Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 07.10.2019 - anthony-maurin - 5 min  - vu 738 fois

FAIT DU JOUR Retenus ou détenus, l'humain reste humain

Le Centre de rétention administrative et la maison d'arrêt de Nîmes ont ouvert leurs portes à la députée Annie Chapelier. Visite.
Vue du CRA... (Photo Anthony Maurin).

Annie Chapelier en visite au CRA (Photo Anthony Maurin).

Il est des sujets plus faciles à traiter que d’autres. Retenus ou détenus, tels seront les mots usités. Ici, la liberté n’est qu’une question, plus une réalité. À l’ombre des grilles du Centre de rétention administrative comme dans les couloirs de la maison d’arrêt de Nîmes, les enjeux sont humains.

Annie Chapelier, députée de la 4ème circonscription du Gard a invité la presse à la suivre lors d’une double visite un peu particulière. « Je suis venue parce que j’ai visité le CRA il y a un an et demi et je voulais venir faire le point. Je travaille sur une proposition de loi que je vais soumettre ce mois-ci et qui concerne le parrainage citoyen. Cela se fait beaucoup au Canada car il y a eu là-bas un boum de l’immigration. »

Éric Buisine, et Annie Chapelier (Photo Anthony Maurin).

Une pratique qui arrange certains pays, moins d’autres. Et la France ? La députée est sereine. « Le débat est ouvert et il est nécessaire, les propos sont houleux. Nous recevons des mails qui finissent directement à la poubelle car le sujet est très clivant... On doit juste se rendre compte de la situation mondiale et tenter de s’y adapter en changeant notre vision. Nous adoptions souvent des mesures disproportionnées. Il y avait trop de brassage et un réel décalage. Les relations diplomatiques se sont améliorées. Depuis deux ans je rencontre les associations qui pratiquent ces parrainages ailleurs car cela n’existe pas encore chez nous. Le texte de la loi est rédigé, il ne manque que l’exposé des motifs. »

Des migrants, sous bonne surveillance, évoquent leur quotidien dans les murs du CRA (Photo Anthony Maurin).

Mais au Centre de rétention administrative du Gard à Nîmes, le temps passe même si la loi demeure inchangée.  « Imaginez le CRA comme un hôtel avec des chambres... on avait fermé deux zones sur cinq en 2014. Actuellement nous avons toutes les zones ouvertes : une pour les femmes et quatre pour les hommes, explique Éric Buisine, directeur interdépartemental adjoint de la police aux frontières, responsable des services du Gard. Nous n’avions pas assez de personnes pour les remplir ni suffisamment de personnel pour s’en occuper ! La zone femmes peut accueillir 17 personnes quand les zones hommes ont une capacité de 18 à 31 places chacune. »

Du mieux dans le pire

À chaud, pour Annie Chapelier et après une visite de plus de deux heures, les choses sont plus apaisées que lors de sa dernière visite, tout semble plus fluide, il y a plus de personnel et forcément moins de surcharge de travail. « Il y avait un réel cri d’alerte qui a été entendu mais je suis frappée par la nouvelle typologie des retenus. Les migrants économiques sont moins présents qu’avant et les retenus sous addiction sont bien plus nombreux... Je pense qu’un ciblage a été fait lors des arrestations. Nous sommes parfois à la limite de l’hôpital psychiatrique ». Et c’est une infirmière anesthésiste de profession qui le dit !

Autre chose, par le passé les remises en liberté des retenus étaient fréquentes car l’État dépassait les délais. Avec la dernière réforme et les 90 jours de rétention possible, la donne a été changée : « Même si ça me conforte dans l’idée que les CRA ne sont pas encore tout à fait adaptés. Au moins, ils fonctionnent mieux qu’il y a un an et demi... », conclut la députée.

La maison d’arrêt

Nîmes a la maison d’arrêt avec la plus forte surpopulation carcérale de France métropolitaine. C’est un fait et ceux qui pensent que le séjour en prison des détenus (il en va naturellement de même pour ceux qui y travaillent !) est une partie de plaisir se mettent le doigt dans l’œil jusqu’au coude.

Créée en 1974 sur quatre hectares de foncier mais sur trois hectares intra-muros, cela fait des années que l’on connaît les problèmes de surpopulation à la maison d’arrêt de Nîmes qui est composée de trois gros blocs et d’un bloc quasi extérieur destiné à la semi-liberté.

La maison d'arrêt de Nîmes (Photo Anthony Maurin).

Un service public comme les autres ? Pas tellement. Ici, pour une théorie de 200 détenus, la pratique en moyenne varie entre 400 et 450 (420 le jour de notre visite). Donc, des cellules doublées voire triplées avec 67 matelas au sol. La gestion de la maison d’arrêt est, et c’est devenu une rareté, une gestion publique. Ici on gère la restauration, la buanderie, la maintenance. En fait tout ce qui se passe au sein de l’établissement. Le budget est d’un peu moins de deux millions d’euros.

Gérer l’été et le reste

Avec autant de monde dans un si petit endroit, la promiscuité fait des ravages. Cet été, avec trois épisodes caniculaires, on a échappé au pire. Par chance, les 3ème et 4ème étages, les plus chauds, étaient moins surpeuplés qu’habituellement. La raison ? « Seuls » 30 matelas étaient au sol. Triste constat mais la violence est partout. « Personnels et détenus sont solides mais nous avons une salle de musculation climatisée, des douches en promenade, la distribution d’eau, des ventilateurs au parloir. C’est insuffisant mais c’est déjà ça », rappelle Aurélie Martinière, la directrice de la maison d’arrêt de Nîmes depuis le 1er janvier dernier.

(Photo Anthony Maurin)

Du côté des effectifs pénitentiaires, pas mieux. 130 personnels dont 100 surveillants dont 20 femmes. D’ici l’an prochain, la maison d’arrêt aura droit à huit agents supplémentaires, un record. Il faut dire qu’actuellement, un surveillant doit s’occuper de 80 détenus ! « On doit réinventer une société si l’on veut avoir la paix sociale », lâche une de ses collègues.

L’équipe dirigeante est aujourd’hui très féminine ce qui ne l’empêche pas de tenir avec une certaine poigne tout ce beau monde. « C’est toujours une bonne chose que les députés viennent se rendre compte des conditions de détention mais aussi des conditions de travail de nos personnels », avoue la directrice. Pour Annie Chapelier, déjà venue en visite en 2018, « Nîmes connaît une situation insupportable. »

Une Alésienne toujours Arlésienne

Un nouveau projet immobilier devrait voir le jour. Il y en aurait même deux dans les tuyaux. Le premier est l’agrandissement de la maison d’arrêt de Nîmes. Début des travaux second semestre 2020 pour une livraison en 2023. Le chantier sera forcément compliqué car contigu à la structure actuelle. Sur le même modèle que la maison d’arrêt existante, bien pensée, un nouveau bâtiment pour les femmes accueillerait trente détenues. D’un autre côté, ajoutez 120 places pour les hommes et un budget de travaux non divulgué de plusieurs millions d’euros.

(Photo Anthony Maurin)

Second dossier, celui de la maison d’arrêt d’Alès. La fameuse Arlésienne qui n’est pas encore alésienne. Le terrain est activement recherché, tout le monde semble vouloir cette nouveauté mais personne ne la désire sur sa commune. « C’est un projet sur une dizaine d’années mais c’est acté et ça sera vers Alès. Si on avait construit un autre site à Nîmes, le tribunal de grande instance d’Alès aurait probablement disparu », avertit la députée de la 4ème circonscription.

À Nîmes, la maison d’arrêt est un miracle emmuré car tout est basé sur un effectif théorique qui est bien loin de la réalité. Faire deux fois mieux avec deux fois moins, c’est une rareté qu’il est bon de rappeler. « Nos personnels font d’énormes efforts et permettent aux détenus de vivre au mieux leur séjour ici », conclut la cheffe d’établissement, Aurélie Martinière.

Deux autres articles, sur le CRA et sur la maison d’arrêt suivront plus tard dans la journée. Deux zooms sur les conditions de vie et de travail dans ces lieux particuliers de la République française.

Anthony Maurin

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