Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 26.04.2019 - coralie-mollaret - 5 min  - vu 4571 fois

FAIT DU JOUR Dans le Gard, la poubelle est pleine !

Mis en service en 2004, 110 000 tonnes de déchets, issus des 81 communes du Sitom Sud Gard, sont brûlés chaque année par Véolia, l'actuel délégataire (Photo : droits réservés)

À Nîmes, la construction d’un deuxième four pour l’incinérateur pose question. Certains élus estiment que c’est la seule solution pour ne pas gréver les finances des ménages. Explications. 

Qu'on se le dise, les incinérateurs n’ont pas vraiment bonne presse. En 2001, le maire de Nîmes fraîchement élu, Jean-Paul Fournier, a tout bonnement refusé de signer le permis de construire du brûleur de déchets. Il aura fallu que le préfet se substitut à lui pour que l’outil à 65 millions d'euros puisse sortir de terre, près de la Bastide. Aujourd'hui, l’incinérateur nîmois est le seul du Gard et remplit de fierté le président du Sitom Sud Gard, Hervé Giély. 

Mis en service en 2004, la société Véolia y brûle chaque année 110 000 tonnes de déchets issus des 81 communes membres du syndicat. « Brûler une tonne de déchets revient à 81€ contre 130€ pour l’enfouissement », indique M.Giély. « C’est le meilleur service au meilleur prix pour l’usager. D’ailleurs, dans les pays d’Europe du nord, l’élimination des déchets passe principalement par l’incinération. » Si nos voisins du Nord le font... 

Le Gard rhodanien pris en otage

Le président de l'agglo du Gard Rhodanien, Jean-Christian Rey (DR)

Il y a plusieurs semaines, l'Agglo du Gard rhodanien a remis le débat de la création d'un deuxième four sur la table, en exprimant son souhait d’adhérer au syndicat nîmois. Le centre d’enfouissement d’Orange (Vaucluse), où elle envoyait ses déchets, est plein. Idem pour celui de Gerland (région Auvergne-Rhones Alpes) en fin de vie. L'an dernier, l’Agglo du Gard rhodanien a trouvé une solution. Mais ça lui coûte cher, très cher... Au total : 1,7 million d’euros supplémentaires sur 2019 : « Nous les enfouissons à Bellegarde alors qu’on est contre l’enfouissement », explique le président de l'Agglo, Jean-Christian Rey. « Géré par Suez, le centre de Bellegarde est seul sur le marché. »

Sans concurrence, Suez impose ses tarifs à l’Agglo. Et ils augmentent... Désormais, le traitement des 25 000 tonnes de déchets (*) coûte 112 euros la tonne pour la partie ordures ménagères. Une hausse importante que la collectivité a choisi de compenser sur son autofinancement pour 2019. Mais c’est un fusil à un coup : « Si on ne fait rien ce tarif va encore augmenter dans les prochaines années et on ne pourra plus compenser », souffle le président de l’Agglo. Autrement dit : il faut s’attendre à une hausse de la TEOM (Taxe d'enlèvement des ordures ménagères) et piocher dans la poche des ménages !

Un incinérateur « ras la gueule »

Hervé Gièly, président du Sitom (Photo : Coralie Mollaret)

Le débat sur le regroupement des syndicats de gestion des ordures ménagères n'est pas nouveau. Actuellement, notre département en compte sept. « On corne sous tous les tons depuis plus de cinq ans qu’il faut un syndicat départemental, s’emporte le président de l'Agglo. Seulement à l'époque en CDCI (Commission départementale de coopération intercommunale, NDLR), les élus du Gard devaient déjà s'atteler à la fusion des communautés de communes. Du coup, le préfet a remis à plus tard la question des syndicats.

Une manière de reculer pour mieux sauter ? « Nous, on ne demande rien », assure Hervé Giely. « Mais si fusion il doit y avoir, nous serons obligés de créer un deuxième four, sinon la TEOM va exploser ! » Des propos corroborés par Jean-Christian Rey : l’unité de valorisation énergétique - l’autre nom de l’incinérateur - de Nîmes est « ras la gueule », selon ses termes fleuris. 

La Région opposée au deuxième four ?

Carole Delga, présidente socialiste de la Région Occitanie (Photo : droits réservés)

Selon le Sitom, « l’adhésion de Bagnols et d'Uzès impliquerait de traiter 70 000 tonnes de déchets en plus par an. Sans deuxième four, on augmente la TEOM de 60 % ! » La création d’un deuxième four, d’une capacité de 40 000 tonnes avait été prévue en 2014 dans le cadre du Plan départemental de gestion des déchets. Seulement le législateur est joueur… En 2015, il a confié l’élaboration de ce plan à la Région. Et devinez quoi ? L'enquête publique sur le nouveau Schéma régional de la gestion des déchets est prévue pour mi-2019.  

« Il faut des solutions de traitement pérennes », martèle Jean-Christian Rey, qui milite ardemment pour un deuxième incinérateur. « Le leitmotiv de la Région c’est de nous dire qu’il faut baisser les volumes, mais on prend 1,7 % de population par an, donc au final le volume monte quoi qu’il arrive », ajoute-t-il. Plus cocasse, « la Région nous dit de mettre nos ordures dans des camions et aller les incinérer à Perpignan, ce qui est une aberration environnementale ! Je suis consterné, la Région ne veut pas comprendre. Tout ça pour afficher son objectif de première Région à énergie positive. »

Rencontre avec Carole Delga

Au centre la présidente socialiste de la Région, Carole Delga, avec à sa gauche, le maire Les Républicains de Nîmes, Jean-Paul Fournier (Photo : droits réservés)

Sur la même longueur d'ondes, Hervé Giély défend l'incinérateur nîmois : « Il est plus performant que ce que demande l’Europe. » Un argumentaire que développera peut-être le président du Sitom, le 4 mai prochain, lors de la venue de la présidente de la Région, Carole Delga dans le Gard.

Même si la Région reconnait être offensive sur la réduction des déchets - "soit on réduit, soit on construit des incinérateurs : la population a tranché", nous glisse une source proche de Carole Delga - cette dernière rappelle : "In fine, c'est enfin au préfet du Gard de décider d'un deuxième four et absolument pas à la Région." Un Préfet qui prend son temps... Sûrement parce qu'il a devant lui les chiffres de la production de déchets dans le Gard : 266 000 tonnes par an pour une capacité de traitement de 332 000 tonnes dans le département. On a le temps de voir venir, comme disait l'autre...

Encore que.... "Le site de Bellegarde, en délégation via l'opérateur privé Suez, est en tension depuis qu'il récupère les déchets de la région Paca à hauteur de 115 000 tonnes par an au lieu de 25 000 tonnes par an en 2016", rajoute un élu de la Région Occitanie bien informé. Lequel ne manque pas de pointer du doigt l'absence d'anticipation des élus gardois : "Cette DSP avec Suez, qui contrôle ? Par ailleurs, à ma connaissance, il n'y a pas à ce jour d'étude de pré-faisabilité mise en place par une collectivité gardoise dans le cadre d'un projet de construction d'un deuxième four. Et si tel était le cas demain, il faudrait plusieurs années et plusieurs millions d'euros pour son ouverture. Qu'est-ce qui est prévu d'ici là ?"

De son côté, Jean-Christian Rey affirme qu'il serait prêt à accueillir l'incinérateur dans le Gard rhodanien. Bref, l’incinérateur, un dossier fumant dont les effluves s'inviteront certainement dans les débats autour des élections municipales. 

Thierry Allard, Abdel Samari et Coralie Mollaret

* Ces déchets sont produits par les habitants de l’Agglo de 75 000 habitants. 

Coralie Mollaret

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