Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 07.11.2017 - philippe-gavillet-de-peney - 3 min  - vu 737 fois

FAIT DU JOUR Jean-Michel Divisia : "La cour d'appel de Nîmes est menacée..."

Malgré ses craintes, le bâtonnier de l'ordre des avocats nîmois espère une issue favorable (Photo : Philippe Gavillet de Peney/Objectif Gard)

Devant la menace à peine voilée de la disparition (éventuelle) de la cour d'appel de Nîmes, déjà mobilisée en 2007 et en 2013, l'Amcan (Association pour le maintien d'une cour d'appel de plein exercice à Nîmes), qui rassemble les avocats, les notaires et les huissiers de justice, reprend du service. Bâtonnier de l'ordre des avocats, Jean-Michel Divisia, confie ses inquiétudes.

"La cour d'appel est en danger !" Habitué à manier le verbe, le bâtonnier Divisia n'y est pas allé par quatre chemins au moment d'entamer son explication de texte concernant les projets du gouvernement de mettre en corrélation la carte judiciaire et la carte géographique des nouvelles régions de France. Si Nîmes n'est pas à proprement parler menacée d'être rayée de la liste des cours d'appel, il n'en reste pas moins vrai que la juridiction serait susceptible, comme une dizaine d'autres dans l'Hexagone, de se voir amputée de la moitié de ses attributions. "Nîmes est une cour d'appel dont le ressort s'étend sur plusieurs départements voisins (Vaucluse, Lozère et Ardèche, NDLR) et concerne les régions Occitanie, PACA et Rhône-Alpes. Si le gouvernement décide de ne conserver qu'une seule -voire deux- cours d'appel par région, nous nous verrions certainement dessaisis au profit de Montpellier et Toulouse. Dans cette hypothèse, nous ne traiterions plus les affaires du Vaucluse et de l'Ardèche."

Nîmes chambre détachée ?

Et, avant de les régler avec les décideurs, le porte-parole des 360 avocats du barreau nîmois fait ses comptes : "Le déclassement de Nîmes en chambre détachée de la cour d'appel ferait perdre la moitié du contentieux et... de magistrats (46 actuellement, NDLR) à la juridiction. Nous traitons actuellement 8 000 dossiers par an. À 1 000 dossiers près, l'équivalent de Toulouse. Des cours menacées, Nîmes est la plus performante mais la plus exposée..." 

Avançant ses cartes et remettant en cause la simplification mise en avant par le ministère de la justice pour revoir la carte judiciaire, Jean-Michel Divisia met en exergue que Nîmes n'a jamais eu à souffrir d'être située à la confluence de plusieurs départements. Au contraire, selon lui, "les premiers bénéficiaires sont les justiciables. Les jugements sont rendus dans les 11 mois. Un délai qui est parmi les meilleurs. La cour d'appel de Nîmes est aussi très performante en terme de décisions. J'en veux pour preuve que nous appartenons au premier tiers des juridictions où l'on compte le moins de pourvoi en cour de cassation."

Tenir compte du contexte démographique

Pour le juriste, l'excuse de simplification n'est qu'un prétexte qui devrait s'effacer devant la logique de la démographie qui suit une courbe de croissance exponentielle : "Chaque année, sur l'arc méditerranéen, la population augmente de 1,5% et nous ne comptons déjà qu'une cour d'appel pour 2,6 millions d'habitants (*) alors que le taux de criminalité est un des 3 ou 4 plus importants. Par ailleurs, les cours d'appel de Lyon et d'Aix-en-Provence sont saturées."

Rendez-vous en janvier prochain...

Soucieux de rallier le plus de monde à la cause qu'il défend, le bâtonnier n'hésite pas à pointer du doigt les dommages économiques collatéraux qui accompagneraient inéluctablement un retoquage du paysage judiciaire : "Les enjeux économiques sont réels et importants. On va créer des déserts judiciaires. La moitié des cabinets d'avocats devront déménager. Idem pour les notaires et les huissiers. La faculté de droit n'aurait plus de raison d'être et pas plus l'Institut des métiers du notariat et cela aurait aussi des répercussions sur l'activité des commerçants du centre-ville." 

Et si d'aucuns lui reprocheront de tirer la sonnette d'alarme d'un train à l'arrêt, relativement confiant, Jean-Michel Divisia reste cependant "persuadé que Nîmes puisse être l'exception à la règle. À condition que le bon sens triomphe..." On en saura plus le 15 janvier prochain quand les chargés de mission du gouvernement, deux anciens députés et...avocats, anciens présidents de la commission des lois, Philippe Houillon (Les Républicains) et Dominique Raimbourg (**) (Parti Socialiste) auront rendu leur rapport sur ce dossier sensible au premier ministre, Édouard Philippe, et à la garde des Sceaux, Nicole Belloubet.

En attendant, l'Amcan fourbi ses armes en investissant 15 000 euros dans une études d'impact réalisée par l'organisme indépendant Edater, qui rendra ses conclusions d'ici la fin du mois, et organise une mobilisation citoyenne, le 13 novembre prochain, à 12h, devant le palais de justice de Nîmes. "Il y aura des prises de parole et un apéritif sera servi à l'issue", promet le bâtonnier qui a bien compris que pour mobiliser massivement il ne gâche rien de se rendre populaire...

Philippe GAVILLET de PENEY

philippe@objectifgard.com 

* Il existe actuellement 36 cours d'appel. Celle de Nîmes a été créée en 1800 et elle figure au 11e rang en terme de contentieux traité. Outre les 46 magistrats, 60 fonctionnaires y sont affectés. Son budget de fonctionnement courant était en 2016 d'un peu plus de 8 millions d'euros.

** Dominique Raimbourg n'est autre que le fils de l'acteur et chanteur André Raimbourg, alias Bourvil.

Philippe Gavillet de Peney

A la une

Voir Plus

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio