Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 07.09.2020 - thierry-allard - 4 min  - vu 15829 fois

FAIT DU JOUR Le directeur du centre hospitalier de Bagnols/Cèze : « Nous sommes sur le fil du rasoir »

Le directeur du centre hospitalier de Bagnols Jean-Philippe Sajus (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Le centre hospitalier de Bagnols n’a pas été épargné lors de la crise sanitaire du coronavirus covid-19, avec notamment un foyer d'infection dans l’unité long-séjour de l’établissement des 7 Sources.

Alors que le nombre de contaminations repart en flèche depuis plusieurs semaines et que le Gard fait partie des départements placés en vigilance rouge sur le front de l’épidémie, le directeur du centre hospitalier de Bagnols, Jean-Philippe Sajus répond à nos questions. Et il l’affirme : si seconde vague il y a, « nous sommes prêts, nous ferons face », tout en restant préoccupé de la situation en Ehpad.

Objectif Gard : dans quel état d’esprit abordez-vous cette rentrée ? Êtes-vous inquiet ?

Jean-Philippe Sajus : Ce n’est pas la première expression qui me vient à l’esprit. Pour dire les choses différemment, nous avons quelques mois d’expérience, ce qui me permet de dire que cette inquiétude est relative. Nous sommes convaincus que les trois à quatre mois que nous avons vécus sont utiles pour voir venir une prochaine vague, si tant est qu’il y en ait une. Certains spécialistes l’annoncent pour octobre. Alors je ne suis pas totalement serein, mais prêt à faire face à une éventuelle augmentation brutale du nombre de cas. Nous avons des indicateurs : il y a des passages assez réguliers aux urgences, mais pas une hausse des hospitalisations, à l’heure où je vous parle (vendredi matin, ndlr) nous n’en avons pas du tout (au centre hospitalier de Bagnols, ndlr), et en réanimation non plus. Il n’y a pas d’angoisse particulière, nous sommes prêts, nous ferons face.

Vous le disiez, pour l’heure la hausse du nombre de cas de covid-19 ne se voit pas vraiment dans celui des hospitalisations.

Le virus circule, et il touche d’abord les jeunes. Au cours de la première phase, il concernait des gens polypathologiques, âgés, avec du diabète ou de l’obésité. Aujourd’hui, c’est plutôt des gens jeunes, pour certains asymptomatiques, et pour d’autres avec une récupération plutôt facile. On n’a plus du tout le même profil, et peut-être qu’une partie de la population se protège un peu moins. De nouveau les gens recréent des liens de proximité avec leurs proches et peuvent déclencher des contaminations. Je ne leur jette pas la pierre, la situation est très difficile à supporter.

Le placement en zone rouge du Gard a-t-il eu un effet sur le centre hospitalier ?

Il s’agit plutôt d’un message envoyé aux citoyens, rappeler qu’il faut respecter les mesures barrières. Depuis le début, à l’hôpital les masques sont obligatoires, nous y étions déjà. Nous sommes encore sous le plan blanc, il n’a pas été allégé. Pour nous, ça ne bouleverse pas l’organisation, car le centre hospitalier est un lieu ultra-sécurisé. Il faut en prendre conscience : avoir freiné les hospitalisations pendant la crise a eu une incidence indirecte assez dramatique, notamment sur les cancers. Des gens ont attendu pour venir par crainte, et aussi parce que les mesures de protection ont retardé leur prise en charge. Donc si derrière il y a une seconde vague, nous ne refermerons pas le centre hospitalier. Ce n’est pas possible. Il faut continuer à prendre en charge les autres pathologies. Il était utile et nécessaire de fermer le centre hospitalier, mais nous avons des dommages collatéraux.

« Il nous faut composer avec le covid »

En cas de seconde vague, vous repartiriez sur le même dispositif qu’au printemps ?

Oui, nous le reproduirions à l’identique, avec la réserve d’éviter de tomber dans une fermeture pour pouvoir traiter les autres pathologies. Il nous faut composer avec le covid, mais en parallèle avoir une prise en charge des autres pathologies.

Où en est-on à l’Ehpad des 7 Sources ?

S’il devait y avoir quelque chose qui ressemble à une inquiétude, ce serait là. Quelle est la bonne attitude ? Revenir à une situation où on ferme à double tour les établissements ? Où dans les circonstances du moment, s’il y a un cas, le prendre en charge comme une situation exclusive, sans arrêt des visites ? C’est un questionnement que j’ai. J’ai plutôt tendance à dire qu’on traitera le cas individuellement en évitant de refermer l’établissement. Les dommages d’une fermeture sont chez certains patients plus forts que ceux d’une contamination générale.

L'établissement des 7 Sources, à Bagnols (Photo d'archives : Thierry Allard / Objectif Gard)

Comment faire ?

Sur le médicosocial, nous sommes sur une responsabilité collective des gens qui rentrent dans l’Ehpad. S’il y a un risque auprès des résidents, le personnel, qui prend toutes les précautions, n’en sera pas responsable, il s’agira de cas importés. Le risque c’est que les gens entrent dans une chambre et enlèvent leur masque. Il y a une relation de confiance sur le respect des mesures barrières. Nous sommes sur une situation très fragile, nous avons rétabli un fonctionnement, avec les visites, les activités, les repas en commun, car un Ehpad est un lieu de vie. Mais nous sommes sur le fil du rasoir.

Quelles conséquences de la fermeture totale de l’Ehpad avez-vous constaté chez les résidents ?

Elles peuvent-être bien plus redoutables que le virus en lui-même. Il y a un phénomène de glissement, les personnes n’ont plus de contact avec leurs proches et se laissent aller. Les résidents restent des citoyens, ils sont libres de leurs mouvements, et nous les privions de leur liberté. Toutes ces conséquences restent encore à mesurer. Il ne faudrait pas qu’à trop vouloir fermer pour protéger, on coupe les liens sociaux et affectifs et on engage un phénomène de décompensation. Il y a un risque très important.

Propos recueillis par Thierry Allard

Thierry Allard

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