Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 19.12.2017 - veronique-palomar - 5 min  - vu 1043 fois

FAIT DU JOUR Harcèlement scolaire : plus de 50% des jeunes en sont victimes

La semaine dernière, l'école d'Alzon, à Nîmes, recevait un conférencier pour parler vrai de problèmes concrets
(photo d'illustration)

Les vacances sont sans doute, en plus d'une pause bienvenue, le moment de prendre un peu de temps pour communiquer avec ses enfants sur des problèmes que le quotidien ne laisse pas le loisir d'aborder. Le harcèlement scolaire est l'un de ces sujets. La semaine dernière, nous nous sommes rendus à l'école d'Alzon où le directeur a fait appel à Ateliers & Savoirs, une association qui donne des conférences sur le thème du, ou plutôt, des harcèlements. Une expérience édifiante même pour les adultes.

Le conférencier, François-Gabriel Tallarida est atteint du syndrome d'Asperger (une des formes de l'autisme), une différence qui a certainement contribué à faire de lui une victime de harcèlements divers pendant ses études. Les conséquences auraient pu être graves, parfois elles sont fatales. Mais le jeune homme, épaulé par sa mère, s'est lancé dans une exploitation constructive de cette expérience traumatisante et depuis 2014, via l'association Ateliers & Savoirs, il se rend dans les écoles pour raconter mais aussi pour prévenir toutes les formes de harcèlement et surtout la plus insidieuse, parce qu'invisible, le cyber-harcèlement.

Ce jour là, il intervenait dans une classe de CM1 et dans une classe CM1/CM2, soit un public composé d'enfants âgés de 9 à 11 ans. On pourrait se dire qu'il est bien tôt et que le problème se fait jour plus tard, en fin de collège voire au lycée. Eh bien, non. Si Laurent Vernettes, directeur de l'établissement a demandé à Jean-Gabriel de se déplacer c'est parce que "l'école compte deux classes dites "tablettes" au sein desquelles, les enfants utilisent des iPad comme cahier d'école numérique et apprennent à en maîtriser l'usage et les possibilités. C'est ainsi qu'ils ont créé un groupe de travail au sein de la classe pour communiquer sur le travail en cours. Un des élèves en profite pour demander aux autres ce qu'ils pensent de lui… Et les réponses sont loin d'être conformes à ses attentes, alors, il multiplie les menaces d'attenter à sa santé, voire à sa vie".

Affolés, les élèves s'en ouvrent à leur parents qui en parlent au directeur. Les parents de l'enfant concernés sont prévenus et l'élève consulte un spécialiste tandis que le reste des parents est rassuré. L'affaire est clause mais le directeur compte bien tirer la leçon de l'incident. Déjà sensibilisé par des travaux qu'il mène par ailleurs sur le harcèlement, c'est la deuxième année consécutive qu'il fait appel au conférencier pour intervenir dans les classes. Depuis, pas d'incident à signaler.

Souriant et proche des enfants mais surtout sans langue de bois, un message qui passe avec simplicité et bienveillance (photo Véronique Palomar)

Jean-Gabriel Tallarida entre dans la classe accompagné de Philippe Minier, psychanalyste, spécialiste de la coordination, qui l'épaule et veille au bon déroulement de la conférence. En guise d'introduction, ce dernier présente le conférencier et évoque son syndrome de manière simple et directe. Puis Jean-Gabriel prend la parole. Ses premiers mots sont pour louer les avantages d'Internet. "Mais ce n'est pas seulement bien", poursuit-il, "ça peut être mauvais aussi. "Pourquoi ?", interroge-t-il. Les doigts se lèvent. "Ça fatigue les yeux. On peut voir des choses violentes. On peut voir des choses interdites…"

Le jeune homme donne la parole à tous ceux qui le souhaitent en commençant par leur demander leur prénom (qu'il n'oubliera plus). Il ne fait aucun commentaire, sauf une appréciation de temps en temps mais il ne formule aucun jugement de valeur. Son auditoire est concentré, impliqué. Les sujets sont alors tous abordés avec l'assurance que les conseils et informations seront écoutés. Seront évoqués en ouverture, les dangers de la lumière bleue pour la vue (dmla, insomnie…), les problèmes de dos et de canal carpien pendant de longues stations devant un ordinateur. Une entrée en matière qui soulève des problèmes simples à appréhender avant d'arriver à plus sensible.

Jean-Gabriel n'hésite alors pas à parler d'addiction à son jeune public, aux conséquences sur le développement du cerveau."Vous comprenez de quoi je parle?", s'assure-t-il. De nombreux doigts se lèvent et les réponses prouvent que le message est passé. Nous voilà dans le vif du sujet. Puis vient le temps d'évoquer le harcèlement scolaire et l'on apprend que sur 2 millions d'élèves, 1,2 million d'entre eux sont victimes de harcèlement pendant leur scolarité.

Il faudra donc répondre à une double interrogation : comment s'en prévenir et que faire si ça arrive, que l'on en soit témoin ou victime ?

Régler les paramètres de confidentialité, une précaution utile (photo Véronique Palomar)

Il y a de nombreuses choses à dire sur la prévention. Ne pas donner son numéro de téléphone et son adresse à quelqu'un qui n'est pas absolument de confiance, et, en cas d'agression, alerter très vite un adulte, qu'on en soit victime ou même témoin. "Ne pas faire quelque chose ou ne pas prévenir quelqu'un c'est de la non assistance à personne en danger et c'est grave, parce que c'est être complice ! " Le ton est donné, les enfants sont plus que jamais attentifs. On passe ensuite au cyber harcèlement, là aussi les problèmes sont décrits simplement mais sans ellipse.

Le volet prévention commence par l'usurpation d'identité face à laquelle on lutte en prenant un pseudonyme et en ne communiquant aucun renseignement d'ordre personnel, même chose pour le piratage de compte. Philippe Minier intervient pour montrer comment régler les "paramètres de confidentialité." Dites-vous bien que quand vous parlez sur le Net ou que vous publiez des photos, non seulement vous parlez à tout le monde mais en plus ce qui est sur le Net y reste à vie. Alors attention, à vos paroles mais aussi à vos photos et évitez ce qui est personnel."

C'est là que lors d'une interrogation de la classe, on apprend que plus de 30% des élèves, qui sont âgés de 9 ans en moyenne, ont un profil Facebook, ce qui, en principe, est interdit par la loi, la limite légale étant fixée à 13 ans. Ce que précise immédiatement Jean-Gabriel, impressionné par ce constat, au moins autant que les adultes présents. L'occasion d'insister sur le fait que se sont les parents qui sont responsables et qui paient pour des délits commis par des enfants mineur. Ce qui horrifie le juvénile auditoire.

Pour clore la conférence, Jean-Gabriel raconte son expérience personnelle avec simplicité, émotion et curiosité quant aux réactions des enfants qu'il interroge à plusieurs reprises pendant son récit. C'est le moment fort de son intervention. Les enfants sont émus, scandalisés par l'injustice et confortés dans le sentiment que c'est grave et ne doit pas être pris par la légère.

L'intervention a duré une heure. Vite passée tant le rythme était intense et le propos intéressant. Les enseignantes reviendront plus tard sur le sujet avec les enfants. Jean-Gabriel et Philippe étaient déjà venus l'an dernier à d'Alzon et il reviendront sans doute l'an prochain. Les élèves quant à eux, ne sont pas près d'oublier cet étrange jeune homme, à la fois si brillant et si proche d'eux, qui les a considérés comme des êtres responsables et les a mis en garde sans excès de moralisation. À méditer…

Véronique PALOMAR

Pour joindre l'association qui intervient aussi dans d'autres domaines : ateliersetsavoirs@orange.fr

Véronique Palomar

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