Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 26.11.2018 - thierry-allard - 6 min  - vu 791 fois

FAIT DU JOUR Transition écologique, gilets jaunes, industrie : le député Cellier fait le point

Le député de la 3e circonscription du Gard Anthony Cellier (Photo d'archives : Thierry Allard / Objectif Gard)

Alors que la colère contre la hausse de la taxe carbone sur les carburants est toujours vive, Anthony Cellier, député de la troisième circonscription qu’il présente comme « un laboratoire » sur la transition énergétique, répond à nos questions.

Il est notamment question de l’article 25 du Projet de loi de finances 2019 et de son amendement. Des textes portés par le député gardois, qui vont accroître l’accompagnement par l’État des territoires qui voient leur centrale électrique fermer en compensant mieux les pertes fiscales. Localement, la Communauté de communes du Pont du Gard, qui a subi de plein fouet la fermeture de la centrale thermique d’Aramon en 2016, va en profiter. Anthony Cellier aborde également la mobilisation des gilets jaunes, ainsi que le nouveau dispositif gouvernemental, « Territoires d’industrie », pour lequel le Gard rhodanien a été retenu la semaine dernière.

Objectif Gard : mardi dernier, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi de finances. Dans ce texte, on retrouve un article, le numéro 25, qui permet de mieux compenser les pertes fiscales en cas de fermeture de centrale électrique. Quel va être l’impact de cet article au niveau local, notamment pour Aramon ?

Anthony Cellier : l’article a un impact au niveau national, mais le Projet de loi de finances s’est inspiré de ce qui s’est passé à Aramon. L’année dernière dans l’Hémicycle, j’ai défendu un amendement inspiré de la situation d’Aramon et de la Communauté de communes du Pont du Gard (CCPG), sur les pertes fiscales engendrées par la fermeture de la centrale thermique. Il faut savoir que ce type d’installations apporte des recettes fiscales importantes aux territoires, via la Contribution économique territoriale (CET) et l’Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER). Or, à la fermeture de la centrale, l’IFER n’était pas compensée, ce qui mettait la CCPG sur une trajectoire catastrophique. Depuis un an, je travaille avec le Ministère de l’Intérieur et divers services pour créer l’article 25 proposé lors du Projet de loi de finances 2019. Cet article permettra d’accompagner les territoires lors de la fermeture de leur centrale, qu’elle soit thermique, comme à Aramon, nucléaire ou au charbon par exemple. Que cette fermeture ne tombe pas comme un couperet. Concrètement, la compensation de la CET passe de 3 à 5 ans et l’IFER, qui n’était pas compensée, le sera pendant 3 ans, 5 en cas de perte exceptionnelle.

Vous avez également fait voter un amendement à cet article pour les territoires déjà impactés par une fermeture, comme Aramon et la CCPG.

Oui, j’ai fait un plaidoyer en expliquant qu’il y a des territoires qui sont en train de subir maintenant une fermeture, et qu’il fallait aussi les inclure. On s’inscrit également dans la dynamique du Contrat de transition énergétique (qui couvre Aramon et l’Agglo du Gard rhodanien, ndlr). Pour réinventer l’avenir du territoire, il faut que l’état des finances de la communauté de communes soit bon, il faut se donner les moyens d’y arriver.

La centrale EDF d'Aramon (DR)

Le Contrat de transition écologique, maintenant cet article 25 et son amendement : Aramon et la CCPG sont-elles vues par l’exécutif comme un laboratoire ?

C’est comme ça que j’aime à présenter ce territoire en tout cas. Un territoire expérimental, un laboratoire de ce qui est la philosophie de ce gouvernement. Faire confiance au local. Le Contrat de transition écologique, ce n’est pas l’État qui arrive en disant ce qui est bon pour l’avenir du territoire, mais qui est là pour faciliter, accompagner ce que le territoire va inventer pour son avenir. Outre la volonté de réconcilier économie et écologie, il y a une belle synergie. C’est une opportunité de changer les relations entre les services de l’État, les collectivités territoriales et les entreprises.

Il sera signé quand, ce Contrat de transition écologique ?

On devait le signer le 13 décembre, mais nous avons dû repousser pour des questions d’agendas ministériels. Il sera signé, c’est sûr et certain, début 2019.

Du côté de la Communauté de communes du Pont du Gard, on reste prudent tant que le vote en deuxième lecture à l’Assemblée nationale n’est pas passé, mais on se réjouit de la perspective « d’un bon bol d’air », nous a confié l’entourage du président Claude Martinet. L’article 25 et l’amendement permettraient à la CCPG de multiplier par deux la compensation suite à la fermeture de la centrale thermique d’Aramon en 2016. De quoi faire passer cette compensation d’environ 3 à environ 6 millions d’euros. « La perte fiscale c’est tous les ans, mais l’article 25 nous permet de rattraper un peu », explique-t-on à la CCPG, alors que les revenus fiscaux de feue la centrale thermique chiffraient à 3,9 millions d’euros annuels, dont la moitié pour l’IFER. Une chose est sûre, avec cet amendement, la perspective d’une disparition de la CCPG pour cause budgétaire et sa possible absorption par sa voisine la Communauté de communes du Pays d’Uzès s’éloigne.

Jeudi soir lors d’une émission télévisée, Nicolas Hulot a affirmé qu’on était « en train de perdre la guerre » sur la transition écologique. Qu’est-ce que ça vous inspire ?

Déjà, contrairement à ce qu’a dit Nicolas Hulot, Emmanuel Macron ne considère pas que le changement climatique est « une bronchite ». Lors de cette émission, on a vu le même Nicolas Hulot que celui qui a démissionné, qui dit les choses de manière spontanée, c’est son ressenti, mais je le trouve un peu dur. Par exemple, j’ai porté un amendement au projet de loi de finances sur un engagement partagé par Nicolas Hulot, pour à terme être plus incitatif sur la rénovation énergétique pour les foyers les plus modestes. Pour l’heure, seuls 9 % du crédit d’impôt bénéficient aux plus précaires. L’idée serait de transformer ce crédit d’impôt en prime. Mon amendement demande un rapport au gouvernement sur l’impact qu’aurait cette mesure, qui pourrait être appliquée en 2020. La transition écologique, c’est un sujet que nous devons collectivement porter.

Sur la crise des gilets jaunes, Nicolas Hulot a également affirmé qu’il n’avait « pas été entendu ». Comprenez-vous la colère des gilets jaunes ? Que vous inspire ce mouvement ?

La colère, je la comprends. Ce n’est pas une découverte, nous l’avions perçue dès la grande marche (avant l’élection présidentielle, ndlr), nous sommes allés voir les Français, ils nous ont expliqué leur ressenti, leur vision.

"Le mouvement des gilets jaunes exprime une colère agrégée années après années"

Et pourtant, le gouvernement a pris une succession de mesures qui a contribué à faire éclater cette colère.

On ne les a peut-être pas expliquées correctement, ou elles ont été trop rapides. Mais il y a un paradoxe, nous avons une obligation de réussir pour ce pays, et pour ça il ne faut pas perdre de temps. Beaucoup de gilets jaunes dénoncent la pression fiscale, il faut arriver à desserrer cet étau. Aujourd’hui, tous ceux qui contribuent à l’effort collectif sont d’accord sur le constat que cette pression fiscale est trop forte, ce qui explique aussi l’adhésion au mouvement. Ce mouvement exprime une colère agrégée années après années, d’ailleurs on voit que le prix du carburant baisse mais que ça ne désarme rien. Il faut comprendre que la dépendance au pétrole est néfaste à plusieurs titres et les Français le savent pertinemment, et je comprends que quand on gagne 900 euros par mois, le poids du déplacement est énorme. Après, ce qui m’inquiète, c’est le terreau qu’il y a sous cette mobilisation. Même s’il ne faut pas généraliser, parmi les gilets jaunes il y a des chemises brunes, c’est inquiétant. L’obligation de résultat est aussi dans ce sens. Si à la fin du mandat c’est le Rassemblement national ou l’extrême gauche qui viennent à nous remplacer, ce sera un échec terrible. C’est aussi pour ça que nous sommes condamnés à réussir. Je n’ai rien contre les gilets jaunes. Je suis bien conscient depuis le début qu’il faut apporter des réponses aux Français.

Le Gard rhodanien fait partie des 124 « Territoires d’industrie » retenus par le gouvernement dans le cadre d’un nouveau dispositif annoncé ce jeudi par le Premier ministre. Après le Contrat de transition écologique pour le Gard rhodanien et Action coeur de ville pour Bagnols, ça fait un dispositif de plus. Faut-il y voir le signe que ce territoire est en retard et a besoin d’un accompagnement plus serré de l’État ?

J’ai l’habitude de dire que ce territoire est plein de savoir-faire mais qu’il faut le faire savoir. Je suis en contact chaque semaine avec des entreprises du territoire et à chaque fois je rencontre des gens qui ont des idées, des propositions. L’industrie est issue de l’histoire de ce territoire et c’est une source d’emplois importante. C’est pour ça qu’il faut aider le monde industriel et revaloriser l’industrie. On peut en être fier. On peut s’y projeter dans un avenir pérenne. Nous sommes un des pays d’Europe à la courbe de croissance des investissements industriels la plus forte. Nous avons une culture de l’industrie.

Ce dispositif « Territoires d’industrie » prévoit notamment un volet recrutement, c’est un des principaux problèmes des entreprises industrielles locales.

C’est un volet recrutement et formation. Oui, il y a un problème de recrutement qui est inhérent à un problème d’attractivité de la filière. En ce sens, ce qu’a initié le salon BIG est très malin, faire en sorte que l’Éducation nationale et le monde de l’entreprise se rencontrent, c’est la clé. D’ailleurs, la loi Formation et apprentissage c’est exactement ça, elle décloisonne les mondes de l’entreprise et de l’Éducation. Je suis convaincu que la solution est dans des dispositifs concrets, et c’est l’esprit de « territoires d’industrie ».

Propos recueillis par Thierry Allard

Thierry Allard

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