Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 01.12.2018 - anthony-maurin - 6 min  - vu 1604 fois

NÎMES Une balade médiévale dans les rues de la cité

Avec Isabelle, guide conférencière de Nîmes et un groupe de l'Artothèque, Objectif Gard a participé à la visite médiévale de Nîmes.
Restauré récemment, ce bas relief représente un chien poursuivant un cerf (Photo Anthony Maurin).

Isabelle montre un ancien plan de la ville de Nismes (Photo Anthony Maurin).

Une fois par mois en compagnie d’un guide conférencier de la ville de Nîmes, un petit groupe de curieux s’intéresse à la vie de la cité. Aujourd’hui, c’est avec Isabelle que la petite équipe part en balade dans le froid et les ruelles de la ville médiévale.

Après la Romanité avec Nemausus, ses arènes, sa Maison Carrée et son castellum aquae, place à la Nismes du Moyen-Âge avant d’assister à une visite des hôtels particuliers de la cité des Antonin. Pour l’heure, quelques absents, souffrants, ne prennent pas part à l’excursion de deux heures sous le soleil mais dans le vent du nord.

Les touristes nîmois se rendent rue de la Madeleine où existe le seul vestige de la porte éponyme du rempart médiéval du XIIème siècle. " L’époque romaine était prestigieuse et il reste de nombreux édifices car ils étaient grandioses. Du Moyen-Âge nous n’avons que quelques traces, nous serons un peu comme des détectives, nous devrons repérer les petits détails ! " s’amuse Isabelle, la guide conférencière.

De 220 hectares pour les romains à 30 pour les barbares

Oui, ce genre de visite nécessite une approche moins pure, plus ludique afin d’intéresser un public qui ne connaît pas forcément l’histoire dans ses moindres détails. " La ville romaine était immense, 220 hectares. À partir du IIIème siècle, les Vandales puis les Wisigoths au Vème siècle ont envahi Nîmes, la ville ne faisait plus que 30 hectares et s’était recroquevillée à l’intérieur de ses remparts, l’Écusson actuel " avertit Isabelle qui explique en même temps que finalement, les Francs qui avaient alors la cité d’Uzès, l’emporteront sur les autres et nous feront basculer du côté des futurs Français.

À droite, une trace du rempart et les gonds de la porte de la Madeleine (Photo Anthony Maurin).

Six ou sept portes creusaient le rempart médiéval et de cela il ne reste qu’un bout de mur et quelques gonds rouillés. " Je passe ici tous les jours et je n’avais jamais remarquer ça " lance avec surprise une jeune femme. C’est le but du jeu, faire voir les merveilles qui sont à la vue de tous mais que nul de remarque.

La Maison Carrée, temple le mieux conservé du monde romain, fait aussi partie de la balade. Si ce genre de vestige est aussi bien conservé, c’est grâce à son réemploi au fil des siècle. Carrée, la maison fut nommée ainsi au Moyen-Âge et non du temps des romains mais le sens ne change pas, elle doit son petit nom au fait que le mot rectangle n’existait pas et qu’on disait à l’époque carré court et carré long.

Isabelle explique le Moyen-Âge à Nîmes (Photo Anthony Maurin).

Elle était une sorte d'assemblée judiciaire au IXème siècle. Au XIIème, c’est un peu plus clair et elle devient la Maison consulaire, l’endroit où siégeaient les Consuls de Nîmes, un genre de Mairie. Après, on l’a vendue pour devenir une maison puis un immeuble d’appartements. À la fin du XVème, c’est même devenue une écurie " poursuit Isabelle.

Il faut aussi dire que durant le Moyen-Âge, l’espace qui se situait entre les actuels Jardins de la Fontaine et la Maison Carrée était complètement laissé à l’abandon. La Source continuait cependant de couler (elle coule encore sous le boulevard Victor-Higo) et c’est ainsi, pour la canalisée qu’on a créé l’Agau qui permettra de faire la richesse de la Nîmes du XVIIIème siècle. Située sur la voie Domitienne, la rue de l’Agau était celle des teinturiers et des tanneurs.

Pour bien comprendre l'histoire de la cité, il faut la balayer sur plus de 2000 ans (Photo Anthony Maurin).

Qui dit tanneurs dit bêtes à tuer. " Jusqu’au XIXème siècle, l’eau coulait à ciel ouvert. On pense que les égorgeoirs étaient situés derrière la Porte de la Bouquerie. C’est au Xème siècle que Nîmes s’enrichit une première fois grâce à la laine. À chaque profession son quartier, les maisons se construisaient de manière anarchique et le soir, une fois que les portes de la ville étaient fermées, on sortait les cochons pour nettoyer les rues ! " brosse la guide qui fait rire son assemblée.

Hélas, Nîmes ne recèle pas de maison médiévale d’époque. Seuls quelques épars vestiges. Des fenêtres, des escaliers, des façades, des armoiries, des corniches ainsi que d’autres pépites dont un bas-relief sur une fenêtre gothique où sont sculptés un chien poursuivant un cerf. Les escaliers à vis arrivent quant à eux à partir de la fin du XIVème et le début du XVème siècles.

À l'angle de la place de la Calade (Photo Anthony Maurin).

Avec un peu de chance et beaucoup de bonne volonté, les propriétaires qui se lancent dans des d’intenses travaux de restauration font revivre ce patrimoine oublié mais pas perdu. Petit problème, les nouveaux acquéreurs ne sont pas toujours d’accord pour partager leur trésor historique…

Dans la cour d'un hôtel particulier qui sera bientôt fermé à ce genre de visite, Isabelle explique le Moyen Âge avec le peu de traces qu'il reste aux Nîmois (Photo Anthony Maurin).

L’Horloge a une drôle d’histoire. Au Moyen-Âge, le régime était à la féodalité et Nîmes n’était pas française mais appartenait au Comte de Toulouse qui déléguait à un vicomte qui déléguait à son tour aux Chevaliers des Arènes qui avaient quatre Consuls qui régissaient la ville. Voulant un contre-pouvoir, les habitants se sont choisis quatre autres Consuls qui habitaient dans chacun des quatre quartiers de la cité et qui géraient Nismes en compagnie des quatre premiers.

Au pied de la Tour de l'Horloge (Photo Anthony Maurin).

Au XVème siècle, la nouvelle Mairie était à la gauche de l’actuelle Tour de l’Horloge. On y voit encore un petit bout de corniche en hauteur dans l’angle de la rue. La Tour était isolée mais pas aussi loin qu'aujourd’hui, en 1410, c’était le beffroi de la Mairie et elle a été construite à cause de l’horloge. Les chanoines de la cathédrale avaient donné l’horloge à la Mairie et seules les heures civiles devaient être sonnées. Les Consuls n’avaient pas de lieu suffisamment haut pour la placer alors les chanoines s’en sont occupés… " assure Isabelle. Vous imaginez la suite, excédés d'entendre les nombreux sons religieux, les Consuls mécontents ont construit l’édifice et ont remporté la bataille juridique, notamment grâce à une taxe sur le vin dont les chanoines étaient de fins commerciaux. L’Horloge a été reconstruite au XVIIème siècle à l’identique mais plus éloigné de son site passé.

Entre la place aux Herbes et celle de l'Horloge, la maison romane et sa frise ornée de chimère et d'un fier homme dénudé (Photo Anthony Maurin).

Sont passées en revue la Maison Romane et sa façade typique de l’époque, ses ouvertures redécouvertes lors de sa restauration, sa frise ornée de chimères et d’un drôle de personnage fier de montrer ses attributs virils… Mais de là, c’est la cathédrale qui attire le regard.

La cathédrale de Nîmes (Photo Anthony Maurin).

Le pouvoir religieux se développait déjà du temps des romains mais dans les villes en déclin, il a pris le pas sur les autres croyances et la cathédrale de Nîmes en est le parfait reflet. D’ici, partaient les rues principales de la Nîmes médiévale. Une sorte de place de l’Étoile avant l’heure. En fait, la place aux Herbes (NDLR les légumes verts) faisait état de marché alimentaire et les trous que l’on peut voir sur les murs de la cathédrale sont les anciens emplacements des poutres supportant la charpente des échoppes.

Une première église au VIème, une autre au VIIIème siècle mais c’est à la fin du XIIème que la cathédrale devient ce qu'elle est. " Rentrant de Clermont-Ferrand pour aller à Rome, le Pape Urbain II consacra la cathédrale en 1086. Raymond V se maria à elle, il épouse littéralement la cathédrale pour la mettre sous sa protection. Il a dû poser une alliance sur l’autel, donner des terres qui étaient à lui du côté de Bellegarde ainsi qu’à la Bastide. Si lui ou un de ses descendants venaient à rompre ce lien, ils étaient excommuniés " explique la guide.

La cathédrale (Photo Anthony Maurin).

Détruite à deux reprises, la cathédrale est un édifice qui a souffert lors des tragiques guerres de religions. Peu de vestiges sont authentiques mais la visée de l’Église a toujours été la même, permettre aux illettrés de comprendre la religion. " La frise est un peu comme une bande dessinée. On y voit l’histoire de l’Ancien Testament, commun à toutes les religions. Il fallait combiner l’esthétique au message. Les sculpteurs du Moyen-Âge excellaient en la matière " apprend Isabelle qui note que la cathédrale devait supporter une deuxième tour, semble à celle dite Fenestrelle d’Uzès.

La maison gothique et ses larmiers qui empêchaient l'eau de stagner  (Photo Anthony Maurin).

Sur la façade, on peut aussi voir, une autre frise qui surplombe la porte d’entrée. " Il en existe peu, cinq ou six en Europe, et elle représente Alexandre le Grand voulant voir le ciel alors que se trouve sur son trône. Il tient des bâtons avec de la viande au bout pour que ses quatre griffons s’envolent " poursuit la guide. La visite continue avec les larmiers de la Maison Gothique. Et oui, les larmiers protégeaient de la pluie car les fenêtres, jusqu’au XVème siècle, n’avaient pas de vitres !

Rue du Chapitre, une maison restaurée, a connu la belle surprise se découvrir une fenêtre dans sa globalité (Photo Anthony Maurin).

Enfin, l’actuelle Mairie. Elle était la Trésorerie de l’époque. " On y a redécouvert, lors de travaux de restauration, une fleur de lys, symbole du roi de France il y a une vingtaine d’années mais aussi une porte sur la droite de la verrière . Dans la cour de la Mairie il faut aller voir le plan de Nîmes au Moyen-Âge ! " conclut Isabelle.

Trésorerie ancien ou Mairie actuelle ? (Photo Anthony Maurin).

Anthony Maurin

A la une

Voir Plus

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio