Publié il y a 5 ans - Mise à jour le 07.03.2019 - kelly-peyron - 5 min  - vu 2204 fois

FAIT DU JOUR Gringe : « J’ai fait un babyblues après la sortie de l’album »

Gringe sera sur la scène de Paloma ce soir pour sa tournée "Enfant Lune"

©Mika Cotellon

Tout vient à point à qui sait attendre... À 38 ans, et cinq ans après la fin des Casseurs Flowters, Gringe sort son premier album en solo. L'affranchi d'Orelsan se lance avec un rap autobiographique grave et intense. Un flow d’idées noires sorties de nuits blanches, d’un quotidien gris, et des mélodies pour décrocher la lune. A l'occasion de sa venue à Nîmes pour son concert à Paloma le 7 mars prochain. Objectif Gard a discuté avec lui de son album "Enfant lune" qui révèle ses idées les plus sombres. 

Objectif Gard : Pourquoi avoir fait une si longue pause après la fin des Casseurs Flowters ? 

Gringe : En réalité, je n'ai pas fait cette pause volontairement. Elle est tout simplement venue à moi. J'avais des projets de cinéma et il me fallait du temps pour me préparer au tournage de Carbone et Les Chatouilles. Et c'est aussi parce qu'il fallait que je trouve le fil rouge de l'album, que je fasse plusieurs maquettes, que je sache vraiment ce que je voulais raconter dans mes morceaux... Ça m'a pris déjà plus d'un an avant de rentrer vraiment dans le vif du sujet et dans l'écriture.

Dans le morceau "Mémo" vous dites : "Un message de long adieu". Est-ce un album d'adieu dans ce cas-là ? 

Certainement pas ! C'est simplement un adieu à certains de mes fantômes, à une jeunesse passée, à une certaine forme d'insouciance en relation, amicale, amoureuse et familiale. C'est un adieu à une partie de ma vie.

Vous vous ouvrez énormément dans cet album. Vous parlez de votre père et de la maladie de votre frère. Comment vous qualifieriez cet album ? 

C'est complètement autobiographique. Un peu comme tout ce que je fais, généralement, je ne sais pas faire autrement. Je n'aurai pas pu écrire à la troisième personne. C'est autobiographique, nostalgique et mélancolique... Parce que je suis quelqu'un de très mélancolique. C'était une sorte d'évidence de faire des morceaux plus personnels. Je voulais casser un peu l'esprit Casseurs Flowters, alors je me suis dit autant y aller à fond ! C'était le plus intéressant à mes yeux.

Vous abordez aussi le thème de l'amour dans votre album. Est-ce un passage obligé quand on fait du rap ? 

Je ne considère plus vraiment que je fais du rap aujourd'hui. Pour être honnête, j'en écoute même de moins en moins. Après, je ne me suis pas dit que j'allais forcément parler d'amour. Je l'ai fait naturellement parce que ce sont des moments qui ont fait partie de ma vie. Alors, d'après moi, c'était important que je prenne cette histoire d'amour et que je l'explique dans différents morceaux et à des endroits différents. Il y a des passages romancés et un peu fantasmés... Mais il faut savoir qu'il s'agit toujours de la même fille.

Gringe raconte la maladie de son frère dans Scanner : 

https://www.youtube.com/watch?v=kX1aqH_epwY

Dans le film "Comment c'est loin" on vous voit toujours en train de vous prendre la tête pour écrire vos SMS. Vous cherchez toujours les mots justes... Avec les sujets personnels que vous abordez dans l'album, ça a du être encore plus difficile ? 

Je suis comme je suis, sur un album comme celui-là, je ne peux pas être dans l'erreur. Il est tellement personnel que je peux raconter, par exemple, la maladie de mon frère de 15 manières différentes : ce sera toujours ma façon de raconter les choses. Finalement, ce n'est pas l'écriture qui a été le plus difficile... C'est la mise en forme de l'album et le fait de trouver les bons compagnons de route. Je n'ai pas eu de mal à trouver les mots justes, par contre, j'ai eu du mal à les chanter... C'était souvent pénible.

Comment vous vous êtes senti une fois l'album terminé ? A-t-il eu un rôle thérapeutique ? 

Une fois les pistes rendues, j'ai fait une petite dépression pendant au moins un mois et demi. Une espèce de babyblues... C'était comme un accouchement qui a été tellement long que le contre coup a été un peu difficile. Puis, très rapidement, un sentiment de soulagement est venu. Ce sont des morceaux qui me tiennent vraiment à cœur, des discours qui sont tellement personnels, les rendre public et m'en débarrasser, faire en sorte qu'ils ne m'appartiennent plus... Je me suis senti enfin vidé. L'effet thérapeutique, je l'ai ressenti lors de mes concerts, pouvoir communier sur ces morceaux avec le public, c'est mille fois mieux que les chanter dans un studio.

Est-ce plus difficile d'accepter la critique lorsque l'on se met totalement à nu dans ses morceaux ? 

C'est vrai que sur un truc qui est aussi personnel, c'est assez difficile. Les premiers retours ont été très mitigés, surtout de la part du public Casseurs Flowters, ils s'attendaient bien sûr au même style de musique qu'avant. Donc j'en ai certainement perdu une bonne partie en route. J'ai eu droit à des critiques assez sanglantes sur Internet... Sous couvert d'anonymat, les gens peuvent dire des choses à la limite du cruel parfois. Heureusement, derrière, je me suis rendu compte que j'avais touché beaucoup de personnes, j'ai reçu des tonnes de messages et j'ai réalisé que j'avais créé un petit miroir émotionnel dans lequel les gens pouvaient aussi se retrouver. J'ai finalement trouvé un nouveau public.

C'est effectivement très différent de ce que vous faisiez avant avec Casseurs Flowters. Le dernier album d'Orelsan "La fête est finie" est lui aussi beaucoup plus mature. D'après vous, qu'est-ce qui a autant fait évoluer votre musique ? 

Casseurs Flowters, c'était le regard que l'on portait sur nos quinze dernières années, mais aujourd'hui, on est plus dans cette optique-là. Le fait d'avoir traversé ces 4-5 années avec Orel' et Casseurs Flowters, le fait de travailler, d'avoir un cadre de vie posé, de monter sur scène, donner du sens à notre métier... On a rencontré des gens qui nous ont expliqués qu'on les a aidés a traverser des épreuves douloureuses dans leur vie. Tout ça fait qu'à un moment, on a finit par grandir. Puis aussi, on n'est pas loin d'arriver à l'âge de raison : avec Orel' on a bientôt 40 ans... On est plus du tout dans le mode de vie que l'on racontait dans les Casseurs Flowters.

Pour finir, dites-nous ce que vous pensez des tendances rap actuelles et notamment le rap de "iencli" ? 

Disons que c'est vaste. Un mec comme Vald, je continuerai de l'écouter longtemps parce que c'est quelqu'un de créatif qui apporte un truc en particulier. Il n'est pas dans les clous, comme on dit. J'aime qu'un artiste m'amène dans son univers... Après, des trucs comme Lorenzo, ça me touche peu, même pas du tout. Je trouve cela emprunté et sans personnalité ! En ce moment, je suis très fan de Lomepal. Pour moi, il ne fait même pas du rap, c'est un vrai chanteur de variété française. En attendant le retour de Nekfeu, c'est Lomepal qui m'intéresse le plus. Sinon, il n'y a pas grand chose qui me transcende en ce moment.

Propos recueillis par Kelly Peyron

Gringe parle de l'absence de son père dans Pièces détachées : 

https://www.youtube.com/watch?v=HTC9dknOU4w

Kelly Peyron

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