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Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 03.03.2021 - anthony-maurin - 5 min  - vu 1229 fois

FAIT DU SOIR Pétoulet, star gardoise de la Formule 1

En tout cas la voiture boit le carburant ! (Photo Hervé Collignon fonds Collignon Archives municipales de Nîmes).

Maurice Trintignant en 1957 (Photo Hervé Collignon fonds Collignon Archives municipales de Nîmes).

Maurice Trintignant. Un nom qui sonne et qui résonne. Un nom qui tonne et qui détonne comme dirait l’autre. Trintignant… Ah oui, pas Jean-Louis, bien sûr ! Maurice, c’était "Pétoulet".

Maurice Trintigant avait pour sobriquet Pétoulet. Une histoire de pétoules (crottes) de rat retrouvées dans sa voiture m’a toujours dit mon grand-père. En fait et au sortir de la Seconde Guerre mondiale, quand il reprend le volant de sa Bugatti (l’ancienne de son frère Louis avec laquelle il a trouvé la mort en course, NDLR) entreposée jusqu’alors dans la grange, il se rend compte que les souris se sont quelque peu lâchées dans le nid douillet que leur a fait le carburateur. Les durites sont obstruées par les crottes, son surnom était né. C’est Roland Bugatti lui-même, fils d’Ettore, en compagnie d’une star de l’époque, Jean-Pierre Wimille, qui le lui donne.

Lire la légende de 1956 (Photo libre de droit).

Décédé à Nîmes le 13 février 2005, Maurice Trintignant fut le premier français à remporter un grand-prix de Formule 1, rien que ça ! Remontons le fil de sa vie. Maurice Trintignant est né en 1917 à Sainte-Cécile-les-Vignes (Vaucluse). Il est le dernier d’une fratrie de quatre passionnés de vin et d’automobile et c’est aussi le tonton de l’illustre acteur, Jean-Louis, qui vit toujours à Collias.

Il participe à sa première course en 1938 alors qu’il n’est âgé que de 21 ans et que sa voiture est une antiquité. Il se classe cinquième et gagne la course suivante en Belgique. Il fait la même chose l’année suivante, année du début de la guerre. Mais tout s’arrête brusquement quand il est fait prisonnier et qu’il est déporté. La Bugatti est alors remisée dans cette fameuse grange remplie de souris…

Avec quelques admirateurs (Photo Hervé Collignon fonds Collignon Archives municipales de Nîmes).

Après la guerre, les constructeurs français ne sont pas nombreux à concourir et c’est avec Amédée Gordini qu’il s’entend pour commencer une nouvelle aventure. Des voitures qui, comme Maurice le disait lui-même, cassaient d’un simple regard. Il disputera une centaine de courses et en remportera 12 !

En 1948, le 4 juillet, il manque de perdre la vie au cours d’un week-end durant lequel trois autres pilotes mourront. Nous sommes sur le circuit de Berne en Suisse où Pétoulet roule encore sur Gordini. Au quatrième tour, il dérape et se placarde contre un arbre. Le choc le projette hors de l’habitacle et un concurrent lui roule dessus…

Une lourde opération plus tard et la rate en moins, Pétoulet s’en sort de justesse jusqu’au moment où son cœur, alors que l’opération est finie, s’arrête de battre. Il est déclaré mort. Le médecin recoud proprement le supposé défunt, et dans la minute qui suit ce dernier revient du trépas à la vie. Trintignant gardera quelques séquelles comme un crâne fragile et craintif du soleil, raison pour laquelle il portait un bonnet. Fangio le remplacera chez Gordini et deviendra une star.

Chez lui, Maurice Trintignant en 1957 (Photo Hervé Collignon fonds Collignon Archives municipales de Nîmes).

En 1950, Pétoulet reste dans la course et entre dans le cercle très fermé des participants au championnat du monde de Formule 1. En 1954 il file à l’anglaise vivre en Argentine et là-bas il passe chez Ferrari pour rouler un peu. Il gagnera les 24 heures du Mans à son retour en France. En 1955 et en Formule 1, Fangio et les Mercedes surclassent la saison mais notre petit Pétoulet va changer la donne.

Après de nombreux problèmes mécaniques, ses opposants lui laissent la place mais le Gardois va tout de même jouer de chance et s’imposer de justesse. Ému, il gagne enfin le 43e grand-prix couru en Formule 1. C’est le premier Français à le faire ! Et pour Ferrari aussi c’est une première victoire dans l’élite.

Comme chez Pétoulet la parole est sacrée, il la tient et rejoint l’écurie Bugatti qui renaît de ses cendres mais qui ne se donne pas spécialement les moyens de gagner. Pétoulet quitte pourtant Ferrari et son avenir doré. En 1958, il prend le volant d’une petite Cooper-Climax d’une écurie privée pour le grand-prix de Monaco. Avec elle, il suit de près une Ferrari qui fait son lièvre et attend patiemment la faille. Il remporte une nouvelle fois le Grand Prix avec pour la première fois un moteur situé à l'arrière de sa caisse, signe de changement global qui interviendra l’année suivante chez les autres constructeurs.

Au Mans, les empreintes et la signature de notre Pétoulet national (Photo libre de droit).

En 1959 au Mans et devenu pilote officiel Aston-Martin, Maurice Trintignant monte sur la deuxième marche du podium. À quelques tours de l’arrivée, quand il lit le panneau que lui tendent ses équipiers des stands, il comprend que la direction veut faire gagner l’autre équipage, conduit par Carroll Shelby lui-même, pour mieux vendre des Aston-Martin aux USA.

Quelques années passent, le monde change et les jeunes arrivent aux commandes. Les journalistes ne voient plus en Pétoulet le flamboyant pilote qu’il était et espèrent que les jeunes vont prendre le pouvoir une bonne fois pour toutes. Pétoulet maugrée dans son coin et s'active en coulisse. À Pau, il gagne et savoure sa victoire. Il a 45 ans et toutes ses dents ! Son jeune rival direct est abasourdi. D’ailleurs, il n’a que 20 ans et trouvera la mort cette même année au Mexique dans la monoplace de Pétoulet… Il s’appelait Rodriguez.

Vin ou autre chose ? (Photo Hervé Collignon fonds Collignon Archives municipales de Nîmes).

Maurice Trintignant finit sa carrière professionnelle en 1964 sur BRM en courant sur le sélectif circuit du Nürburgring. Pétoulet va étonner. Il est en tête de la course, fait preuve d’une maîtrise froide et sereine quand son moteur subit une panne d’allumage. Le pilote ne se dégonfle pas, saute hors du cockpit et pousse la monoplace pour la faire repartir. Ça marche et il finit la course à la cinquième place. Il marque ainsi les deux derniers points de sa belle carrière qu’il arrête à Monza quelques semaines après.

Pas tout à fait à la retraite, le bougre ne s’arrête pas puisqu’il devient maire de Vergèze (1958-1964) et produit même un petit vin baptisé… Pétoulet. C'est le fruit de ses 45 hectares de vignes situées entre Vauvert et la source Perrier au mas d’Arnaud ! La ville lui rend hommage en octobre 2010 avec l’érection d’une belle statue en bronze de Maurice Trintignant au volant de sa fidèle Bugatti.

Nîmes a aussi connu la "Cave du Pétoulet", rue Émile-Jamais, où Maurice vendait son vin. Enzo Ferrari le surnommait affectueusement " le vendeur de pinard ". Pétoulet va aussi parrainer le jeune avignonnais Jean Alesi et son acteur de neveu qui voulait être lui aussi pilote automobile.

La statue de Maurice Trintignant " Pétoulet " à Vergèze (Photo ville de Vergèze).

Pétoulet n’avait peur de rien mais ne tentait jamais le diable ! Si vous calculez bien, le monsieur a quand même couru jusqu’à 48 ans… En 28 ans de carrière, il est arrivé à peu près tout à notre gentleman driver. Un styliste de la trajectoire qui est passé des moteurs avant aux moteurs arrière, des pneus durs aux tendres, des pneus étroits aux larges. Il s'est arrêté avant l'arrivée des sponsors et de l'électronique. Entre 1950 et 1964, il a participé à 15 saisons de grand-prix de Formule 1. Il reste le doyen des pilotes de Grand Prix et a pris part à 81 d’entre eux. Avec deux victoires à Monaco, dix podiums et 78 tours en tête de la course, Pétoulet reste un personnage et un pilote inoubliable.

Anthony Maurin

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