Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 05.09.2020 - corentin-corger - 4 min  - vu 451 fois

FAIT DU JOUR La médiathèque André Chamson : résiste, prouve que la culture existe

Il fallait bien un emplacement dédié à l'oeuvre d'André Chamson (Photo Corentin Corger)

"Mon humanité la plus simple, la plus repliée sur elle-même, se réalise ici dans ce mot", déclarait l'essayiste et romancier gardois André Chamson (1900-1983). Ce mot c'est "résister" qui a guidé la carrière de celui dont le nom est désormais associé à la médiathèque intercommunale de Terre de Camargue située à Aigues-Mortes.

Ce Cévenol protestant héritier de la résistance des Camisards doit notamment sa renommée aux romans "Roux le bandit" (1925) ou "La Superbe" (1963). Cet amateur de la bouvine était aussi très attaché à la Camargue et comptait des amis gardians. "À 12 ans, mon grand-père m'a appris à monter à cheval. Un jour on est parti en balade du bac du sauvage et nous étions accablés de fatigue. En voyant la Tour de Constance, il s'est redressé sur sa monture et s'est mis à chanter "La Coupo Santo", se souvient sa petite-fille Catherine Velle, devenue romancière.

C'est dans cette fortification que fut emprisonné au XVIIIe siècle des protestantes dont Marie Durand à qui on attribue la gravure "résister" sur la margelle du puits de la tour (register en latin). Elle y resta enfermée 38 ans avant d'être libérée. André Chamson publiera même un roman intitulé "La Tour de Constance" paru en 1970. La référence au mot "résister" se retrouve dans son discours de 1935 lors de l'Assemblée du désert des protestants "où de manière prémonitoire il sentait la montée des périls", confie Micheline Cellier, biographe de l'intellectuel gardois et maître de conférence, également présente à cette inauguration. Ce texte symbolique trône désormais sur la vitrine de l'équipement culturel camarguais. L'historien deviendra lui-même résistant en s'engageant dans l'armée du général de Lattre de Tassigny en 1939.

Donner ce nom à ce lieu culturel coulait donc de source et c'est la proposition que fit le "Conseil des sages", adoptée à l'unanimité par le conseil communautaire. D'autant plus que cet homme aux multiples casquettes a aussi occupé le poste de directeur général des archives de 1959 à 1971. "Tout est cohérent", assure sa biographe, agréablement surprise du rendu final et qui a eu la chance d'animer la première conférence organisée dans le nouvel auditorium de 80 places sur qui vous vous doutez... Tout ce petit monde a eu droit à une visite guidée qui aurait dû se tenir initialement le 6 juin dernier, jour du 120e anniversaire de la naissance de l'académicien mais crise sanitaire oblige, l'événement a été repoussée à la rentrée.

Micheline Cellier, biographe du romancier, et l'écrivaine Catherine Velle, petite-fille d'André Chamson (Photo Corentin Corger)

Désormais petits et grands vont pouvoir bénéficier d'un abonnement gratuit pour cet espace composé en rez-de-chaussée d'une bibliothèque, de salons de lecture et d'un lieu entièrement dédié aux plus jeunes. "Il faut que les enfants aient un rapport aux livres et pas qu'à l'écran, il faut les réconcilier avec ce support", précise l'architecte montpelliérain, Emmanuel Nebout. Comme un avertissement donné à la jeune génération parfois plus intéressée par les réseaux sociaux que par un bouquin : "résiste, prouve que la culture existe", si on associe André Chamson à la chanteuse France Gall.

Un architecte qui a conçu le projet en coopération avec deux confrères aigues-mortais : Ludovic Fontaine et Guillaume Houny. Une patte illustrée sur la devanture avec cette percée de fenêtres étroites qui n'est pas sans rappeler les remparts voisins. À l'étage, sur une mezzanine, se trouvent les collections de bandes dessinées et des bureaux équipés d'ordinateur avec du wifi à disposition.

Un tiers lieu ultramoderne

"C'est très beau et très moderne. Cela aurait infiniment plu à mon grand père", confie Catherine Velle, la fille des comédiens Louis Velle et Frédérique Hébrard, émue au moment des prises de parole. Cette médiathèque à coûté 3,7 M€ financés par l'État et la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) (1,4 M€), la Région Occitanie (630 000€), le Département du Gard (270 000€) et forcément la communauté de communes Terre de Camargue.

Robert Crauste, président de la communauté de communes Terre de Camargue (Photo Corentin Corger)

En tant que principal investisseur, le préfet du Gard est revenu sur place après avoir découvert les lieux lors de la pose de la première pierre en avril 2019. "Il y a sur ce territoire cette volonté de pas perdre son identité et ses traditions. Cette réalisation se situe bien dans cet esprit", a réagi Didier Lauga. Un équipement qui est le résultat d'un travail des deux anciens présidents communautaires Léopold Rosso et Laurent Pélissier et accompli sous la nouvelle mandature de Robert Crauste, également maire du Grau-du-Roi.

"On veut faire de cette médiathèque un lieu attractif où se mêlent apprentissage, détente et partage", assure le président de la communauté de communes Terre de Camargue. Un concept de "tiers lieu" entre travail et maison, installé à proximité de nombreux services et notamment de l'école ainsi que du collège. Toutes les œuvres ont été transférées des anciens locaux situés au coeur des fortifications trop étroits, difficile d'accès et qui prenaient parfois l'eau.

C'est une équipe de 11 personnes - qui aurait besoin d'être renforcée - qui tourne sur les trois sites. La médiathèque de Saint-Laurent d'Aigouze a été agrandie en 2018 et désormais après la "tête de réseau" à Aigues-Mortes, le projet d'en construire une nouvelle sur le Grau-du-Roi vient d'être lancé. "C'est une échéance d'au moins trois ans", prévient Robert Crauste qui a déjà prévenu le préfet qu'il faudra à nouveau donner pour faire partager la culture.

Corentin Corger

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