PONT-SAINT-ESPRIT Choc des cultures au musée laïque d'art sacré
Parfois méconnus, les musées de la Conservation départementale du Gard renferment pourtant bien des trésors. Cette semaine, direction le musée laïque d'art sacré à Pont-Saint-Esprit. On va vous dire pourquoi ça vaut le coup de se rendre jusque dans le nord-est du département pour le visiter !
Déjà, rien que son nom interpelle. Apposer laïque et sacré dans la même dénomination s'apparente à une antithèse. En fait, cela s'explique par l'approche culturelle et non religieuse des objets sacrés, sans se contraindre à une époque ou à une ethnie. "On entame davantage une discussion plutôt que de répondre à des questions", contextualise notre guide, Cordelia Delaitre. Le sacré est partout même dans les colifichets ou les habits des XX et XXIe siècles. Mettez donc vos a priori "vieillots" de côté pour apprécier la diversité des collections. D'il y a 3 000 ans à aujourd'hui.
En effet, quand on parcourt le musée, c'est le choc des cultures. Amulettes égyptiennes, tableaux contemporains, statuettes africaines, poupées kachina, vierge à l'enfant du XIVe... Une cohabitation artistique à la mode "auberge espagnole". Le tout dans une maison médiévale construite entre le XII et le XVe siècle. Elle a été habitée pendant plus de 600 ans par la Famille Piolenc. Probablement un patronyme hérité après son installation dans le petit village vauclusien au nord d'Orange. Les Piolenc n'étaient pas des chevaliers contrairement à la légende urbaine, mais des marchands de blé. Leur petite affaire a tellement bien marché qu'ils ont racheté tout le pâté de maison spiripontain pour établir leur grande demeure. Ils y sont restés jusqu'au XVIIIe siècle.
La maison a ensuite été vendue à différents propriétaires avant d'être rachetée par le Département en 1988 qui y a installé le musée. Au 1er et 2e étages, on peut encore voir les magnifiques plafonds peints datant du XIV et XVe siècles mettant en scène différentes créatures, animaux exotiques, croyances et saynètes de l'époque.
Sarcophage et momie de chat cohabitant avec le blouson de Johnny Hallyday
Mais revenons aux objets sacrés. Vous pourrez découvrir impressionnant sarcophage en bois peint daté de 330 avant notre ère. Il serait celui de la dame Kaa-Iset. Sur le couvercle, on distingue le visage blanc encadré d'une perruque divine. Un grand collier (ousekh) recouvre le torse au-dessus du scarabée ailé.
Et l'Égypte se retrouve dès l'entrée de la visite avec l'exposition le portrait du Fayoum (vers 110-130 avant notre ère), extrêmement bien conservé. Il était placé au niveau du visage de la momie, un romain aisé établi sur les bords du Nil. C'est l'une des plus anciennes peintures sur chevalet que l'on connaisse. Il n'en existe que 800 dans le monde environ.
En parlant de momie, le musée laïque d'art sacré en renferme une. Pas d'humain mais de chat. "Il arrivait aux Égyptiens de momifier leurs animaux de compagnie pour qu'ils accèdent à l'au-delà. Comme les Hommes", commente Cordelia Delaitre, la médiatrice.
Quand le sacré s'élargit au football...
Beaucoup plus original, on trouve aussi derrière une vitrine un blouson en cuir de Johnny Hallyday. Il le portait lors de sa tournée, la "Cadillac tour", en 1991. Parce que l'interprète de "L'Idole des jeunes" a fini par en devenir une et même de toutes les générations. Et qui dit idole, dit représentation d'une divinité ou personne initiant une sorte de vénération. Alors ce blouson qu'on peut considérer comme une relique, a toute sa place dans le musée. Tout comme le tee-shirt dédicacé par 18 des 23 footballeurs français vainqueurs de la Coupe du monde 2018, symbole de la ferveur des supporters et même nationale après le succès des Bleus.
Il ne faut pas oublier qu'on est à Pont-Saint-Esprit. Alors ce musée est aussi l'occasion de connaître quelques bouts de son histoire. Dans une salle du deuxième étage, on peut admirer les pots de la pharmacie de l'ancien hôpital de Pont-Saint-Esprit. Certains datent du Moyen Âge. On le voit car il n'y pas de cloche pour les boucher. On mettait un parchemin fixé par une ficelle autour pour laisser le produit "respirer". Pas bête !
Un peu plus loin, ne manquez pas non plus la Vierge à l'enfant en marbre. Assez discrète sur son mur orangé, son histoire est pourtant incroyable. Le 15 août 1944, le bombardement aérien des alliés a détruit en partie le centre-ville et l'une des arches du pont d'entrée de la ville. Mais il a permis aussi un petit miracle qu'on pourrait presque qualifier à une résurrection. Cette Vierge à l'enfant, dite Mottin, a été propulsée sur une rive du Rhône le jour de l'Assomption suite au souffle d'un bombe. Elle aurait été perdue, jetée dans les eaux à la Révolution.
Et pour finir la visite, n'oubliez pas de faire un tour dans le jardin, offrant un peu de fraîcheur avec sa fontaine. C'est ici que des fouilles avaient permis de retrouver tout plein d'objets ayant appartenu à la famille Piolenc datant du XIVe siècle. Une partie est exposée au départ de la visite. L'autre est stockée dans les réserves qui renferment des milliers d'autres objets sacrés... Preuve que le musée de Pont-Saint-Esprit n'a pas encore dévoilé tous ses secrets.
Marie Meunier
Tout l'été, des visites guidées thématiques sont organisées le vendredi. À 10h30 : sur l'histoire de la maison "Les Chevaliers". À 15h : sélection d'objets les plus emblématiques des collections. Durée : 45 minutes. Limitées à 10 personnes, sans réservation. Musée d'art sacré du Gard, 2, rue Saint-Jacques. Pont-Saint-Esprit.
Le musée est aussi ouvert tous les jours sauf le lundi, de 10h à 12h30 et de 15h à 18h30. Il faut compter une heure pour faire la visite.
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