Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 30.09.2020 - marie-meunier - 4 min  - vu 2144 fois

BAGNOLS/CÈZE Opération choc contre le harcèlement et le sexisme au lycée Einstein

Selma et Manon, deux élèves de Terminale, ont recueilli l'année dernière des témoignages sur des cas de harcèlement et de sexisme au lycée Einstein. Tous ces écrits ont ensuite été mis en scène sous forme de romans photos, accompagnés de slogans choc. (Marie Meunier / Objectif Gard)

"Si tu ne peux pas réprimer tes pulsions, va courir un marathon !", "Au lieu de regarder si elles sont belles, va plutôt prendre un Bescherelle", "Soldes exceptionnels : -100% ! Insultes, menaces, tout doit disparaître!" Partout dans le lycée Einstein ont fleuri ce mardi des photos et des slogans choc contre les violences sexistes et le harcèlement. 

Cette opération est le résultat du travail mené par 80 élèves et du club de la presse du lycée durant l'année scolaire 2019-2020. Au départ, Cécilia Racaud, professeure de français, et Claire Huguet, professeure d'histoire-géographie, ont fait une formation spécialisée dans la presse, dispensée par le Clemi (Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information). Elles y ont rencontré Julien Goldstein, photojournaliste indépendant travaillant principalement pour Le Monde, Géo et d'autres titres de presse internationaux.

Il a beaucoup travaillé au Rwanda et connaît l'auteur Gaël Faye, qui a écrit le livre "Petit pays". Et justement, les deux enseignantes avaient étudié cette œuvre avec leurs élèves. Le courant passant bien, elles ont finalement proposé à Julien Goldstein de venir dans le lycée Einstein en résidence artistique pendant deux mois fin 2019 pour mener un projet de photojournalisme avec plusieurs classes (financement par la Région et la DRAC).

Les élèves ont réalisé des reportages photo sur le thème de l'identité. Il y a toute une série sur les mémoires vivantes du village de Cavillargues par exemple. Le projet #jesuisnous s'insérait en plus parfaitement avec le club presse du lycée qui édite depuis 7 ans la revue "Ours".

Six romans photos sur des cas de sexisme, de violences et de harcèlement. (de droite à gauche) Selma et Manon, les deux élèves à l'origine du projet, les deux enseignantes qui les ont accompagné, Cécilia Racaud et Claire Huguet, le photojournaliste, Julien Goldstein, et le proviseur du lycée Einstein, Thierry Feutry, étaient présents pour l'inauguration. (Marie Meunier / Objectif Gard)

Justement, Selma et Manon, qui font partie du club, et sont aujourd'hui en Terminale, ont eu l'idée en parallèle  de faire un sondage et de recueillir des témoignages anonymes d'élèves sur les violences sexistes pour en faire un article. S'inscrivant dans la vague du mouvement #MeToo. Quelle n'a pas été leur surprise de recevoir des dizaines de retours. "On a nous-mêmes vécu des expériences sexistes au lycée et dans la vie de tous les jours. Ça nous tenait à cœur d'en parler, de dire que ce n'est pas normal et de sensibiliser les autres élèves", explique Selma.

Attouchements, main au fesses dans les escaliers, main sur la cuisse en classe...

Un extrait d'un roman photo affiché sur la vie scolaire du lycée, concordant avec l'actualité sur la "tenue correcte exigée" ?

De là, l'idée est née de transformer ces témoignages écrits en romans-photos. Aidés par Julien Goldstein, les deux jeunes filles et leurs camarades ont écrit les scripts puis posé devant l'appareil photo pour mettre en scène ces faits qui se sont déroulés au lycée à Bagnols. Même les garçons se sont prêtés au jeu, enthousiastes ou parfois gênés de jouer un rôle de harceleur.

"On a reçu des histoires d'attouchements, de main au fesses dans les escaliers, de main sur la cuisse en classe, de reproches sur les tenues,...", énumère les deux amies, marquées par le fait que "tout le monde le garde pour soi si on ne va pas vers eux."

Les slogans choc ornent les murs du lycée. (Marie Meunier / Objectif Gard)

"Ce n'est pas qu'un droit à la parole, c'est un devoir. Tout le monde a le devoir de signaler des faits de ce type", assure leur professeure, Claire Huguet. Même si la peur des représailles et de l'impunité des auteurs tiraille, comme le font remarquer Selma et Manon. Sur les murs, les six romans photos sont accompagnés de slogans choc, affichés façon message d'avertissement sur les paquets de cigarettes. De quoi interpeler les lycéens qui étaient nombreux à s'arrêter devant les messages. "C'est une bonne chose, ça va ouvrir les yeux aux gens. On est là mais quand quelqu'un se sent mal, on ne le voit pas toujours", commentent Clara et Sophia, deux élèves de Terminale.

Beaucoup d'élèves se sont arrêtés pour lire les romans photos, réalisés par leurs camarades. (Marie Meunier / Objectif Gard)

À l'origine, cette inauguration devait intervenir beaucoup plus tôt mais la crise sanitaire a retardé l'échéance. De manière assez cocasse, il faut dire, puisqu'"on est en plein dans l'actualité", fait remarquer justement le proviseur, Thierry Feutry, faisant référence à la fameuse question épineuse de la "tenue républicaine" et au mouvement #lundi14septembre.

La prévention avant la répression...

Il s'est dit peu étonné malheureusement par ces témoignages mais réaffirme sa position pour lutter contre le sexisme en tant que chef d'établissement : "Il est nécessaire que ce thème d'actualité passe par l'Éducation nationale. [...] On est de plus en plus attentifs à la question du harcèlement depuis quelques années." Les auteurs peuvent faire l'objet d'un rappel à l'ordre, d'un conseil de discipline ou d'un signalement dans les cas les plus graves. "Il peut y avoir de la répression mais aussi de la prévention comme ici", nuance le proviseur, qui est ravi que cette initiative émane des élèves eux-mêmes.

Les affichages resteront collés dans tout l'établissement jusqu'à ce que la pluie s'en mêle ou que des mains indélicates les arrachent. Mais tous les romans-photos ont également été tirés sur un support pour pouvoir être exposés partout. Après deux semaine au CDI du lycée, l'installation a déménagé à la médiathèque de Bagnols puis ira au CDI du site Léon-Blum. L'idée est ensuite de diffuser ce travail et de le faire voyager dans les différents établissements gardois. Le lycée de Villeneuve-lez-Avignon devrait accueillir l'exposition en novembre. Et agir ainsi pour que la parole continue à se libérer...

Marie Meunier

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