Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 02.03.2018 - veronique-palomar - 4 min  - vu 1825 fois

FAIT DU JOUR Le Prolé : l'année des révoltes

Enseigne emblématique de Nîmes, le bar Le Prolé fête ses 110 ans en grand !
Patrice Charrié , trésorier et membres du conseil d'administration et Jean-Marc Grimaud , gérant de la coopérative du Prolé, deux bénévoles passionnés de culture et d'échanges mais aussi fervents amoureux du lieu (photo Véronique Palomar)

Sis au 20 de la rue Jean Reboul, à un jet de pierre des arènes, Le Prolé n'est pas un bar comme les autres, d'abord maison natale de grand homme, puis café militant, résistant, lieu d'échange et de culture, passage obligé pendant les Ferias… Il est difficile de définir l'endroit étroitement lié à l'histoire de la ville et plus largement à l'histoire tout court. Contrairement à l'auberge espagnole, aujourd'hui on y trouve plus que ce l'on y amène, quels que soient nos opinions, notre milieu social ou tout simplement notre humeur du jour… Il s'y passe toujours quelque chose et cette année sera encore plus riche que les précédentes. 110 ans ça se fête et l'association compte bien mettre tout en œuvre pour que la date reste marquée d'une pierre blanche.

De mai 68 à Jean Paulhand

L'année sera rythmée par trois grand thèmes. Les premiers mois seront dédiés à Mai 68, avec des rencontres, débats, vernissages, expositions, tous en rapport avec la période mais aussi avec  la vie du Prolé à cette époque de bouillonnement intellectuel, de révolte et de fêtes … La seconde partie de l'année sera une évocation de la révolte des vignerons (1907/1908). Une occasion à la fois de faire revivre cette période déterminante de la vie économique de notre région mais aussi et surtout, de déployer une large passerelle temporelle qui nous amène tout droit ici et aujourd'hui, dans une région viticole dynamique, certes en proie à des difficultés mais fière de sa production. L'occasion de banquets, de dégustations de rencontres… parce qu'être concerné et engagé, au Prolé vont toujours de pair avec un sens prononcé de la fête et un épicurisme bon enfant… Dès octobre c'est à l'académicien, écrivain poète et éditeur Jean Paulhan , qui naquit dans ces murs et qui est sans n'est sans doute pas assez connu de nos contemporains, que le Prolé rendra hommage jusqu'à la fin de l'année. " Nous avons déposé un dossier à la DRAC, précise Patrice Charrié, nous voulons vraiment faire quelque chose de bien…" 

Prix, vernissages, café, littéraire, concerts et foot …

Cette année, comme tous les 2 ans maintenant, sera organisé le prix du Prolé décerné à un artiste ou à un collectif, quelque soit son domaine d'expression. Doté de 1000 € il récompensera le travail réalisé sur un thème, en l'occurence pour cette édition, celui des révoltes…

Si l'on demande à Jean-Mard Grimaud et Patrice Chargé comment ils définissent l'endroit, ils répondent d'une même voix : "ça a toujours été une association mais aussi et avant tout un café où l'on se sent bien que l'on veut comme un lieu qui favorise la culture, la lecture, les échanges. Nous continuons le travail des anciens".

Accrochage du premier vernissage de l'année : les photos de daviD Sterboul(photo Véronique Palomar)

Pour mettre la théorie en action, l'équipe organise nombre de manifestations qui rythment la vie de l'endroit. Toutes les 3 semaines, il y a un vernissage. "Actuellement, nous travaillons sur les dates de 2019. Tout le reste est réservé. Il faut dire que l'endroit s'y prête et que nous ne demandons rien. Cela nous permet d'exposer des artistes renommés avec d'autres moins connus" précise Patrice Charrié.  En ce moment et jusqu'au 20 janvier sont accrochées les photos de David Sterboul, photographe sensible, disparu prématurément qui nous laisse une œuvre à la fois délicate et puissante, humaine et militante. Magnifique expo en ouverture de cette année des révoltes. (Nous y reviendrons largement dans les colonnes de notre Mercredi Culture)

Tous les 3e samedis du mois, c'est apéro littéraire. Quelqu'un se propose de parler d'un livre qu'il a lu et aimé… À partir de juin, quand la terrasse ombragée par les mûriers devient un havre de paix délicieux, tous les vendredis, c'est apéro concert avec une programmation éclectique et réjouissante. Et puis, nouveauté de l'année, il sera installé des écrans géants qui diffuseront les grands rendez-vous sportifs de l'année dont la coupe du Monde de foot …

Un peu d'histoire*

Fondée le 27 septembre 1908, cette "Maison du Prolétariat" incarne plus de 100 ans de luttes sociales à Nîmes, des heures fastes aux périodes plus calmes. C'est une maison du peuple, comme toutes celles qui fleurissent en France, à la même époque. Dès sa création, on y vend des boissons, des produits alimentaires, mais aussi des brochures militantes, et on y met à disposition de tous la presse et les livres... Les chorales ouvrières, les troupes de théâtre, et toutes les initiatives culturelles animées par les travailleurs y trouvent naturellement leur place.Et dès 1910, cette jeune Maison propose aux militants des lotos, des "chorales prolétariennes", des concerts... 1800 personnes, alors, peuvent se rassembler Salle de l'Oratoire !

En 1914, cependant, comme partout en France, les militants nîmois prennent le chemin de la Grande Guerre, et le lieu s'endort, pour un temps, tandis que résonnent les canons sur le front, et que la grande guerre ensanglante l'Europe.

1939/1944 : Les scellés sont posés et le matériel confisqué. Sous le régime de Vichy, le Prolé est réquisitionné. Au lendemain de l'armistice, le 24 août 1944, des militants communistes reprennent possession des lieux et constate que l'occupant n'a détruit la faucille et le marteau en mosaïque, lemblème du parti est demeurée incite.

La composition de son Conseil d'Administration, en 2008, quand fut fêté son centième anniversaire? Deux cheminots, un technicien des télécoms, une aide-soignante, un employé de préfecture, un serrurier, et un postier, tous militants communistes et syndicalistes...

Depuis …  Le Prolé est demeuré une mémoire vive des combats politiques et c'est en 1970, qu'il est vraiment devenu un lieu "grand public". Désormais la presse, et les guides touristiques décrivent la place avec sa terrasse accueillante à partir du printemps comme un point de passage incontournable.

*sources : Cent ans avec le Prolé de Michel poissard, Raymond Huard et Claude Mazauric

Véronique Palomar

A la une

Voir Plus

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio