Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 02.05.2019 - anthony-maurin - 7 min  - vu 1246 fois

FAIT DU JOUR J'ai passé la nuit dans un camp romain

Avec les Grands Jeux Romains qui débutent dans les arènes ce vendredi 3 mai, un camp romain a été installé à Nîmes. Visite spéciale.
Avant de se coucher, une lecture savamment choisie ! (Photo Anthony Maurin).

Drôle de chose... Un camp romain installé au pied de l'église Saint-Baudile à Nîmes (Photo Anthony Maurin).

" Tiens, si j'allais dormir dans le camp militaire reconstitué à l'occasion des Grands Jeux Romains ? " Que voulez-vous on ne se refait pas ! En tout cas, ObjectifGard poursuit son immersion dans l'antiquité au présent et, avant de participer une nouvelle fois aux Grands Jeux Romains, nous sommes allés dormir dans ce fameux camp situé place Gabriel Péri.

Et voici que ma garde commence comme dirait l'autre. C'est à la mode si l'on regarde les séries américaines mais la nuit du jour fut quelque peu différente. La garde aussi ! N'étant pas très militaire dans l'âme, débarquer dans un camp romain en civil et avec un ordinateur sous le bras peut paraître farfelu. Sauf que... Ces romains sont vraiment fous, parole !

Entre le site des Carmes de la faculté de Nîmes à gauche et un chantier immobilier à droite, la romanité se fait forte de sortir du lot (Photo Anthony Maurin).

Après un passage matinal pour repérer les lieux, c'est en fin d'après-midi, une grosse heure avant la fermeture des portes au public que je reviens sur place pour me faire chouchouter. " Tu as une tunique ? Des chaussures ? Un glaive ? Une ceinture ? Une cotte de maille ? Un casque ? " Pas vraiment. J'ai une tunique et des caligæ, des chaussures romaines qu'une autre association me prête pour les spectacles des Grands Jeux Romains, mais on s'arrête là. Alors on change tout et on reprend à zéro.

Ici, on explique les jeux antiques mais aussi les herbes et leurs usages (Photo Anthony Maurin).

C'est l'Association Européenne de Reconstitution Antique, (Aera pour les intimes) par l'intermédiaire de Jean-Luc Féraud, son patron et fondateur, qui prend en charge mon habillage. C'est cette géniale association qui tient le camp romain mais nous y reviendrons plus loin.

Le décor est planté et 15 kilos sur le dos plus tard, me voilà nouvelle recrue dans la légion de la République romaine du IIème siècle avant notre ère. Oui, la cotte de maille et le reste, ça pèse un peu et je commence à prendre conscience du projet nocturne. Inconfortable ? Pas tant que ça. Il est évident que nos habits modernes sont légers et pratiques mais je ne saurais dénigrer ceux qu'on me prête car, finalement, la tenue a un certain charme tout en offrant une nouvelle vision de la vie militaire antique au quotidien.

Sur plus de 1200m² les romains se sont installés à Nîmes et y rappellent les us et coutumes de Nemausus (Photo Anthony Maurin).

Si à cela j'ajoutent les 30 à 40 kilos de paquetage... N'oublions pas que les soldats de Marius étaient chargés comme des mulets, le nom est d'ailleurs resté ! Comme nous ne sommes pas en campagne, l'équipe me fait grâce du supplice. Ouf. Après un tour d'horizon du camp et des différents ateliers et stands qui sont accessibles au grand public, nous nous rendons à la conférence donnée par Éric Teyssier en ville.

À côté de Jean-Luc, quand on se balade dans les rues de la cité des Antonin, c'est tout un programme. Surtout quand on est en tenue. Des gens se demandent d'où sortent ces deux énergumènes costumés. D'autres dégainent furtivement les téléphones pour immortaliser le petit cortège historique et quelques uns tentent de nous saluer dans les règles de l'art.

Dans un autre temps, avec le travail du cuir, matière primordiale chez les romains de l'antiquité. Ici, l'empirisme prend toute son ampleur (Photo Anthony Maurin).

Moins de mouvements brusques, tous les gestes doivent être mûrement réfléchis. Avec des chaussures cloutées, si l'on ne calcule pas bien sa foulée, on chute, on glisse lamentablement. Moins d'agilité dans les tâches domestiques mais pour monter la garde et se battre, ces habits font largement l'affaire. Dans tous les cas, je ne ferai ni l'un ni l'autre !

Retour au camp. Visite des tentes militaires, démonstrations d'exercices, de manœuvres et entraînements, présentation des stratégies de l'armée romaine, évocation des différentes pièces de cuir fabriquées et utilisées à l'époque, explication de la technique de forge et de la construction de tels camps sont les principales occupations et distractions du visiteur.

Troupes romaines et stratégies militaires (Photo Anthony Maurin).

Mais la vie civile n'est jamais bien loin et, malgré les palissades guerrières, on parle également de la fabrication du pain (militaire), des talents des orateurs, du général Marius (c'est d'actualité dans le spectacle des Rois Barbares des Grands Jeux Romains 2019), des différents usages des plantes, des tissus et de leur filage, des produits de beauté, sans oublier des boissons romaines avec in situ une petite taverne de bon aloi ! Qui dit vie civile dit enfants. Ils ne sont pas oubliés dans le camp romain car ils peuvent y fabriquer des jouets antiques, s'y faire coiffer et confectionner un bracelet en cotte de mailles.

La tente de commandement (Photo Anthony Maurin).

Fin de journée pour la trentaine de membres actifs de l'association. Heureux mais fatigués d'un premier jour très satisfaisant, les volontaires prennent du plaisir à se retrouver ensemble. Ils sont aujourd'hui une belle vingtaine mais ce n'est que le premier jour. "Habituellement notre soirée se déroule autour d'un feu de camp mais ici, les conditions de sécurité nous empêchent de le faire", regrette Jean-Luc. Pas de feu de camp mais une longue tablée avec les restes du repas antique de midi et quelques agréments plus modernes comme les pommes-de-terre et les tomates.

Les coiffures et les produits cosmétiques sont aussi évoqués (Photo Anthony Maurin).

Des Suisses, en cuisine, ont préparé un plat mêlant oignons, ail, céleri branche, carottes (blanches), lentilles, pois cassés, blé complet, poireaux, coriandre en grains, graines de fenouil et porc. Honnêtement, une régalade ! Je finis l'assiette et regarde furtivement à gauche pour savoir s'il n'en reste pas... Je suis gourmand et curieux. Deux personnes seront choisies pour faire la vaisselle du lendemain midi mais aussi du lendemain soir. Heureusement, j'évite la charge car je ne dors qu'une nuit avec eux ! Je fais simplement ma vaisselle du jour, pas grand chose, une cuillère en bois et une patère.

Ici, le travail de la laine (Photo Anthony Maurin).

Chacun joue son rôle de jour comme de nuit. Chacun sait ce qu'il doit faire, chacun fait ce qu'il a à faire. Il a fallu monter les tentes et animer les stands tout au long de cette chaude journée de vacances, bref, le premier jour a été usant. Ça baille, ça se gratte les yeux, ça va prendre une douche ou se changer mais ça reste ensemble le plus longtemps possible. L'unité jusqu’au-boutiste de la légion se retrouve aussi dans la vie de l'association.

Sous la tente en peaux de chèvres, la literie (Photo Anthony Maurin).

Les premiers filent sous leur tente préparer leur couchage, simple, rude mais tellement douillet quand on croule sous la fatigue. Les plus joueurs discutent en groupe au centre du camp, sur les bordures ou ailleurs pour ne pas déranger les gros dormeurs. Les moins vannés sortent en ville et vont boire un coup dans un bar du quartier. Avec la légion étrangère et la faculté non loin, ce n'est pas ce qui manque dans le coin.

Votre serviteur en tenue... de service (Photo Anthony Maurin).

Le petit déjeuner sera servi à 8h. Répétition, petite marche, manœuvre et remise en condition se feront quant à eux à partir de 9h. Le lendemain matin (vendredi), Jamel Debbouze a demandé à l'asso de l'aider. Il veut tourner un petit clip vidéo pour le spectacle qu'il donnera aux arènes cet été et c'est Aera qui s'y collera avec plaisir.

Le travail de la meule pour réduire le grain en farine (Photo Anthony Maurin).

Les premiers ronflements parviennent aux oreilles sensibles mais n'empêchent pas le repos du guerrier. On m'a très gentiment préparé une paillasse alors que je discutais de tout et de rien. Mieux qu'à l'hôtel et avec le sourire en prime votre serviteur est choyé. Plutôt confortable cette literie de fortune. De peaux de bêtes, des linges épais et des tentes en peaux de chèvres assemblées les unes aux autres, imperméables et légères seront mon sol et mon toit pour la nuitée. On s'y sent bien dans cette petite ambiance romaine même si je suis conscient qu'une expérience vécue en 2019 en temps de paix ne peut être comparable à une campane militaire semblable à celle de Marius à la fin du IIème avant JC.

Fin de journée pour la troupe, place au repas ! (Photo Anthony Maurin).

Il est minuit, le camp s'endort paisiblement, les derniers sortis ne sont pas encore revenus mais ne sauraient tarder. Trente minutes plus tard, j'ai l'impression que tout le monde est rentré au bercail, on va enfin pouvoir se coucher en espérant un réveil en forme pour la suite des événements car la semaine est loin d'être achevée. On se retrouve dans quelques heures, au réveil, pour l'ultime ressenti de cette nuit spéciale...

Sous les yeux de Jean-Luc Féraud, à droite, ma gamelle prise dans une patère (Photo Anthony Maurin).

Nous revoilà ! Encore en vie et pas franchement crevé. La nuit fut courte mais bonne. Il n'a pas fait de vent, il n'a pas plu et le thermomètre est resté positif, comme tout le monde ici. Une nuit dans un camp romain est une expérience un peu à part. Ici, la vie est réelle sans l'être alors la nuit a suivi ce même cheminement. Nous ne sommes pas en colonie de vacances mais pas en guerre non plus. Un subtil mélange des deux.

Mes ronflements ont certainement dû chambouler la tente que je partageais avec deux autres légionnaires mais ces derniers ont eu la courtoisie de ne pas me le reprocher. Il faut dire que dormir sous une tente en plein cœur d'une ville de plus de 150 000 habitants n'est pas de tout repos. Ballet des éboueurs, des skateurs, des éméchés... La danse est rythmée et il est dur de l'oublier. Mais quand on a sommeil, on dort !

La nuit dans le camp... Un mélange de vin et de mulsum, ce vin miellé, se consomme sous le manteau (Photo Anthony Maurin).

Cette expérience m'a montré, au-delà d'une simple nuit passée à la quasi belle étoile et sur une place de Nîmes aménagée en camp romain, que l'univers des reconstitutions historiques était bien plus vaste que ne peuvent le laisser entrevoir les seuls Grands Jeux Romains. Ces gens sont curieux, passionnés, sensés, humainement irréprochables et terriblement accrochés à leur douce rêverie. Ici, on ne joue pas, on vit. La majestueuse Porte Auguste veille sur le village, le public ne va pas tarder à revenir, les membres d'Aera son prêts pour leur deuxième jour.

Les lampes à huile ne sont pas encore allumées, le patron est au boulot sous sa tente avant de faire le mur pour aller boire un petit coup (Photo Anthony Maurin).

Le camp vous attend pour vous faire comprendre la vie des ces personnes. La vie antique de leurs références, la vie actuelle de ces passionnés. Tout le monde se rendra disponible et souriant pour vous aider à y voir plus clair et à développer une autre approche de l'histoire vivante.

Entre l'organisation des Grands Jeux et la création de ce nouveau  camp, Culturespaces, délégataire de la patrie patrimoniale des trois monuments antiques de Nîmes, a déboursé plus de 600 000 euros. Un investissement qui fait rayonner la cité des Antonin et qui ouvre de belles perspectives d'avenir, surtout quand on songe au tourisme historique. Que les jeux commencent !

Tarif : 5 euros, 3 euros en réduit (enfant -12 ans, sur présentation d'un billet Grands Jeu Romains 2019) et gratuit pour les -4 ans et sur présentation d'un billet Premium des Grands Jeux Romains 2019. Ouvert jusq'au 5 mai à 19h (dernière entrée à 18h pour profiter de la visite).

Un immense merci à tous les membres de l'association Aera qui ont été à la hauteur de leur réputation. Des amoureux de l'histoire, des passeurs de témoin et des personnes chaleureuses, conviviales et simples. Merci pour ces instants passés en votre compagnie, ce fut un honneur, AVE.

Anthony Maurin

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