Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 05.11.2019 - veronique-palomar - 4 min  - vu 9462 fois

VERS-PONT-DU-GARD Un nouveau destin pour le mystérieux château de Saint-Privat

Visite privée d'un domaine historique méconnu qui veut renaître de son passé chargé d'Histoire.
De gauche à droite, Christophe Subreville et Camille Gerbino, deux des quatre associés et nouveaux propriétaires  (photo Véronique Camplan)

Le château de Saint-Privat  et son domaine de 440 hectares sont invisibles au regard des promeneurs (photo Véronique Camplan)

À Vers-Pont-du-Gard, il existe un domaine d'exception, le château de Saint-Privat qui trône sur 440 hectares de terres et abrite entre autre des vestiges gallo-romains et une grotte habitée au temps de la préhistoire.

S'il un tel joyau est peu connu du grand public, c'est sans doute que depuis qu'il partage son accès avec le Pont du Gard, il demeure hors de la vue et du passage. De nouveaux propriétaires ont bien l'intention de lui redonner la place qu'il mérite en l'ouvrant de nouveau au public.

"On a eu un vrai coup de cœur", s'exclame Christophe Subreville, l'un des quatre associés qui vient d'acquérir ce bien dont la valeur est estimée à quasiment neuf millions d'euros. Et de conter comment et pourquoi ils ont acquis un tel domaine. Associés et amis depuis longtemps, les quatre Marseillais sont un jour partis en quête d'un domaine de chasse.

"Un investissement pour donner du sens à notre vie"

La vente de leur société Nexilis Marseille à Engie leur permettant une belle mise de fond. "Mais quand on a vu le domaine, il nous a inspiré d'autres idées", se souvient Camille Gerbino. L'ancienne propriétaire l'avait protégé des chasseurs, les nouveaux se contentent d'y autoriser des battues administratives et envisagent d'autres perspectives pour l'endroit.

Au fil du temps et des propriétaires sont nés parc et jardins (photo Véronique Camplan)

Son accès au public contraint par celui du Pont du Gard, une partie inondable de ses terres, une histoire foisonnante, ont amené les nouveaux propriétaires à consulter toutes les parties prenantes, soit en substance, les administrateurs du Pont du Gard, Natura 2 000 ou encore l'État pour parler prévention de risques.

"Nous agissons sans aucune pression, affirment les associés se défendant d'une quelconque idée de profit. Nous avons acheté le domaine pour donner du sens à notre vie, protéger un patrimoine, le transmettre… Une chose est sûre, nous n'y ferons ni hôtel, ni camping". Ils avancent l'idée d'un espace ouvert au pique-nique, à la découverte, à la flânerie, à la culture, celle du patrimoine mais aussi celle de l'amandier dont ils envisagent, peut-être de planter 30 hectares…

"Rien n'est décidé nous n'en sommes qu'au début", pointe Christophe Subreville. Patrick Malavieille administrateur de L'EPCC (Établissement public de coopération culturelle à caractère industriel et commercial) qui gère le Pont du Gard évoque l'idée d'une billetterie commune. Il faudra donc patienter encore pour voir le lieu ouvert au public et en découvrir merveilles et mystères.

Cette tour aux allures de fortin est une des fermes du domaine. En contrebas, la grotte qui abrita certains de nos ancêtres (photo Véronique Camplan)

Une des particularités du domaine, outre sa proximité avec le Pont du Gard, est qu'il est habité depuis la Préhistoire. Nombre de cavités creusées par le Gardon ont fourni des refuges aux premiers hommes. Ce sont les corps de huit adultes au moins qui furent découverts lors des fouilles de la grotte de la Balauzière qui fait partie du domaine.

Des habitants qui occupèrent la grotte entre les premiers homos sapiens sapiens et le Paléolithique européen. L'endroit révéla aussi de nombreux ossements d'animaux sur lesquels étaient dessinés des animaux, des outils pour la chasse, des pointes de flèches, poinçons en os, silex taillés…

Grotte préhistorique, villa gallo-romaine, geôle et passages secrets

Un bond de quelques milliers d'années nous amène à l'époque gallo-romaine et à la construction du Pont du Gard. Au-delà de l'aspect technique et et des mystères de l'Histoire, les faits sembleraient d'accord avec la légende pour admettre l'existence d'une villa romaine sur l'emplacement du château.

Celle-ci aurait appartenu à Veranus, l'architecte en chef présumé du Pont-du-Gard. Les spécialistes avancent comme autre preuve, l'eau en provenance des sources captées dans la combe de Nîmes et amenée par une canalisation, laquelle, tout comme les vestiges d'une voie romaine, conduisait tout droit à ceux d'une riche villa gallo-romaine dont les colonnes antiques furent retrouvées dans une chapelle construite sous le château.

Avec la nuit qui vient, la vieille abbaye semble garder toutes les âmes qui se succédèrent en ce lieu(photo Véronique Camplan)

En remontant le temps, nous voilà à la chute de l'Empire, alors que les invasions barbares ont été dévastatrices. Les populations rurales fuient et certaines s'installent sur les ruines de la villa romaine du Pont du Gard. Les nouveaux arrivant choisissent alors de baptiser l'endroit Saint-Privat en référence au premier apôtre du Gévaudan. La nécropole souterraine découverte lors de fouilles apporte des preuves de l'existence de cette communauté qui finit par être balayée par les vagues d'invasions successives.

ceci n'est pas une cheminée mais l'entrée d'un passage secret qui permet de s'enfuir du château par son sous-sol (photo Véronique Camplan)

Le domaine se réduisit ensuite à plusieurs églises mais c'est au Moyen-Âge en 1121 que l'on voit apparaître dans les textes anciens l'abbaye de Saint-Privat. Puis le fief passa à des seigneurs laïcs vassaux des seigneurs d'Uzès.

Les années fastes

À l'époque, le bâti se résumait à un corps de logis. Il faut attendre 1452 pour que débute la période la plus prospère de l'histoire du château lorsqu'il hérite à Jacques Faret, commerçant de renom d'origine piémontaise qui acheta des charges royales et réussit à obtenir le titre de marquis.

Deux générations de Faret plus tard, le domaine passe de catholique à protestant. Le marquis construit, fortifie, annexe une geôle à sa grande salle et aménage des "échappatoires", des entrées de passages secrets pour s'enfuir du château, maquillés en cheminées.

Richelieu alors ministre de Louis XIV y travailla  à la rédaction du traité de la "Paix d'Alès" dans le calme de la grande demeure où il séjourna . Au premier plan, Lucie Cancade, guide depuis plus de 20 ans, lorsque Bernadette Fenwick en ouvrait encore une partie au public, et narratrice passionnante de l'histoire de l'endroit (photo Véronique Camplan)

Pendant cette période déchirée par les guerres de religion, le château reçu la visite de Catherine de Médicis et celle du cardinal de Richelieu, alors premier ministre de Louis XIV, venu à Saint-Privat préparer la "Paix d'Alès", un traité qui restaurait la liberté de culte pour les protestants.

Une abbaye aux accents de guerre et de mort, vision glaçante d'un père qui perdit son fils lors de la Première Guerre mondiale et traduisit sa douleur sur les murs (photo Véronique Camplan)

C'est en 1865 que les lieux deviennent catholique après leur rachat par Thomas Calderon, un descendant du dramaturge espagnol Pedro Calderon de la Barca. Plus tard, en 1916, le domaine est acquis par Jacques Rouché directeur de l'Opéra de Paris puis de la réunion des Musées nationaux.

Ce dernier réaménage les jardins. En 1922, il commande à son ami Georges Desvallière la décoration de la petite chapelle du XVIII siècle. Les peintures à l'huile sur toile marouflée traduisent la vision de l'artiste du sacrifice de la Première Guerre  mondiale. C'est Bernadette Clarisse Fenwick, petite-fille de Jacques Rouché, qui, à l'âge de 94 ans, cède le domaine le 19 février 2018  avant de s'éteindre deux mois plus tard après 20 ans de vie de château.

Véronique Palomar Camplan

Véronique Palomar

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