Publié il y a 4 ans - Mise à jour le 21.03.2020 - anthony-maurin - 5 min  - vu 1952 fois

FAIT DU JOUR Les masques et leur pénurie sont au cœur des enjeux sanitaires

Un masque FFP2, une denrée rare dans le Gard ces jours derniers (Photo libre de droit).

Les masques... À leur sujet, on en entend des vertes et des pas mûres comme on dit ! Oui, les masques manquent et font défaut à tout le personnel soignant qu'il soit à l'hôpital comme dans les rues et chez l'habitant.

On en a pour longtemps. Plus longtemps que les optimistes ne veulent bien l'imaginer. Macron a dit que la France était en guerre mais, comme en 14, elle part la fleur au fusil. En première ligne de cette bataille invisible, les infirmiers libéraux et personnels hospitaliers. Le point avec eux.

Pour les libéraux, c'est la débrouille. " On fait avec le matériel qu'on a, avec les restes que nous avions avant la pandémie mais il est très difficile de travailler correctement dans les conditions actuelles, lâche un infirmier libéral un peu, voire franchement, dépité. On économise aussi le gel hydroalcoolique, j'en ai pour dix jours environ. Pour les gants, ça va, même si les grandes mains ont du mal à trouver leur bonheur, pour moi, ça devrait aller. "

18 masques chirurgicaux par semaine

Les stocks de gel baissent, les gants deviennent dur à trouver mais les masques sont une denrée plus rare encore. À ces manques s'ajoute le fait que les infirmiers devront bientôt dépendre d'une pharmacie, celle du secteur de leur cabinet normalement. D'ailleurs, notre libéral a eu hier par téléphone une confirmation. " Je vais avoir des masques ! 18. Mais ce sont des masques chirurgicaux, donc pas du tout adaptés à la situation. En plus, c'est 18 masques par semaine et c'est tout ! Je vois six patients le matin et six autres le soir, si on veut faire les choses correctement il nous faudrait un vrai masque (NDLR, FFP2)  à changer après chaque patient. C'est une honte !  "

(Photo libre de droit).

En plus et avec la situation de crise actuelle, la semaine des infirmiers n'est plus de 5 ou 6 jours... Les remplacements, c'est fini. Avec son binôme, ils travaillent 7/7 pour ne pas " croiser " le virus. " Notre travail est extrêmement ritualisé car nous allons dans des Ehpad et des résidences spéciales mais c'est très compliqué. Tout est stressant, il faut réfléchir et faire comme si tout ce qu'on touche est contaminé. Mon binôme n'a plus de masque. Il est sur liste d'attente donc on ne sait plus quoi faire... "

Prise de responsabilité

Honte, bricolage, moyens manquants... Un quotidien rude mais réel pendant que certains font du footing ou se prélassent au soleil. " Chez moi, et j'ai la chance d'avoir une maison, mon garage est devenu un sas où je lave directement mes habits. Les gens ont du mal à comprendre ce qui est train de se jouer dehors. Nous, infirmiers et médecins, nous avons étudié, nous savons à peu près quoi faire. Même si c'est pourtant clair, il faudrait marteler toujours plus les gestes barrières et les consignes à adopter, peut-être sous la forme d'un film diffusé à 20h ! "

Le virus et le personnel soignant... (Photo libre de droit).

Pas de blague, ce qui suit est vrai, comme ce qui précède d'ailleurs. Une patiente du binôme de libéraux en question ne veut plus en voir un. L'autre, s'est fait crier dessus dans la rue par une personne à un balcon : " Regardez, c'est lui qui apporte le virus ! " a-t-il entendu, gêné et blessé par l’invective.

Beaucoup de gens se sentent plus forts que le virus et pensent qu'on en fait trop. Que nenni selon les soignants. " On ne connaît pas suffisamment le Covid-19, je suis pour le confinement total, affirme, un peu irrité par les mauvaises conduites, l'infirmier qui est en première ligne. Macron a été gentil et diplomate laissant la place à l'intelligence et à la responsabilisation du peuple français mais cela ne marche pas... Prenons clairement ça au sérieux, les grands costauds n'existent pas face au coronavirus. Il en va de même pour les petits merdeux qui se baladent en ville ! "

Soigner le coronavirus à domicile et sans masque ?

Autre problème, pas encore officiel mais si c'est véridique certains ont du souci à se faire. " Ma pharmacie m'a demandé si on m'avait appelé pour soigner des malades du Covid-19 à domicile. Apparemment ça a commencé mais les infirmiers ne veulent pas y aller car ils ne sont pas protégés. Je n'arrive pas à comprendre qui sont ces personnes et quels soins nous pouvons leur prodiguer ", avoue plus gravement le professionnel de santé.

Au CHU Carémeau à Nîmes, c'est pareil, voire pire. Différents services sont impactés et une unité est en capacité d'accueillir de nombreux malades. Quid des masques qui manquent encore et toujours à l'appel du plus grand nombre. " Ils sont distribués et gérés par les cadres de santé. Ils sont réservés à certains services. Mais comme vous le savez, au CHU, on passe d'un service à l'autre sans sas. Dans mon service, nous avons deux lits affectés aux malades du Covid-19 en plus de nos autres malades mais nous n'avons aucun masque ! C'est une bombe à retardement que nous sommes en train de vivre... ", affirme une infirmière.

Le Centre Hospitalier Universitaire de Nîmes Carémeau (Photo Anthony Maurin).

Dans les couloirs, les paroles sont cinglantes. " C'est incroyable. Nous sommes au milieu du bordel et nous sommes à poil ! Je mettrais ma main devant ma bouche ça ne serait pas pire... Sans rire, on a les nerfs. On ne comprend pas pourquoi les masques mettent autant de temps à venir ", avoue une autre infirmière tout juste sortie de l'école.

Les applaudissements font leur effet

Rien pour bloquer l'épidémie au centre même où elle doit être endiguée. Pour la grippe classique, un vaccin et ça repart même si des milliers de décès sont à déplorer chaque année. Avec le coronavirus, on nage dans le flou mortifère. " On entend tout, on ne sait rien. Il ne faut rien prendre à la légère mais le plus gros problème c'est le manque de matériel et de personnel. Nous alertons les différents gouvernements depuis des lustres mais nul ne nous entendait. Aujourd'hui, les Français vont comprendre. "

Un exemple, on débloque des milliards pour lutter à juste titre contre la maladie au niveau de la recherche mais l'État ne compte pas embaucher des standardistes pour aider Samu et médecins qui sont sur le pont. Plus trop les médecins d'ailleurs... Ces derniers jettent peu à peu l'éponge et se déplacent de moins en moins. En tout cas il est de plus en plus difficile de les faire venir pour une consultation.

Pour terminer sur une note plus joviale, les applaudissements que la population réserve aux personnels soignants tous les soirs à 20h semblent faire plaisir aux personnes visées. " Ça fait chaud au cœur, c'est certain mais on oublie tout très vite... Rappelez-vous les policiers après les attentats et quelques mois plus tard avec les gilets jaunes ! ", relève un infirmier taquin.

" Les personnels hospitaliers sont des héros ! Nous, on garde le moral surtout devant les personnes âgées qui sont très stressées ou tout simplement perdues face à ce confinement. La situation, pour elles, est extrêmement difficile à gérer même si nous dédramatisons un peu ", conclut un infirmier libéral.

Anthony Maurin

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