apposition du sceau de la République sur la convention dont les avocats auront assuré l’équilibre. Les avocats n’ont pas cette culture.

Cela coûtera t-il plus ou moins cher aux époux ?

Si on considère que cette réforme est une privatisation de la justice, alors oui je pense qu’in fine cela coûtera plus cher aux époux. Est-ce légitime ? Ce n’est pas à moi d’en décider. Aujourd’hui l’impôt n’est pas affecté, sauf redevances, c’est-à-dire que chacun paye pour le compte de tous. Demain, chacun payera spécifiquement pour sa propre procédure. Peut-être peut-on le regretter. En l’état du projet, le notaire devrait percevoir une cinquantaine d’euros pour assurer la garde et l’authentification de la convention que seuls les avocats auront négociés. Ce n’est donc toutefois pas ce tarif qui dans l’immédiat augmentera le coût de la procédure.

Le mariage perdrait donc son caractère institutionnel ?

Je pense que le juge ne doit pas se désintéresser de la situation des couples et plus particulièrement au moment de leur séparation. Nous connaissons tous les difficultés d’une séparation, c’est un échec qui peut parfois recouvrir de l’amertume, de la déception voire de la haine. Les relations sont rarement pacifiques entre les époux qui divorcent quand bien même ce soit par consentement mutuel. Remettre en cause le principe d’un divorce devant le juge est à mon avis remettre en cause l’institution du mariage et probablement l’affaiblir. Le mariage, je le rappelle, recouvre certaines obligations envers les époux : secours, fidélité, vie commune et envers les enfants. Sans vouloir être réactionnaire ou simplement conservateur, je ne me réjouis pas de cette contractualisation de la famille et du désengagement du juge à cet égard. Qu’il y a-t-il de plus noble que d’assurer la protection désintéressé des concitoyens. Et puis que restera-t-il alors comme différence avec le PACS, ou le simple concubinage.

Propos recueillis par Baptiste Manzinali

Baptiste Manzinali

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