Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 14.11.2020 - anthony-maurin - 4 min  - vu 19984 fois

FAIT DU SOIR Au Mas de Mingue on ne veut pas devenir dingue

Sur les lieux des futures constructions, les riverains s'interrogent (Photo Anthony Maurin).

Les habitants s'inquiètent de voir disparaître la verdure et le calme de leur actuel lieu de résidence (Photo Anthony Maurin).

La politique de la ville est une chose complexe et nécessaire. Son but est d'aider les plus humbles à vivre dans des endroits décents sans pour autant déranger la vie d'autres qui se satisfont d'un cadre de vie qu'ils veulent agrémenter et tirer vers le haut.

En France, et à Nîmes en particulier, la politique de la ville n'a pas souvent été décisive dans le changement radical d'un quartier. Depuis près de quarante ans les problèmes sont visibles et ne sont pas réglés. Au Mas de Mingue, quartier créé pour absorber l'arrivée de nombreuses familles venues ou revenues du Maghreb dans les années 1960, la politique de la ville, via la rénovation urbaine et ses lourds projets, développe un nouvel axe et les discussions qui l'accompagnent sont au coeur de la vie quotidienne des riverains. Le quartier compte plus de 500 logements sociaux.

Encadré par les routes de Courbessac et d'Avignon, un quartier pavillonnaire d'environ 80 villas (situées sur des parcelles de 500 à 1 000m²) est en plein doute. À 300 mètres de l'entrée actuelle du Mas de Mingue, ce secteur est calme, assez vert et a été construit avant même le "Mas." Depuis quelques mois et alors que la rénovation urbaine devait apaiser les moeurs et permettre aux riverains de prendre une bouffée d'oxygène, les questions se multiplient quant à l'avenir du secteur.

Ouvrir le quartier en déplaçant un problème ?

Jean-Pierre Claude, président du comité de quartier Aérodrome-Pont de Justice, Gilles et Marie-Christine Studer, la famille Huteau, André Gas et d'autres habitants sont inquiets. L'ombre du problème plane depuis 2013, se précise depuis 2017 mais accentue son voile depuis quelques semaines. Le collectif s'explique : "Le quartier du Mas de Mingue est isolé, plus personne n'y entre. Nous sommes allés à toutes les réunions et convocations de la Ville concernant les travaux qu'il doit y avoir dans notre quartier. Le Plan local d'urbanisme a été changé et il n'est pas adapté, nous sommes traités différemment par rapport aux autres quartiers de la même époque comme Castanet, les Capitelles, le Mas Chalvidan..."

Les terrains qui appartiennent à la SPL Agate et qui seront bientôt aménagés aux abords de la T2 sont actuellement en piteux état (Photo Anthony Maurin).

Et pour cause, en 2018, lors d'une de ces fameuses réunions les riverains voient apparaître sur les plans de leur futur voisinage cinq blocs de trois étages. Colère ! "Ils veulent ouvrir le quartier vers l'extérieur mais ils se donnent simplement bonne conscience. Les technocrates ont fait ces plans mais ils ne font que déplacer le béton du Mas de Mingue vers ici. Ils veulent densifier les abords de la future ligne T2 mais on a assez donné, l'habitat dense est déjà bien plus présent ici qu'ailleurs sur le tracé ! De plus, nos arrêts de bus ont déjà un sacré poids sur cette ligne car beaucoup de monde prend les transports en commun ici."

Une maison déjà squattée

Ici, c'est un secteur d'habitations basses, aux jardins verdoyants. " ls amènent le béton chez nous pour remettre du vert au Mas de Mingue, c'est n'importe quoi !", dénonce le collectif. En 2019, une première maison (rue monseigneur Claverie) a été préemptée par la Ville après un bâtiment qui fait l'angle entre la route de Courbessac. Les deux parcelles sont collées et c'est la SPL Agate qui a racheté les lieux et qui doit construire les deux premiers blocs. Mais les choses se détériorent peu à peu. La maison préemptée par la Mairie est squattée par une famille avec un bébé. "Les forces de l'ordre sont au courant, les policiers sont venus mais il ne se passe rien ! Il y aurait une procédure en cours... Bref."

Au fond de la rue, les lieux du mécontentement des riverains (Photo Anthony Maurin).

"En février dernier, on s'est bougés car on voulait savoir si des immeubles allaient être construits sur ces parcelles. La Ville s'est engagée à faire étudier la faisabilité d'une opération moins dense que le volume bâti en R+3 qui était annoncé sur les plans. Sous trois mois ils devaient même nous présenter l'avancement de leur réflexion mais nous attendons encore." Certes, la période n'est pas propice à ce type d'échange mais le comité de quartier n'a rien reçu. "Certains projets du même style ont été retoqués par le Tribunal Administratif, nous n'avons aucun préjugé sur le logement social, nous estimons aussi que le quartier a largement donné sa part."

Plus d'argent pour faire passer la pilule ?

Mais où est le loup ? Des promoteurs entrent dans la danse. Dans le secteur dont nous parlons, le lotissement pavillonnaire est scindé en deux par la rue Monseigneur Claverie. D'un côté, des parcelles de 500m², de l'autre d'autres deux fois plus grandes. C'est là que les promoteurs font des offres et parviennent à convaincre quelques riverains à vendre leur terrain. "D'une maison estimée 275 000 euros, on leur propose 390 000 ! Comment voulez-vous qu'ils refusent ? Il y a un compromis qui court jusqu'en avril 2022 pour une grande maison. Des bâtiments de trois étages nous feront perdre tout notre ensoleillement, la végétalisaiton, le calme et l'intimité... Nous faisons notre travail de voisins surtout quand on sait qu'à coté d'Intermarché ou ailleurs il y a la place pour faire ce programme !"

L'entrée du Mas de Mingue avec les bâtiments dits des Grillons qui feront bientôt partie de la rénovation urbaine du quartier (Photo Anthony Maurin).

Ark(c)ade immobilier, le promoteur, rachèterait les maisons individuelles en y mettant le prix afin de récupérer le foncier et d'y édifier ces bâtiments à étages. "Ça serait étonnant qu'ils n'y fassent que du R+1 ! On sent que les investisseurs vont acheter les appartements construits pour défiscaliser et mettre en gestion leur bien. Nuisance et délinquance seront là. Nous, de notre côté, avec ces bâtiments à proximité, nos maisons seront dévaluées et on nous dit qu'on pourra toujours vendre au prix des Domaines." C'est à dire très peu par rapport à l'investissement fait pour ces riverains tout au long de leur vie.

Une dégradation du quotidien local

Car leur investissement, il n'est pas que financier. Ici, ce sont les habitants eux-mêmes qui ont construit leur quartier. De leurs mains ! La Ville n'en a repris la "gestion publique" que plus récemment. L'ambiance du coin est bonne, dynamique, on fait (ou faisait) la fête des voisins, on parle à travers les haies d'arbres, il y a une cohésion sociale car c'est la classe moyenne d'origine maghrébine (deuxième ou troisième génération) qui prédomine et tout se passe fort bien.

L'état d'un terrain appartenant à la SPL Agate (Photo Anthony Maurin).

"Nous ne vivons pas dans un ghetto social ici, les gens sont souvent propriétaires mais comme trois propriétaires ont cédé aux avances des promoteurs, nous nous attendons au pire pour le quartier. On pensait y voir plus clair avec la rénovation urbaine mais nous allons vers une dégradation de nos vies" conclut le collectif qui ne compte pas en rester là... Affaire à suivre.

Le Mas de Mingue (Photo Anthony Maurin).

Anthony Maurin

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