Publié il y a 6 ans - Mise à jour le 09.03.2018 - anthony-maurin - 4 min  - vu 402 fois

NÎMES La reine de nos cœurs, une arène sans rancœur

Retour sur le chantier de l'amphithéâtre de Nîmes.
(Photo Anthony Maurin).

(Photo Anthony Maurin).

Il faut du temps, beaucoup de temps. Rome ne s’est pas faite en un jour. Il est certain que l’histoire est aussi belle que longue mais la raconter n’amoindri en rien sa force et sa vitalité. Bien au contraire, si l’amphithéâtre a survécu aux périodes de troubles, aux guerres, aux éléments climatiques et à ses usagers bien souvent ingrats et forts en tête, c’est qu’il doit y avoir une bonne raison.

Simplement, l’édifice est majestueux et dans le coin, on sait reconnaître la beauté quand on le croise. Tout comme la Maison Carrée qui est le temple romain le mieux conservé au monde, l’amphithéâtre, ou les arènes pour les aficionados "a los toros" et de concerts, sont quasi uniques. Oui, il reste de nombreux amphithéâtres encore debout, fièrement élevés sur leurs pierres mais celui de Nîmes a quelque chose en plus. Et ce quelque chose n’est en aucun cas du chauvinisme mal placé, c’est une réalité.

Entre la patte doie et le trait verticale, la place d'un spectateur de l'antiquité (Photo Anthony Maurin).

Pour preuve, la couronne, dernière et plus haute rangée de blocs est une rareté. Encore en bon état, la restauration actuelle du monument la rendra encore plus belle et véridique. Car c’est certainement de là que s’étirait aux quatre vents le velum, ce voile tendu au-dessus des gradins qui servait à s'abriter des méfaits du soleil.

Des animaux se sont installés non loin de la couronne voilà 2 000 ans et ces bougres s’y plaisent encore. D’ailleurs, ces petits escargots qui furent emportés dans les valises des romains du 1er siècle après JC, vraisemblablement lors de la construction de l’amphithéâtre ou peu après, ne sont jamais repartis et en-dehors de Nîmes, on ne les trouve qu'aux alentours de la capitale italienne. Pire, ils n’ont même pas pensé à migrer tellement ils avaient trouvé leur place. Mis en « protection sanitaire » du côté de Mèze, ils ne migrent pas très bien loin de leurs pierres.

(Photo Anthony Maurin).

À l’image des Nîmois, ces escargots aiment leurs arènes et sans elles, leur vie n’a plus de sens. Qui ne s’est jamais émerveillé en passant devant ces pierres intelligemment agencées il y a 20 siècles ? Mais comme pour tout, quand on vieillit, la santé s’effiloche. Au début, les rides de la pierre laissent entrer l’eau qui va y stagner puis grossir le trait jusqu’à éclatement de la veine. Après, ce sont les pierres des gradins qui gonflent, enflent comme un gardon puis tombent en décrépitude. C’est pour cela que les amphis se sentent si seuls, si éloignés du centre de la fête mais dominant parfaitement le site. Enfin, l’arase extérieure des murs de l’amphithéâtre est prise en crabe par les aléas climatiques. De plus, la pierre calcaire de Nîmes n’est pas la plus robuste, loin de là.

Mais pas de mouron à se faire. Si on sait déjà que le chantier s’étalera certainement pendant encore une bonne dizaine d’années, la finalité sera exceptionnelle, unique en France et dans le monde.  D'ailleurs, ce chantier de restauration est sans nul doute le plus important mené en France. Une nouvelle typicité nîmoise à la rencontre de la romanité.

(Photo Anthony Maurin).

L’échafaudage actuel devrait s’en aller d’ici la fin de mois d’avril, laissant la place libre aux Grands Jeux Romains, autre typicité. Ensuite, avec la feria et les concerts, tout sera plus compliqué mais la pilule passera bien. L’échafaudage sera remonté aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur pour les travées suivantes, de 53 à 55. Travail du plomb et de la pierre, arrivée perpétuelle de nouveaux blocs avec une finition « grain d’orge » afin que le public sache faire la différence entre pierres rénovées et plus anciennes, ou encore aménagements oubliés et remis à l’ordre du jour sont les priorités du chantier. En fait, la seule véritable priorité est de bouter l’eau hors de l’édifice. On préfère quelle passe par les escaliers, comme tout le monde plutôt qu'elle ne stagne entre les pierres !

Les premiers effets protecteurs de la restauration de l’édifice sont déjà perceptibles et visibles mais comme nous le disions tout à l’heure, il reste au moins 15 ans de travaux. Concernant le nombre de places, l’un dans l’autre, le chiffre sera quasi identique à l’actuel. En effet, si les amphis offriront un peu plus de places et d’espace aujourd’hui qu’hier, d’autres lieux annexés par les spectateurs du 21ème siècle ne seront plus accessibles.

Depuis que le chantier a commencé, les archéologues et les architectes qui y travaillent comprennent chaque jour un peu plus l’intérêt d’une telle restauration. On voit encore de nombreuses marques antiques ou plus récentes, gravées sur les pierres. Simples inscriptions, fer à cheval, barres droites ou pattes d’oie, elles sont déchiffrées les unes après les autres et sont nettement plus visibles le matin, au lever du soleil sous la lumière rasante.

Même des archéo-sismologues vont venir à Nîmes étudier les mouvements de la Terre. On connaît quelques dates de tremblements et les effets qu’ils ont eu sur les édifices locaux mais des monuments vieux de 2 000 ans et encore debout, c’est rare ! Notre amphithéâtre est vieux mais il a de l’avenir. Aidons-le à passer le cap du lifting. Dignement.

Anthony Maurin

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