Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 04.01.2019 - anthony-maurin - 5 min  - vu 1592 fois

FAIT DU JOUR Julien Sanchez : "Je ne pense pas que l'État envoie des CRS pour déloger les santons"

Le maire (Rassemblement National) de Beaucaire a une nouvelle fois exposé une crèche provençale dans l'enceinte de sa mairie. Coup de Mistral pour la Ville qui a reçu un déféré émanant de la préfecture du Gard, la veille de Noël.
Une crèche provençale aux accents chrétiens, forcément (Photo Anthony Maurin).

À droite, la montée d'escaliers qui mène à la salle du Conseil municipal (Photo Anthony Maurin).

La préfecture du Gard a déposé un recours devant le tribunal administratif contre l’installation de la crèche de Noël dans la mairie de Beaucaire.

L'affaire continue ou recommence... La veille de Noël, alors que le petit Jésus ne devait pas être tout à fait à sa place finale dans le décorum, le maire (RN) de Beaucaire, Julien Sanchez, a reçu une petite surprise de l'État. " Je reçois aujourd’hui 24 décembre du représentant d’@EmmanuelMacron dans le Gard un déféré (*) préfectoral attaquant les Beaucairois pour leur traditionnelle exposition de la crèche provençale. Sans doute une façon pour la Macronie de souhaiter un bon réveillon et un Joyeux Noël ! ", annonçait le jour J sur les réseau sociaux le premier édile de la ville.

Une vieille histoire qui refait surface après une narration protéiforme. Une fois la Nativité, une autre la crèche. Coup traditionnel pour vanter les valeurs d'une Provence ancestrale ou coup de communication pour jouer avec les us et coutumes de la laïcité ? Les racines franchouillardes des maires tenant à tout prix à installer une crèche au sein de leur mairie font soit rire soit pleurer mais le juste milieu semble ne plus exister.

Aux portes de la Provence

Ce sujet, si minime soit-il, ne connaît plus la mesure. Le Gard est au carrefour des régions et histoires locales. Tantôt Cévenol, tantôt Camarguais, il sait aussi être aussi bien Languedocien que Provençal. Beaucaire se positionne aux portes de cette Provence rêvée, de ces santons fantasmés, de son coup de Mistral tant convoité et des parties pagnolesques quand elles ne sont pas grotesques.

Garant de l'application de la loi dans le Gard, le préfet Didier Lauga a donc déféré la municipalité de Beaucaire devant le tribunal administratif de Nîmes, réclamant la désinstallation de cette crèche. Oui, une nouvelle fois. Il faut dire que nul de l'avait oublié. Tout juste installé, en 2015 puis en 2016, le nouveau maire avait instauré cette nouvelle tradition. À l'époque c'était la Ligue des droits de l’homme qui avait attaqué la mairie pour l’installation de ce décorum dans les murs de la mairie, enceinte publique, miroir des valeurs tricolores et donc de laïcité. Bon, pour la liberté... Mais la justice avait donné raison aux plaignants, en appel.

Tradition culturelle ou culte traditionnel ? Pour Nicolas Cadène, rapporteur général de l'Observatoire de la laïcité, une crèche peut être installée si elle relève réellement d’une tradition, d’une exposition culturelle dans un contexte festif lié aux fêtes de fin d’année. Or, dans le cas présent, le maire Julien Sanchez l’utilise comme un outil à des fins politiciennes pour marquer une identité qui serait forcément catholique. " Passant outre le principe de neutralité des bâtiments publics, la mairie imposerait une croyance, une tradition orientée.

Julien Sanchez, maire de Beaucaire (Photo Anthony Maurin).

Le principal intéressé, Julien Sanchez, s'en défend : " J'ai choisi de mettre en place une exposition culturelle car la période de Noël est magique et féerique. Nous organisons le marché de Noël sur la place de la mairie et cette crèche provençale, avec des santons, rappelle des souvenirs d'enfance et montre les savoir-faire et le patrimoine d'une partie de la France. Cette exposition est mise en avant et contextualisée avec des panneaux explicatifs du Noël en Provence. "

Un Noël en Provence, une crèche chrétienne dans une maison de l'État : il y a de quoi se poser des questions de liberté. Mais pour le maire de la cité gardoise, c'est habituel. " J'ai été assez étonné de recevoir ce courrier car il méconnaît la jurisprudence et le droit. Ici, nous avons une exposition. Ce n'est pas la crèche de 2015 car une exposition culturelle change d'une année sur l'autre. De plus, elle n'a pas été jugé illégale... En 2015, le tribunal avait estimé que nous ne devions pas la mettre en place. Je conteste encore ce choix mais c'est comme ça. Cette année, nous avons développé l'exposition, nous l'avons amplifiée et agrandie. De nombreuses personnes viennent la voir et il n'y a pas que des Beaucairois. Ils ne comprennent pas ! "

"Pas d'urgence à statuer"

À vrai dire c'est à n'y rien comprendre. Oui, une Mairie doit servir de maison au peuple républicain. Un totem empli de laïcité loin d'une vie privée qui grignote de plus en plus les envies collectives. Un Hôtel de ville doit être Français, à Beaucaire, il devient Provençal quand les fêtes approchent. Mais que va devenir cette crèche ? " Nous la laissons en place comme prévu jusqu'au 1er février. Nous attendons sereinement car le tribunal administratif n'a pas donné suite. La Ligue des droits de l'Homme a déposé un déféré au début du mois de décembre mais le tribunal a jugé qu'il n'y avait pas d'urgence à statuer donc j'imagine que pour celui du préfet ça sera la même chose. En tout cas je ne pense pas que l'État envoie des CRS pour déloger les santons ! ", plaisante Julien Sanchez.

(Photo Anthony Maurin).

Une crèche qui se veut pédagogique, une affaire mise devant la justice, des tensions sociétales exacerbées : bienvenue à Beaucaire où la vie coule tumultueuse comme le Rhône qui n'est pas un long fleuve tranquille. " Je ne commente pas les agissements du préfet en tant que personne mais il fait ce que l'État lui demande de faire. J'ai été légitimement élu. Il existe la notion de libre administration des collectivités et je continuerai à faire cette exposition. Je ne cherche pas la guerre, ce sont eux qui sont venus le jour de Noël. Je reste dans ma ligne et, si on mène une guerre contre moi, on me trouve. Je ne dirais pas que je suis un Gaulois réfractaire mais je n'en suis pas loin quand même. En ce moment nous sommes très nombreux dans ce cas ! ", ajoute le maire RN.

Pour conclure et espérant que son exposition ne soit pas souillée par de mauvais esprits, Julien Sanchez n'envisage pas de renforcer la sécurité aux abords de la proposition culturelle atypique. " Non, on ne change rien car rien ne se passera. Je l'espère. Ça nous rappellerait les pires heures. Le temps où l'on brûlait des livres... Des gens de toutes les origines viennent voir cette exposition, cette crèche, parce qu'elle est belle. C'est une culture, un patrimoine et j'ai l'habitude des associations de Gauche qui portent plainte pour tout et pour rien. Elles font de la politique mais c'est assez inédit de la part du préfet. La jurisprudence est pourtant claire. Mais bon, j'ai un soutien populaire massif avec une pétition qui rassemble plus de 10 000 signatures et de nombreux commentaires, parfois violents envers l'État ", affirme le maire. On notera toutefois que, vu le modèle de pétition choisi, rien ne permet d'avérer ses allégations, aussi bien sur le contenu des commentaires que sur le nombre des pétitionnaires...

Le déféré préfectoral est un contrôle a posteriori des actes pris par les collectivités décentralisées.

Anthony Maurin

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