Publié il y a 7 ans - Mise à jour le 29.07.2016 - anthony-maurin - 3 min  - vu 452 fois

GARDOIS EN LUMIÈRE La nicotine est de Nîmes!

Un timbre pour célébrer les 500 ans du tabac à fumer importé à la Cour du Roi de France par le Nîmois Jean Nicot (Photo DR)

On a tendance à faire de Nîmes la capitale de la toile éponyme plus connue au fil du temps et de l'anglais sous le sobriquet de jeans. Si dans le monde entier ces pantalons de travail continuent de connaître un franc succès, il est une autre "spécialité" qu'un Nîmois a dévoilé aux yeux du monde occidental...

Nîmes devrait être exonérée d'impôts! Pourquoi? Grâce à l'un de ses enfants, le gouvernement français s'enrichit chaque seconde un peu plus... Le sujet est certes plus nocif que l'assemblage de la toile de coton et de serge de la Préfecture gardoise (colorée à Gênes pour son bleu mémorable) car on parle ici de la nicotine!

Oui, la substance tient son nom d'un Nîmois, méconnu du grand public, mais qui a été le premier à faire connaître les caractéristiques du tabac à fumer à la Cour des Rois de France alors qu'il n'avait que 31 ans. Il fera même de cette plante une mode en délivrant la Reine Catherine de Médicis qui avait besoin de calmer ses propres maux de tête ainsi que ceux de son fils et futur roi François II.

A gauche, la Pharmacie et la maison natale de Jean Nicot (Photo Anthony Maurin).

Jean Nicot (1530-1604) a donc sans grand suspens donné son nom à la nicotine. Mais avant d'en arriver là, son histoire est passionnante et emplie de surprises. Nîmes est son berceau mais l'enfant du pays n'y restera pas bien longtemps, allant faire ses preuves à la capitale. Fils d'un notaire reconnu à Nîmes mais ne roulant pas sur l'or pour autant, Jean Nicot fils (son père et un de ses deux fils ont le même prénom) s'est fait à force de curiosité et d'écriture.

Il étudie à la faculté des arts de Nîmes puis, arrive à Paris alors qu'il vient à peine de passer la vingtaine. Il y fera office en tant qu'archiviste du roi jusqu'à ses 29 ans, date à laquelle sa destinée change. Le roi le nomme Maître des requêtes et Ambassadeur de France au Portugal pour y préparer l'union entre des enfants des deux pays. Arrivé sur place, il croise la route d'un marchand Flamand qui lui vend quelques graines de pétun, cette herbe qui sera connue plus tard sous le nom "tabac". Il les plante dans les jardins de l'ambassade et savoure ces douceurs. A son poste, Jean Nicot doit aussi se frotter à des non paiements de taxes douanières, à de la piraterie et à l'injustice de la Justice... Bref, le poste est précaire mais le Nîmois s'accroche et réussit le pari du mariage en sortant grandi de cette nomination.

La maison natale de Jean Nicot est reconnaissable grâce à cette plaque (Photo Anthony Maurin).

Ses qualités sont celles de l'observation, de la diplomatie, de l'érudition littéraire, de la connaissance culturelle et de l'intelligibilité de son propos. "Ami et fidèle" comme le dit le roi, "très chrétien, sainte et bonne personne" comme l'écrit la reine du Portugal, Nicot est reconnu et apprécié. Il est même récompensé par ses efforts et devient seigneur de Villemain (à l'est de Paris) où il se fera plus tard curé avant d'y mourir à l'âge de 74 ans.

Jean Nicot, en donnant du tabac en poudre pour soigner les maux de têtes royaux, s'est assuré la célébrité. Le tabac était connu à l'époque, il avait été ramené des Amériques par Christophe Colomb mais jusqu'alors, on se contentait de le priser. Nicot va le réduire en poudre et le faire fumer! Une grande première qui marque les esprits et qui plaît à quiconque s'y essaie. Dans le Don Juan de Molière, Sganarelle dira même qu'"il n'est rien d'égal au tabac, c'est la passion des honnêtes gens, et, qui vit sans tabac n'est pas digne de vire"!

Le tabac dans son champ était connu en Europe mais les feuilles étaient seulement prisées. Jean Nicot les réduit en poudre et les fait connaître à Catherine de Médicis pour soigner ses maux de tête (Photo DR).

Autre spécialité de Nicot, la langue française. A la place de cultiver le tabac, le Nîmois cultivera l'art des nobles lettres et formalisera la langue française grâce à un ouvrage qui ouvrira la voie de l'apprentissage universel du français tel qu'on le connaît. C'est deux ans après sa mort, en 1606, que sera publié son Thrésor de la langue française, tant ancienne que moderne, qui lui vaudra une autre célébrité. Mais ça, c'est une autre histoire!

Le temps et la cigarette se consument mais Jean Nicot a su faire connaître un phénomène de mode qui perdure depuis plus de 5 siècles (Photo Anthony Maurin).

Les personnages les plus illustres de la cité des Antonin ont leur statue sur les places de Nîmes... Jean Nicot, pas encore! Si le tabac est, de manière hypocrite, toxique à l'Homme, notre société profite de ses gains incroyables pour remplir les caisses de l'Etat! Si cet aspect de la vie de Jean Nicot est peut-être à oublier, il n'en reste pas moins le premier à donner un cadre (après l'édition d'une base réalisée 60 ans plus tôt) à la langue française qui en avait alors bien besoin! En pleine formation et structuration du langage, le philologue Jean Nicot n'est pas innocent quant à la précision de notre français actuel.

L'étymologie de Nicot doit tirer son sens du mot provençal nicou, un lointain parent du vocable niais... En tout cas, Jean Nicot était tout sauf niais!

Anthony Maurin

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