Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 27.07.2019 - philippe-gavillet-de-peney - 3 min  - vu 449 fois

FEUILLETON DE L'ÉTÉ Troisième épisode de "L’Été de la miséricorde"

Chaque samedi de l'été, à 11h30, Objectif Gard vous donne rendez-vous avec votre saga estivale.
Centre-ville d'Anduze. Photo Tony Duret / Objectif Gard

Le village d'Anduze (Photo DR Cévennes Tourisme)

Durant l'été, Objectif Gard vous propose de découvrir pendant huit semaines un feuilleton inédit qui se déroule au cœur du Gard ! Le troisième épisode est à lire maintenant...

Alors que le soleil terminait sa course dans un ultime plongeon derrière les contreforts du causse cévenol, la silhouette de la vieille femme se détachait en ombre chinoise dans le contre-jour. Depuis son départ d'Anduze, Julie n'avait jamais pris de nouvelles de Marthe mais elle n'avait jamais oublié celle qui avait compilé auprès d'elle les casquettes de nounou, de confidente et d'amie.

Marthe habitait le mas voisin et elle avait toujours entretenu avec ses parents des relations d'amitiés sincères. De la revoir tant d'années après faisait monter en elle une étrange émotion où se mêlaient la joie et une incompréhensible crainte.

Les deux femmes se jetèrent dans les bras l'une de l'autre et leur chaleureuse étreinte balaya les dernières appréhensions de Julia. « Ma petite ! Ma petite ! Tu m'as tellement manquée », lui susurra Marthe dans le creux de l'épaule. « Comment as-tu su que j'étais là ? », interrogea Julia. « Anduze est un village et les nouvelles vont vite, rétorqua l’aïeule faussement mystérieuse. Je te taquine ma pitchounette. Ce sont tes locataires qui m'ont avertie de leur départ et... de ton retour. »

S'appuyant sur sa canne et s'accrochant au bras de Julia, Marthe l'accompagna jusque dans la maison. Tirant chacune une chaise, elles s'installèrent confortablement et ouvrirent la boite aux souvenirs. C'est Julia qui s'y colla la première.

Prenant bien soin de n'être pas entendue de ses enfants qui jouaient dans la vaste cour, elle raconta sa vie à Paris chez sa tante Gisèle après le suicide sa mère, ses études, sa rencontre avec son futur mari sur les bancs de l'université, la naissance des enfants et le départ de leur père.

Ou plutôt la fuite, consternante de banalité, d'un homme immature parti chercher refuge dans les jupes d'une de ses collègues de bureau pour se délester de ses responsabilités. Tant et si bien qu'il avait déménagé quelque part au Canada avec sa nouvelle compagne et qu'il n'avait jamais plus donné de nouvelles...

« Alors tu as fait comment Pitchounette ? », s'enquit Marthe.

« Comme j'ai pu... Mais parle-moi un peu de toi. Qu'est-ce qu'est devenu Roger ? »

À l'évocation de son frère puîné, un voile passa devant le regard de Marthe et un ange passa... « Roger ? Il vit toujours avec moi. Il vient d'avoir 74 ans et hormis les problèmes que tu connais, sa santé est plutôt bonne et il va bien. »

Vue sur les Cévennes. EB/OG

Victime d'un accident alors qu'il n'était encore qu'un fringant jeune homme à qui la vie souriait, Roger en avait conservé de grave séquelles et une cicatrice qui lui barrait la lèvre supérieure, imprimant un éternel rictus sur son visage agité de convulsion. En dépit de sa bonhomie et de son caractère pacifique, il avait toujours inspiré une irrépressible frousse à Julia lorsqu'elle était enfant.

Marthe s'était toujours refusé à aborder avec Julia les circonstances de l'accident qui avait placé Roger dans un état quasi végétatif et l'avait quasiment privé de la parole. « Plus tard ! Plus tard ! », éludait-elle en brassant l'air de sa main gauche devant chaque tentative d'en savoir plus long sur cette ténébreuse affaire.

Pourtant Marthe l'assurait : Roger comprenait tout se qui se passait autour de lui et au fil des années ils avaient établi tous les deux les codes d'une communication qui leur permettait d'échanger de façon satisfaisante. Marthe avait renoncé à sa vie pour se consacrer corps et âme à son unique frère. Pour elle, il était hors de question de le placer dans un établissement spécialisé. Des « mouroirs pires que des léproseries », disait-elle. Tout juste acceptait-elle la visite hebdomadaire d'une infirmière qui venait renouveler les ordonnances et s'assurer que tout allait bien.

« Viens le voir demain si tu veux, je suis sûre que cela lui fera plaisir », reprit Marthe. Dissimulant tant bien que mal son appréhension, Julia acquiesça de la tête.

« Dis-moi Marthe, j'aurais besoin de quelqu'un pour effectuer de menus travaux et pour m'aider à remettre le jardin en état. Tu ne connaîtrais pas quelqu'un ? »

« Je vais demander à Juan de passer te voir. Il viendra demain. »

« Juan ? Qui est-ce ? »

« Juan c'est... Juan. Tu verras bien demain... Patience ma galinette. À chaque jour suffit sa peine et demain il fera jour... », philosopha sentencieusement Marthe qui la planta là et tourna les talons sans autre forme de procès.

« Elle a raison. Demain est un autre jour », pensa Julia. Il fallait encore préparer le repas, rapatrier Tim et Sam et finir de sortir les bagages de la voiture et de les ranger. Vivement demain...

Philippe GAVILLET de PENEY

Les épisodes précédents : 

FEUILLETON DE L’ÉTÉ Premier épisode de « L’Été de la miséricorde »

FEUILLETON DE L’ÉTÉ Deuxième épisode de « L’Été de la miséricorde »

Philippe Gavillet de Peney

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