Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 30.06.2018 - thierry-allard - 4 min  - vu 2611 fois

VILLENEUVE Sophie, expulsable à partir de lundi : « ma fille veut juste finir sa semaine d’école »

« Préparez vos affaires, on va arriver tôt (…) La prochaine fois vous me reverrez avec les gendarmes » : les propos, glaçants, sont ceux d’un huissier de justice.
Sophie Wehrell est en train de préparer son expulsion prochaine (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Ils sont adressés à Sophie Wehrell, 41 ans, mais par un concours de circonstances c’est sur le téléphone de sa fille Camille, 11 ans, que le message est arrivé mardi soir.

Vingt ans de conflit

« Elle est arrivée de l’école en pleurant, je lui ai demandé ce qu’il se passait et elle m’a fait écouter le message, qui m’a glacé le sang », raconte Sophie Wehrell. Ce message dessine l’épilogue d’une affaire qui dure depuis plus de vingt ans et qui doit s’achever au 30 juin. Un imbroglio entre cette Villeneuvoise, domiciliée sur un terrain municipal non constructible de la plaine de l’Abbaye, et la mairie. Ce terrain, sur lequel est bâti un petit mazet, Sophie Wehrell l’occupe depuis 1992, en tant que locataire. Rapidement, « je passe en location-vente, que j’ai fini de payer en 1998. Seulement, quand je suis passée chez le notaire, j’ai appris que la mairie avait préempté le terrain, mais ma maison était déjà montée ! »

À ce stade, il faut dire que Sophie Wehrell a construit une extension au mas, « mais démontable, comme un mobil-home, je n’ai pas fait n’importe quoi », affirme-t-elle, et elle paye une taxe d’habitation. Seulement voilà, à l’époque la mairie ne lui propose que 70 000 francs, soit le montant de la location-vente initiale, « mais pas le reste, la construction que j’ai payée, il manquait 30 000 francs », précise Sophie Wehrell, qui décide donc alors de ne pas vendre en perdant par la même occasion 30 000 francs. Et voilà comment on se retrouve avec une affaire qui traîne depuis plus de vingt ans. Pendant longtemps, « Jean-Marc Roubaud (le maire, ndlr) a dit que je n’avais pas le droit, mais ce n’est jamais allé plus loin », poursuit-elle.

Alors elle vit sur place, où elle élève ses deux filles. Si depuis l’aînée de 22 ans a quitté le nid, la cadette y habite toujours avec sa mère. Le tout sans être raccordées à l’électricité ni à l’eau : « on vit avec un groupe électrogène et un puits depuis le début, explique Sophie Wehrell. J’ai une douche et des toilettes comme tout un chacun, la seule différence c’est que la nuit je n’ai pas l’électricité, mais je vis comme tout le monde. » Tout en sachant très bien qu’elle n’a pas le droit d’y rester. C’est pour cette raison qu’elle affirme avoir fait des demandes pour obtenir un logement social chaque année depuis 1995.

« Tout le monde aimerait que ça se passe bien »

Un point contesté par la mairie : « ça fait quatre ans qu’on essaye de trouver une solution, affirme la directrice générale des services Sandrine Larue. Nous lui avons écrit, nous l’avons reçue pour lui dire qu’il fallait trouver une solution de relogement, on lui a laissé du temps et on a envoyé des courriers pour soutenir son relogement. » C’est que si la mairie a laissé faire pendant des années, c’est parce que « c’était compliqué et qu’on n’avait pas de projet abouti pour ce terrain », explique Sandrine Larue, « ce n’est plus le cas maintenant, on a une idée précise de ce qu’on peut en faire, et on cherche à éviter la cabanisation dans la plaine de l’Abbaye. » Reste que si le relogement a été impossible jusqu’à maintenant, c’est que, dixit la mairie, Sophie Wehrell n’a pas fait les démarches nécessaires. « Je l’ai appelée pour lui dire qu’un appartement se libérait dans le parc social et que pour proposer sa candidature il nous fallait son numéro de dossier de demande, raconte Sandrine Larue. Or elle n’avait pas ce numéro car elle n’avait pas monté de dossier. C’était il y a un an et demi, et à partir de là on a lancé la procédure officielle d’expulsion. »

Sophie Wehrell martèle quant à elle qu’elle a bel et bien fait les demandes et parle d’« acharnement » contre elle, une accusation démentie par la mairie, qui affirme mener d’autres actions de ce type sur d’autres terrains. De toute façon, Sophie Wehrell n’en est plus là aujourd’hui : « j’ai tout tenté pour sauver le cadre de vie de ma fille et si c’était à refaire, je le referais, mais j’ai perdu, je me plie à la décision de justice. » Aujourd’hui, elle veut tourner la page et quitter Villeneuve pour Aubagne, où elle a un projet professionnel dans son domaine, la sellerie-tapisserie. Elle a donc fait une demande de logement social sur place, une demande appuyée par la mairie de Villeneuve.

D’ici à ce qu’une solution pérenne soit trouvée, Sophie Wehrell se dit prête à passer l’été dans un camping et demande un petit délai pour son expulsion, qu’elle prépare depuis plusieurs jours en vendant des meubles et en faisant ses cartons. « Ma fille veut juste finir sa semaine d’école, lance la maman. Elle pleure tout le temps, elle va passer en sixième, mais avec énormément de difficultés, elle a décroché il y a trois mois, elle est devenue triste et elle se renferme. » Et Sophie Wehrell l’affirme, elle ne fera pas d’esclandre et souhaite « que ça se passe bien, je ne veux pas les forces de l’ordre ici. »

Théoriquement, l’huissier peut frapper à sa porte à partir de lundi matin. « On a fixé une date avec l’huissier proche du 30 juin », confirme Sandrine Larue, avant de laisser entendre, à demi-mot, que la fille de Sophie Wehrell pourrait finir son année scolaire car « tout le monde aimerait que ça se passe bien. » Dont acte.

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

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