Des drames, des crimes, des dossiers non résolus, mais aussi des affaires insolites. Tous les jeudis de l'été, à 11h30, Objectif Gard vous propose de pénétrer dans l'univers judiciaire, avec des enquêteurs, des experts, des juges qui racontent ces crimes qui ont marqué leur existence.

" C'est un dossier qui laisse un goût amer et 20 ans après j'y pense encore car même avec les deux procès d'assises toutes les parties étaient dans l'incompréhension", déclare maître Pierry Fumanal qui se souvient comme s'il avait plaidé la vieille cette affaire qui date du 20 décembre 2000.

Il est 15h30 ce jour-là au péage de Roquemaure lorsqu'une voiture suivie par la police judiciaire s'arrête aux barrières. Une interpellation va se dérouler dans quelques instants. Dans cette voiture suspectée de transporter du cannabis où se trouve deux hommes, c'est Robert Fine, un truand chevronné, qui est au volant. Devant lui une camionnette lui barre la route, le voyou soupçonne une embrouille...

Il faut dire que le Sud de la France connaît depuis quelques mois une série d'exécutions mortelles avec de nombreux membres du milieu qui se retrouvent abattus par des bandes adverses. Cet après-midi-là, la voiture du suspect accélère. Un policier qui était ne portait pas son brassard se retrouve sur le capot. Il tire un coup en direction de l'habitacle mais entre-temps un policier du SRPJ de Montpellier, Stéphan Beaumont, essayait de pénétrer dans le véhicule du malfaiteur pour retirer les clefs et immobiliser l'automobile. Une tragédie s'est jouée en quelques secondes.

La voiture parvient à s'enfuir et un policier est mort dans l'exercice de ses fonctions. Les funérailles de Stéphan Beaumont auront lieu la veille de Noël. Mais rapidement le fugitif Fine, l'assassin de flic, devient la priorité de tous les enquêteurs. "D'autant que cette semaine-là trois policiers perdront la vie en France lors d'opérations. C'était devenu une affaire d'État", se remémore maître Fumanal. Robert Fine sera arrêté le 4 janvier 2001 dans le Vaucluse.

Acquitté du meurtre mais condamné à 19 ans de réclusion

"Mais pendant des heures et des jours on va faire croire que Robert Fine était celui qui avait tiré et tué le policier. Toutes les personnes sur place à Roquemaure lors du drame savaient que Fine ne pouvait pas avoir tiré cette balle : il n'était pas armé. Le tir mortel venait obligatoirement d'un autre policier. Et pourtant il était évoqué l'assassin de flic en parlant de Fine lors de cette chasse à l'homme", poursuit maître Fumanal qui est aujourd'hui le conseil de Robert Fine. À l'époque l'avocat nîmois défendait l'homme qui était dans la voiture avec Fine.

"Du début à la fin cette procédure a été bancale. Chose exceptionnelle, la partie civile, l'épouse du policier tué, s'est désistée à l'audience estimant que celui qui était le responsable de la mort de son mari n'était pas celui qui était dans le box. C'est énorme quand même". La justice d'ailleurs acquittera Robert Fine du meurtre de Stéphan Beaumont. La mort de ce dernier, un policier qui a longtemps gravité dans une service d'élite parisien, la BRB (Brigade de recherche du banditisme), n'est aujourd'hui encore imputable à personne. Robert Fine "a été acquitté du meurtre, mais il sera condamné comme s'il en était le responsable puisqu'il écopera de 19 ans de réclusion pour des violences volontaires sur l'autre policier qui était sur le capot du véhicule", poursuit le pénaliste nîmois.

"Je reste persuadé qu'a aucun moment il ne savait qu'il y avait un policier face à lui. Rien ne pouvait lui permettre de le savoir. Le policier qui lui faisait face n'avait pas de brassard. Fine a toujours affirmé que pour lui ce jour-là il était devant un voyou qui voulait lui faire la peau", conclut l'avocat.

Boris De la Cruz