NÎMES Le ''Flamenc'Butô'' bouleverse les codes artistiques
C'est à un spectacle aussi iconoclaste que surprenant auquel ont assisté dimanche dernier les riverains des halles et les badauds de la place de l'Horloge. Invité de l’artiste sculpteur nîmois Denis Vingtdeux et du guitariste-chanteur de flamenco local Pepe Linares, le danseur japonais Shoichi Fukushi a délivré une réjouissante performance qui n'est pas passée inaperçue...
Habitués à de plus traditionnelles prestations de fanfares ou de bandas pour agrémenter l'apéritif dominical, les riverains et les chalands des halles ont eu droit dimanche dernier à une prestation pour le moins très originale. En kimono traditionnel, grimé tout de blanc comme le veut la tradition de son art, pour la mise en bouche le danseur japonais de butô Shoichi Fukushi a fait l'ambiance sur le pavé nîmois en improvisant des arabesques sur la musique des années 80 distillée par la fanfare des Peillasses, particulièrement en verve.
On eu ainsi droit à une version dansée très personnelle de ""Besoin de rien envie de toi" des immarcescibles Peter et Sloane et de "Hallelujah '' de Léonard Cohen qui ne manqua pas d'interpeller les curieux...
Originaire de la ville d'Aomori (Nord du Japon), ancien fonctionnaire préfectoral reconverti en directeur de bibliothèque après avoir suivi un cursus d'études en Biologie à l’Université de Yamagata, à 64 ans Shoichi Fukushi conserve une étonnante énergie dans l'exercice de son art. En témoignent ses contorsions et ses mimiques inénarrables.
Invité à se produire avec un comparse qu'il avait rencontré quelques années auparavant à Nîmes, avant de le suivre dans une tournée au Japon, le guitariste et chanteur de flamenco Pepe Linares ne semblait pas plus que ça troublé par ce mélange des genres culturels pour le moins inattendu : "Nous avons des cultures opposées mais qui trouvent à se réunir. Comme dit un proverbe espagnol : c'est le merlan qui se mange la queue." Une métaphore qu'on pourrait traduire par "c'est le mariage de la carpe et du lapin" dans la langue de La Fontaine...
Danse mais aussi pensée philosophique, le Butô a été imaginé au Japon dans les années 70, en réaction à Hiroshima. On parle de la danse Butô comme de la ''danse des ténèbres''. Il est né après la catastrophe nucléaire guerrière et s'apparentait plutôt au début comme une catharsis pour exorciser cette folie humaine. Il avait vocation à montrer nos démons à la face du monde et puisait dans les racines ancestrales du Shintoïsme, religion animiste primordiale du Japon, et du bouddhisme Zen. Il a depuis évolué dans différentes formes. Dans le butô, la mort renaît en naissance et en divinité, sublimé, le handicap ressort en puissance et force... On se demande bien pourquoi on ne nous l'avait pas dit...butô !
Philippe GAVILLET de PENEY
philippe@objectifgard.com
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