Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 04.03.2018 - anthony-maurin - 5 min  - vu 1155 fois

FAIT DU JOUR Fous de la Sogne, d'Aujac et d'archéologie expérimentale

Les scouts dans les fondations du château.

Les fondations du futur château.

Bête du Gévaudan, noyade de mineurs, chèvre de monsieur Seguin, maison natale de Coco Chanel ou triangle des Bermudes inversé : les Cévennes ont leurs contes et légendes mais les Hommes y vivent depuis la nuit des temps. Quelques passionnés d'histoire ont relevé le défi un peu fou de reconstruire un château médiéval à Aujac. Une belle histoire de plus à raconter aux enfants.

Les Fous de la Sogne ont de la suite dans les idées et leur chantier est le centre névralgique d'une science qui a le vent en poupe : l'archéologie expérimentale ou la science historique. Surtout pour une période allant du XIe au XIIIe siècle. Pour Frédéric Dussaud, écrivain, conteur, agent du patrimoine et président des Fous de la Sogne, "les recherches scientifiques ont un intérêt certain. Si on imagine que nous allons sur un site aujourd'hui en ruine, on verra clairement les éléments en place, même s'ils sont dans un mauvais état de conservation. Ici, nous faisons tout de A à Z. Nous nous mettons dans la peau des bâtisseurs et nous mêlons tous les aléas qu'ils ont pu rencontrer à l'époque car nous nous replongeons réellement dans le passé."

Frédéric Dussaud.

Avec ce chantier qui n'est pas jeune, c'est aussi un travail d'universitaire qui déboule sur les hautes Cévennes. Les étudiants en master Histoire et patrimoine, en licence Archéologie et Archéologie Expérimentales sont les bienvenus. Mais le chantier n'a pas pour unique but l'Histoire... "Des universitaires vont venir écrire des thèses, des mémoires et faire des recherches. C'est important,  mais nous sensibilisons aussi la population avec une exposition qui se veut itinérante et évolutive. Tous les gens qui participent au projet font un petit don que nous gardons et que nous transmettons, par exemple, à l'école d'Aujac qui en a besoin. La Mairie du village est petite et a peu de moyens. L'école a une classe unique de neuf élèves et en 2017 nous avons donné plus de 880 euros. Cet argent va permettre aux enfants d'aller au Vallon du Villaret pour une sortie scolaire de quatre jours", poursuit le conteur fou qui a les pieds sur terre.

En immersion dans les fondations...

Car oui, ce projet est certes fou mais il a de nombreuses vertus, notamment sociétales. "Nous sommes en relation avec Michel Guyot qui a créé le projet du château de Guédelon et qui a la même ambition. D'ailleurs, à notre connaissance, Guédelon et la Sogne sont les deux seuls chantiers de la sorte en France ! La Sogne est un laboratoire expérimental à ciel ouvert. C'est l'alchimie du processus qui nous intéresse. Nous nous appuyons sur des spécialistes qui font des recherches et des publications", explique le passionné.

Le site actuel s'étend sur 3,5 hectares. Débutée en 2006, l'aventure a vu défiler des têtes, des mains et des cœurs gros comme les foyers que l'on retrouvait dans les châteaux médiévaux de l'époque. "Boudi ! Entre 2006 et 2009, nous avons surtout entretenu le terrain, remonté les murs, les faïsses (bout de terre aplanie, NDLR), dégagé les arbres et les arbustes. La première pierre a été posé le 22 mars 2009 mais ce site est exceptionnel. Nous sommes nichés entre deux sources, à proximité d'une ancienne carrière et entourés d'une forêt de chênes et de châtaigniers. Tous les matériaux de construction sont présents sur le site. Sauf le feu que nous amenons."

Le plan de la Sogne... En 2045, si tout va bien !

Tous les matins, une réunion de chantier d'environ 15 minutes fait le point sur les avancées et sur le programme de la journée. Pour bien gérer et transmettre au mieux le savoir acquis au quotidien, les Fous de la Sogne aiment être une cinquantaine à travailler sur le site et ne veulent certainement pas que le chantier se mue Puy du Fou ou en Disneyland.

Cependant, les coups de fils commencent à pleuvoir et la reconnaissance est à l'ordre du jour de l'année 2018. Énormément de choses devraient se passer cette année car les universités se font pressantes et rappellent quelques souvenirs aux plus anciens. "En 2010 nous avons eu une étudiante américaine qui était venue sur le site." Et Frédéric Dussaud de reprendre, "au début nous étions quatre mais l'un d'entre nous est parti trop tôt à l'âge de 45 ans. Nous pensons souvent à lui et à son sourire qui faisait du bien sur notre chantier. En 2014, nous sommes montés jusqu'à 150 personnes sur le site avec un camp de scouts et des animateurs pour gérer tout ce monde. Les scouts élisaient un seigneur chaque jour et ce-dernier devait commander la construction du château. Si les jeunes venaient pour deux semaines, ils en passaient une sur le chantier et ils terminaient en étant autonomes ou presque", assure le président des Fous de la Sogne.

Un scout à la carrière.

Un chantier à visée pédagogique, un intérêt universitaire et des actes perdus retrouvés. "Il est important, même pour nous, d'apprendre des choses car nous sommes des amateurs et que nous n'avons pas la science infuse. On met du temps à faire les choses, à les comprendre, mais nous apprenons des nouvelles techniques. De toute façon, nous ne sommes pas pressés. Nous sommes aujourd'hui dans un monde en manque de repère et cette passion nous enracine dans notre histoire", poursuit Frédéric Dussaud.

Fonctionnant en autofinancement intégral, l'association a fait son choix, l'assume et arrive à en vivre. À cela, une vision plus globale et intégrer à l'environnement était obligatoire. Chose faite. "Oui, il fallait que tout cela s'intègre au paysage, naturellement. De plus, les Cévennes sont inscrites au patrimoine mondial de l'UNESCO donc il faut être respectueux de cela." Fin des travaux ? Peut-être dans les années 2045.

Le mazet médiéval.

Le calendrier 2018 sera chargé. Les Fous seront de sortie ! Après une expo dans leur capitale (Génolhac) à la mi-février, les Fous de la Sogne s'exposaient à la galerie Céz'Art de Bessèges. Les 17 et 18 mars prochains, place à deux journées culturelles qui devraient réunir une cinquantaine de curieux et scientifiques. On y parlera du chantier, bien sûr, mais aussi de la pierre sèche (ou architecture vernaculaire), de l'argile, des briques en terre crue, de la Clède Peyric, de contes cévenols, de voie romaine et de l'histoire préhistorique d'Aujaguet, le petit Aujac. Les 24 et 25 mars, l'exposition sera visible à Sénéchas et, début mai, elle s'exportera en terre lozérienne, à Villefort. Les 14 et 15 avril, c'est à Concoules, au pays de la chèvre de Monsieur Seguin que l'expo sera présentée.

Enfin, c'est au mois de juin que le tout premier numéro du cahier du chantier médiéval des Fous de la Sogne sera publié aux éditions Lacour (Nîmes). Le bilan des douze premières années de recherches avec de nombreuses photos sera établi. Un ouvrage que vous pouvez d'ores et déjà pré-commander. Si vous voulez en savoir un peu plus sur les Hautes Cévennes.

Frédéric Dussaud et Christian Lacour-Ollé... Au loin, reconnaît-on un certain AD ?

Anthony Maurin

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