Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 18.10.2019 - thierry-allard - 4 min  - vu 590 fois

GARD RHODANIEN Les enfants, ces autres victimes des violences conjugales

Ce vendredi matin à Bagnols lors du Grenelle des violences conjugales conduit par la sous-préfète du Vigan, Joëlle Gras (au micro) (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Lancé par le secrétariat d’État chargé de l’égalité femmes-hommes, le Grenelle des violences conjugales a fait étape à Bagnols ce vendredi matin pour ce qui était la première rencontre territoriale dans notre département. Le thème était les enfants, témoins et co-victimes. Celui du manque de moyens est aussi revenu fréquemment.

Chargée de cet épineux dossier pour le Gard, la sous-préfète du Vigan, Joëlle Gras, a commencé en rappelant quelques chiffres, éloquents : l’année dernière, 220 000 femmes ont subi des violences conjugales en France et 143 000 enfants vivent dans ces familles. Un chiffre déjà important mais probablement très en-dessous de la réalité, toutes les femmes battues ne déposant pas plainte, loin s’en faut. « On estime le nombre d’enfants témoins ou co-victimes à 4 millions », note la sous-préfète. Certains enfants meurent aussi sous les coups : en 2018, sur les 149 victimes de violences conjugales tuées, 21 étaient des enfants.

Dans le Gard, 996 faits de violences conjugales ont été constatés en 2018. Un chiffre en hausse de 8,7 % par rapport à 2017 et deux gardoises sont mortes sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint. Et si « les femmes sans qualification, en situation de pauvreté, jeunes ou étrangères sont plus exposées », rappelle Joëlle Gras, on retrouve des violences conjugales dans tous les types de foyers.

Pour les enfants, c’est toujours un traumatisme. « Ils vivent dans un climat marqué par l’insécurité, en étant témoin ou au coeur des conflits, avec des violences qui peuvent se perpétuer au-delà de la séparation, et il y a aussi des situation de co-occurence de violences conjugales et de maltraitance », résume la sous-préfète. Autant de scénarios qui peuvent conduire l’enfant à des problèmes psychologiques avec « notamment un apprentissage de la violence comme mode de résolution des conflits », souligne Joëlle Gras.

Un fonctionnement en réseau

Reste la question de la prise en charge. Dans le Gard rhodanien, l’Agglo pilote un réseau, le Resavi, sur la question des violences conjugales. Depuis 2016, les communes de Bagnols et Laudun-l’Ardoise mettent à disposition de l’Agglo deux appartements que l’Agglo a mis à sont tour à disposition de l’association Riposte à titre gratuit. Dans ces logements, l’association héberge jusqu’à cinq femmes et leurs enfants et utilise l’argent des loyers qu’elle ne paie pas pour financer un poste de psychologue.

Nathalie Sequeira s’occupe de l’accompagnement et du suivi de ces femmes. « Il est très important de recevoir la personne et de l’écouter, explique-t-elle. Nous pouvons l’accompagner au commissariat pour porter plainte, puis ensuite au tribunal. » L’accompagnement peut durer plusieurs mois comme plusieurs années, et l’hébergement d’urgence de quelques jours à plusieurs mois.

Manque de moyens

Le système fonctionne, mais est saturé quasiment en permanence. « Je n’ai que 20 heures par semaine, il y a un manque de moyens », explique le docteur Sequeira qui a déjà mené plus de 140 entretiens psychologiques avec une trentaine de femmes depuis le début de l’année dans les locaux de Riposte. Un manque de moyens qui reviendra dans presque toutes les bouches lors de la matinée de prises de paroles vendredi.

Ce vendredi matin, le Grenelle des violences conjugales dans le Gard a commencé dans les locaux de l'association Riposte, à Bagnols (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Dans celles de Marie-Laure Tedeschi, directrice du pôle solidarités à l’Agglo du Gard rhodanien, de Martine Grouthier, l’adjointe au directeur académique, ou encore de la cheffe de section du parquet des mineurs de Nîmes, Véronique Compan. Des moyens humains et financiers qui manquent à tous les niveaux : à l’Agglo pour proposer des places d’hébergement d’urgence supplémentaires, à l’Académie pour avoir les moyens humains de former dignement les enseignants sur cette question et au parquet pour supporter la charge de travail. Véronique Compan expliquera que « chaque juge des enfants à 600 dossiers dans son cabinet »

« Un parent violent est forcément un mauvais parent »

Reste que les moyens ne sont pas une finalité, mais un préalable, pour améliorer le fonctionnement du réseau qui aide les femmes victimes de violences conjugales et leurs enfants. La formation revient aussi souvent, notamment chez le lieutenant de gendarmerie Jean-Baptiste Rodriguez qui demande « dès la période de formation des gendarmes d’avoir un volume d’heures dédié à la prise en charge des victimes et de leurs enfants. »

Idem du côté des enseignants, souvent démunis face à cette situation. L’idée est de mieux repérer les situations et de mieux y faire face, mais aussi de s’améliorer sur la signalisation des faits « car si nous attendons trop, parfois les situations deviennent dramatiques », souligne Véronique Compan.

Reste maintenant à faire évoluer le cadre législatif. Un texte a été débattu à l’Assemblée nationale cette semaine pour « inciter à davantage de médiation et mettre en place le bracelet anti-rapprochement », explique la députée Annie Chapelier. « Il s’agit de mesures parcellaires », ajoute la parlementaire, qui se positionne notamment pour « le retrait systématique de l’autorité parentale du parent violent. Un parent violent est forcément un mauvais parent. »

Une autre piste creusée est de réserver les hébergements d’urgence aux auteurs de violences, histoire de ne pas faire vivre une double peine aux victimes. Riposte a fait une demande en ce sens auprès de la Direction départementale de la cohésion sociale, « mais elle nous a été refusée », note le directeur de l’association Yvan Rozec. Une question de budgets, sûrement. 

Malgré le manque de moyens, le fonctionnement en réseau de Resavi est « primordial », souligne le président de l’Agglo du Gard rhodanien, Jean-Christian Rey. « Nous sommes en amont et en aval, nous travaillons avec des médecins et l’Éducation nationale et nous sommes un lieu repéré par ces partenaires », ajoute le directeur de Riposte. Ce fonctionnement aide à repérer les femmes victimes de violences conjugales. Sur ce plan, la communication est cruciale. D’ailleurs, l’Agglo a édité une plaquette d’information pour inciter les femmes victimes de violences à en parler, pour s’en sortir.

Thierry ALLARD

thierry.allard@objectifgard.com

Nota bene : Un numéro dédié existe, le 39 19. Le service est anonyme et gratuit depuis un poste fixe. Plus d’informations et de contacts utiles ici.

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