Publié il y a 7 ans - Mise à jour le 15.07.2016 - thierry-allard - 2 min  - vu 759 fois

ST-LAURENT-DES-ARBRES Les Harkis se retrouvent sur leur ancien camp : "on parle de ce qu’on a vécu"

Hocine Louanchi devant un des seuls vestiges du camp, une ruine de l'école (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Ils sont venus du coin, mais aussi d’Arles, Montpellier ou même Amiens : plusieurs dizaines de Harkis se sont rassemblés en ce jour de fête nationale sur le site de l’ancien camp Harki de Saint-Maurice-l’Ardoise, à Saint-Laurent-des-Arbres.

« C’est les retrouvailles », lance le militant Harki Hocine Louanchi, président de la Confédération des Français Musulmans rapatriés d’Algérie et de l’association Familles et Amis du Camp de Saint-Maurice-l'Ardoise.

« Les souvenirs, on ne peut pas les effacer »

Des retrouvailles entre Harkis qui ont vécu, parfois pendant des années, sur ce camp dans des conditions indignes. « On parle de ce qu’on a vécu », explique pudiquement Hocine Louanchi de sa voix éraillée. C’est que, comme le rappelle Wahid, ancien du camp lui aussi, « les souvenirs, qu’ils soient bons ou mauvais, on ne peut pas les effacer. »

Des souvenirs difficiles : les bébés nommés arbitrairement (« ma sœur s’appelle Yvette », affirme Wahid), les expulsions arbitraires du camp vers un autre, les familles séparées sans que les parents puissent donner leur avis, la boue, les sanitaires communs, les barbelés, les miradors, les sorties limitées et soumises à checkpoint…

Un camp qui a duré de 1962 à 1976, un an après la révolte lancée à Saint-Maurice notamment par Hocine Louanchi. Quarante ans après, les blessures ne sont toujours pas refermées, et le militant compte désormais mener une action en justice : « nous demandons réparation pour le déficit éducatif et l’enfermement, il y a des enfants nés ici qui n’ont vu pendant plusieurs années que des barbelés. » Et Hocine Louanchi prévient : « on ira jusqu’au bout », devant la Cour européenne des Droits de l’Homme s’il le faut.

Une partie des Harkis qui se sont retrouvés hier sur le camp de Saint-Maurice-l'Ardoise (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

« Ils nous ont bousillés »

Concernant le déficit éducatif, le témoignage de Wahid est édifiant : « on pouvait avoir des bonnes ou des mauvaises notes, on restait toujours en CM2. Ici sur 200 jeunes, seuls deux ou trois sont partis en sixième. » Wahid raconte qu’on l’a presque forcé à devenir maçon, alors qu’il n’en avait pas envie. « On a foutu notre jeunesse en l’air. J’ai morflé psychologiquement », affirme-t-il, après avoir finalement fait carrière dans la fonction publique. « J’aurais pu choisir ma voie », regrette-t-il aujourd’hui.

Quant à l’enfermement, il ne s’est pas arrêté une fois les barbelés tombés. « On vivait en autarcie, même l’école était à l’intérieur du camp, raconte Rachid. On n’était jamais en milieu ouvert, c’était un ghetto. A la suppression du camp, j’ai chopé une déprime, j’étais heurté à un autre pays en sortant. »

« On n’était pas en France, mais dans la France des camps », résume Hocine Louanchi, avant de faire visiter ce qui reste du camp, c’est à dire presque rien, les traces ayant été rapidement balayées, comme pour cacher un passé honteux. Alors plus que jamais, il compte porter le combat sur le terrain judiciaire, mais également légal, en militant pour que la proposition de loi Teissier soit votée et promulguée pour enfin « obtenir réparation. »

Car même quatre décennies plus tard, « on a des racines ici, sur ce camp, affirme Hocine Louanchi. C’est pour ça qu’on demande qu’il devienne un lieu de mémoire. » Un lieu qui permettra de rappeler ce qu’il s’est passé sur ce plateau au milieu des vignes où plusieurs milliers de personnes sont passées, non sans dommage. Dans un soupir, Wahid lâche « ils nous ont bousillés », quand Hocine Louanchi abonde : « il y en a beaucoup qu’ils ont brisé. »

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

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