Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 28.10.2020 - corentin-migoule - 5 min  - vu 1940 fois

FOOTBALL Vers un arrêt des championnats amateurs : il était temps ?

La fédération française de football compte près de 2 millions de licenciés dont environ 200 000 femmes. (Photo DR/Objectif Gard)

Le président Macron s’adressera aux Français ce soir à 20 heures, annonçant un durcissement des mesures restrictives dont pourrait logiquement pâtir le monde du sport. En football, une suspension des championnats amateurs où le virus circule sans doute autant que les ballons chaque week-end semble inéluctable.

Le 16 avril dernier, alors que le pays était sous cloche depuis près d’un mois, la fédération française de football proclamait l’arrêt de la saison 2019-2020. Six mois plus tard, alors que l’épidémie de coronavirus reprend de l’épaisseur, le président de la République, Emmanuel Macron, qui s’adressera aux Français à 20 heures ce soir, doit annoncer un durcissement des mesures restrictives destiné à endiguer l’épidémie de coronavirus qui a regagné du terrain. Couvre-feu avancé, reconfinement total, partiel ou par zones géographiques ? Qu’importe, les annonces du chef de l’État ne devraient pas épargner le monde du sport amateur, et ça n’a rien d’illogique. Car si les joueurs professionnels de Ligue 1 et Ligue 2 n’ont de cesse de se faire chatouiller les narines à grand coup de coton-tige, se retrouvant en quatorzaine lorsque le test PCR s’avère positif, les footballeurs amateurs échappent à ce moment désagréable.

Évoluant à un niveau intermédiaire, à mi-chemin entre le football professionnel et le football départemental, les footballeurs de l’équipe première de l’Olympique d’Alès en Cévennes n’ont eu à subir que deux dépistages depuis le début de l’exercice 2020-2021, le premier au mois d’août avant de recevoir la réserve de l’Olympique de Marseille en amical, le second ce lundi. Les Alésiens ont eu le temps de jouer une douzaine de matchs entre ces deux rendez-vous médicaux et qui sait si le virus n’a pas circulé en même temps que les minibus du club lors des déplacements aux quatre coins de l’Occitanie ? Comme les autres, le club cévenol avait reçu un protocole Covid de 16 pages élaboré par la Ligue de football Occitanie au mois d’août dernier, mais la vie continue en dehors du football, certains ont des métiers, et il est tout simplement impossible pour les clubs de maîtriser totalement la situation.

Des compétitions déjà suspendues dans l'ouest de l'Occitanie

À l’occasion d’un entretien téléphonique, Damien Ledentu, ancien arbitre international et référent Covid-19 de la Ligue de football Occitanie, ne masquait pas son inquiétude dans l’attente des mesures qui vont être énoncées en soirée : « Je suis sceptique pour la poursuite des activités sportives. À l’ouest de l’Occitanie, les préfectures du Tarn et des Hautes-Pyrénées ont d’ores et déjà pris la décision de suspendre les compétitions sportives. On a à peine disputé un quart des championnats. Si on arrête, j’espère que ça ne s’éternisera pas plus d’un ou deux mois car sinon on risque d’être en difficulté pour finir. » Damien Ledentu évoquait ensuite un début de saison qui ne ressemble à aucun autre, reconnaissant la difficile application par les clubs des mesures restrictives, dont la récente interdiction d’accès aux vestiaires : « Le couvre-feu à 21 heures avait déjà compliqué la tâche des clubs dans la gestion des entraînements. Quand on sait que la plupart des séances en semaine sont programmées à 19 heures et que certains ont de la route à faire, ce n’est pas évident que tout le monde soit à la maison à 21 heures, sachant qu’aucune dérogation n’est délivrée pour le foot amateur. On est aussi revenu à un mode de fonctionnement à l’ancienne avec des joueurs qui se changent dehors ou dans les voitures. »

Joueur de l’entente Cruviers-Vézénobres (Départemental 2), Cédric Guiraud ne disait guère autre chose : « Au final on a presque plus de chances de tomber malade en se changeant dehors avant et après le match que d’avoir le coronavirus, surtout avec l’hiver qui arrive. Derrière, comme tu auras peut-être des symptômes, tu vas devoir être à l’isolement pendant une semaine et te faire tester alors qu’au final tu n’auras sûrement rien. » Alors qu’il est aussi entraîneur de l’équipe U17 du club, Cédric Guiraud craint que ses efforts relatifs au protocole sanitaire ne soient vains : « Je nettoie très régulièrement les chasubles et je fais en sorte de ne pas donner à mes joueurs un chasuble qu’un autre a porté. Le protocole d’avant-match est respecté, on rentre une équipe après l’autre, il n’y a plus de poignées de main. Mais une fois que le match a démarré on oublie et on va relever un adversaire après une faute ou s’excuser en lui tapant dans la main par exemple. »

« Ils ont besoin du foot pour s’évader du travail »

Un pansement sur une jambe de bois ? Entraîneur de l’équipe senior du F.C.O Domessargues (Départemental 3), Sébastien Bonelli abonde dans le même sens, énumérant au passage les mesures prises par son club depuis la reprise : « On s’est doté d’un thermomètre frontal spécial Covid pour prendre la température de chaque joueur avant les entraînements. On ne fait plus de covoiturage donc chacun doit prendre sa voiture pour les déplacements. Sur le banc de touche, les remplaçants portent des masques. En revanche, je n’ai jamais donné à mes joueurs la consigne de ne pas célébrer les buts ensemble. Ce serait hypocrite de leur demander ça alors qu’ils sont en contact pendant le match, vont au duel à la tête et se transpirent dessus. » Mais face à un probable arrêt des compétitions sportives dès ce week-end, le coach du FCOD rappelle l’aspect social du football : « J’ai un groupe avec une moyenne d’âge de 25 ans. On a déjà privé ces jeunes de leur sport pendant six mois récemment. Ceux qui jouent à ce niveau sont des passionnés, ils ont besoin du foot pour s’évader du travail, pour voir leurs copains et partager des émotions avec eux. Pourquoi faudrait-il arrêter de jouer au football alors qu’on nous demande de continuer à aller travailler ? Pour moi ça n’a aucun sens. »

La dimension sociale du sport collectif préféré des Français n’est en effet plus à prouver. Elle est presque inégalable et les grandes émotions collectives vécues grâce aux performances des Bleus sur la scène internationale en 1998 puis en 2018, sont là pour nous le rappeler. À l’échelle locale, la remontée du Nîmes Olympique en Ligue 1 au mois de mai 2018 après plus de 25 ans d’attente et la récente victoire dans le derby face à Montpellier dans la sinistrose du huis-clos de la Mosson, suivie d’une communion entre joueurs et supporters au centre d’entraînement de la Bastide, ont démontré l’inépuisable capacité de ce sport à fédérer. Un sport où toutes les religions se côtoient. Un sport où le fils d’un chirurgien va centrer sur la tête d’un fils d’ouvrier qui, après avoir vu le ballon rentrer dans les filets, ira étreindre l'auteur de l'offrande. Assurément, le football, formidable exutoire qui arrive toujours à point nommé à l’issue d’une semaine de travail parfois pénible et source de tensions, va manquer s’il devait être mis en suspens suite aux annonces du président de la République. Pour autant, faut-il lui offrir un traitement de faveur au cœur d’une épidémie qui a déjà fait plus de 35 000 morts dans le pays ?

Corentin Migoule

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