Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 01.02.2018 - veronique-palomar - 4 min  - vu 1901 fois

FAIT DU JOUR Ça c'est passé près de vous…

...Karim ou les tribulations d'un immigré malchanceux.

Dans toutes les villes il y a des histoires humaines qui échappent à l'attention des médias. Certaines pourtant sont riches d'enseignements, comme celle de Karim, coiffeur dans un salon du centre-ville de Nîmes.

Ses incroyables mésaventures tordent le cou à un certain nombre d'idées reçues. Pour des raisons facilement compréhensibles, tous les noms de personnes sont des noms d'emprunt, en revanche, les faits évoqués eux sont réels.

Karim est Tunisien, il est arrivé à Nîmes en 2012 avec son épouse française. Pendant 5 ans il a travaillé comme coiffeur en contrat à durée inderterminée dans un salon de l'Écusson. Une vie normale, des amis, un travail…  Aujourd'hui, il  ne peut plus travailler, ni vivre en France, et n'a plus ni revenus ni indemnités, malgré ses 5 années en CDI. Son expulsion est effective et la décision suspendue à un ultime recours. Comment sa vie a-t-elle pu s'écrouler ainsi ? Récit.

Les jours heureux

Tout commence un peu comme un conte de fée. Karim, jeune et beau garçon, vit en Tunisie. Son pays natal. Un jour, il rencontre Patricia, une française en poste dans le pays. Coup de foudre et mariage à l'ambassade de France à Tunis.

Un an après, la jeune femme est mutée à Nîmes. Le couple s'envole vers la France pour commencer une nouvelle vie et s'installe. Quasiment tout de suite, Karim trouve du travail dans un salon de coiffure. Il est sérieux, doué, gentil, apprécié des clientes et de son patron qui très vite l'embauche en CDI. La vie s'écoule et le jeune homme, orphelin de père, a le sentiment d'avoir trouvé à la fois sa voie et un pays qui lui correspond et dont il adopte avec bonheur le mode de vie. Des premiers mois idylliques…

La rupture

(Photo d'illustration)

Quand soudain, survient un drame qui va tout bouleverser. Son beau-fils, né du premier mariage de son épouse, décède brutalement. Comme souvent dans ce genre de situation, l'entente du couple ne survit pas au drame. Patricia demande le divorce.

Celui-ci est très vite prononcé. Et comme une mauvaise nouvelle n'arrive jamais seule, Karim apprend quelques mois plus tard qu'il doit quitter le territoire français. Incrédule, il se renseigne auprès des services de l'immigration qui lui expliquent qu'il est entré sur le territoire avec un "visa marital".

Ce type d'autorisation de séjour n'est valable que si la personne reste mariée 12 mois pleins sur le territoire français, auquel cas, cela lui donne le droit d'accès à un visa de séjour de 10 ans au terme duquel, il peut prétendre à faire une demande de nationalité. Le hic, c'est que le couple est marié depuis plus longtemps mais que le visa marital prend effet à l'entrée sur le territoire et… il manque 1 petit mois à Karim, qui tombe alors sous le coup de la loi. Désespéré le jeune homme ne sait plus que faire. Lorsque survient un coup de théâtre.

Lueur d'espoir et descente aux enfers

Patricia qui a vent des déboires de Karim reprend contact avec lui. Leur histoire n'est pas terminée. Patricia lui propose alors de reprendre le fil de leur vie passée et le couple se remarie. Le tribunal convient avec humanité de sa bonne foi. Tout est bien qui finit bien alors ? Eh bien non, les histoires d'amour finissent mal en général… Karim est un beau garçon, rieur indépendant. Patricia a peur, le surveille…  Jalousie, disputes tournent à l'aigre et…nouveau divorce. Cette fois Karim n'a rien vu venir et surtout, il a oublié sa récente mésaventure. Un second divorce et encore une fois il lui manque un mois pour faire un an pour valider son visa marital !

Démarches

Karim panique et se fait mal conseiller. Il fait une demande à l'inspection du travail pour changer son visa marital en visa de travail (il aurait pu aussi prétendre à un titre de séjour…). L'inspection du travail fait une enquête. Karim produit des attestations de son employeur et de nombreuses clientes (une centaine en tout).

Malgré cela sa demande est rejetée par le Tribunal administratif. Motif ? Des accords Franco-Tunisien stipulent que les visas de travail ne sont accordés aux ressortissants tunisiens sur le sol français que pour des métiers dits "sous tension", entendez qui ne trouvent pas de main d'œuvre française.

Le métier de coiffeur n'est pas sur la liste et la loi est la loi. Nous sommes en 2016. Son patron reçoit alors un courrier qui lui demande expressément de se séparer de Karim sous peine de tomber sous le coup d'une inculpation pour emploi de personne en situation irrégulière. À regret, ce dernier est contraint de se séparer de Karim pour ne pas exposer son entreprise.

Heureusement, Karim a des amis et quelques économies. Il faut savoir que sa situation du moment ne lui donne droit à aucune indemnité bien qu'il ait cotisé comme chacun d'entre nous pendant 5 ans. Il est devenu un clandestin et doit quitter la France. Il tente alors un ultime recours et fait appel à la décision du Tribunal administratif.

Appel…

Aujourd'hui Karim est sous le coup d'un avis d'expulsion que son recours en appel ne suspend pas. L'appel sera jugé à Marseille et il n'y a pas encore de date fixée. Joint par téléphone, le jeune homme est incrédule. Comme en état de choc. Ce pays, il l'aime et il s'y est parfaitement intégré, son patron est prêt à le reprendre. Il croit encore à la possibilité d'un improbable arrangement amiable. Il a confiance dans ce dernier recours…

En cas de confirmation de la décision, il devra refaire tout le chemin depuis le départ. Pour lui, c'est une évidence, son pays c'est la France, et, c'est sûr !, il ne pêchera plus par ignorance. En Tunisie, l'attendent la misère et un mode de vie et de pensée qui ne lui correspondent plus. Alors il s'accroche à l'infime espoir que tout est encore possible …

Cette histoire, qui n'a pas encore délivré son dénouement, montre qu'être immigré sur le sol français n'est pas le long fleuve tranquille comme certains voudraient en convaincre l'opinion. Il existe des cadres stricts et une loi qui est appliquée. Karim est ce que l'on peut considérer comme un "dégât collatéral". Il reconnait ses torts dus à une succession de malchances et à un terrible excès de naïveté et n'en veut qu'à lui-même. À suivre…

Véronique PALOMAR

Véronique Palomar

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