Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 05.06.2021 - thierry-allard - 6 min  - vu 1143 fois

FAIT DU JOUR Trois voix gardoises racontent leurs histoires de radio

Alain Quarré dans les studios de Radio Alligator, à Montpellier, en 1985 (DR)

Alain Quarré dans les studios de Radio Alligator, à Montpellier, en 1985 (DR)

La radio fête ses cent ans cette semaine et les quarante ans des radios libres cette année. L’occasion pour trois Gardois, acteurs de la radio d’hier et d’aujourd’hui, d’ouvrir la boite à souvenirs, des radios libres des années 1980 aux grandes stations nationales, en passant par la radio associative. 

Tous ceux qui sont passés par les studios radio, et votre serviteur en fait partie, vous le diront : la radio ne ressemble à aucun autre media. Royaume de la voix, elle éveille l’imagination et accompagne le quotidien, au petit-déjeuner, dans la salle de bain, en voiture ou lors des longues soirées d’hiver. Une passion qui a piqué le Bagnolais Alain Quarré très jeune. Avant de partir à Paris diriger des grandes antennes nationales, Alain Quarré découvre la radio à 15 ans en écoutant Radio Montecarlo. « C’était magique, et je me suis dit : ‘c’est ça que je veux faire.’ »

Alain Quarré, du magnétophone aux grandes antennes parisiennes

Alors en 1980, avec quelques potes, Alain Quarré créé une radio fictive, Gard antenne. « On faisait des jeux, des émissions de rock qu’on enregistrait sur cassette », retrace-t-il. Puis François Mitterrand est élu en 1981 et casse le monopole d’État : c’est le début de l’époque des radios libres. Bagnols n’échappe pas à la règle, et Alain Quarré dépose un dossier et obtient une fréquence. Gard antenne s’installe à l’étage du Leader, un dancing désaffecté de la route de Nîmes. « C’était une radio amateur, chacun faisait ce qu’il voulait, il n’y avait pas de pub », précise-t-il. 

Très vite, il part à Nîmes animer une émission sur la radio Canal 30, puis à Avignon sur radio Klips. DJ le week-end, il saute des platines au studio. Devenu étudiant à Montpellier, il intègre l’équipe de Radio Alligator. « C’était la radio la plus écoutée de Montpellier », dit-il avec fierté. Alain Quarré part ensuite chez NRJ, où il fait la connaissance d’un certain Alain Weill, futur PDG de RMC et BFMTV. Après un passage par Radio Nemo, à la Maison Carrée de Nîmes, Alain Quarré part avec son ami Christophe Sabot, Bagnolais comme lui, à la conquête de la capitale. 

Il atterrit à Chic FM en 1988. « J’y faisais les matinales du week-end, il y avait Nagui, Arthur, c’était une belle équipe ! » La radio, propriété de Robert Hersant, disparaît lorsque le milliardaire rachète Fun radio. Alain Quarré redescend dans le sud pour monter NRJ Avignon, avant d’aller animer une émission sur Radio France Vaucluse avec Laurent Bon, aujourd’hui producteur de Quotidien sur TMC. Il repart à Paris en 1989 pour rejoindre Chérie FM, puis Rire & chansons, où il travaille avec Cauet avant de prendre la direction des programmes de la radio d’humour. Il y reste jusqu’en 2001, avant de suivre Alain Weill, qui venait de racheter RMC.

Alain Quarré dans les studios de Chérie FM, à Paris, en 1990 (DR)

Il y occupe un poste jamais vu : directeur du marketing de l’antenne. RMC est à l’époque en pleine métamorphose, arrête la musique pour faire du « talk » et quitte Monaco pour Paris. « C’est la radio qui m'a donné envie de faire de la radio, j’arrivais pour leur dire qu'on allait faire une radio de talk, ils se sont foutus de ma gueule ! », rembobine le Bagnolais, parmi les architectes de la radio qu'est devenue RMC. 

Tout n’a pas été simple, notamment faire monter à Paris certains journalistes de RMC. « Jean Rességuié m’avait dit qu’il ne monterait jamais », se marre Alain Quarré. Aujourd’hui, le journaliste sportif est une des têtes d’affiches de RMC et BFMTV. « On faisait des apéros avec le foie gras de sa mère », glisse Alain Quarré dans un sourire. Il a également eu fort à faire avec le matinalier Jean-Jacques Bourdin, Gardois comme lui, qui voyait d’un mauvais oeil le risque d’interférence du marketing dans l’éditorial. « Je lui ai dit : ‘je m’occupe de la vitrine, de te faire briller’, et ça s’est bien fini », raconte-t-il. RMC décolle avec la coupe du monde 2002, mais le Bagnolais a à la fois la cote et la bougeotte. Lorsque son ami Christophe Sabot devient directeur général d’Europe 2 et RFM et lui propose la direction des programmes de RFM, il dit oui. 

Il redescend dans le sud en 2006, pour devenir responsable des programmes de France Bleu à Valence. « Le jour où je rends les clés de mon appartement à Paris, j’ai un coup de fil de RTL qui me propose de devenir directeur d’antenne. C’est le regret de ma vie, je n’étais pas dans le bon timing », explique le Bagnolais. Il remonte à Paris en 2007 pour retrouver Rire & chansons, où il a « les pleins pouvoirs. »

Il y restera jusqu’en 2012, malgré un départ avorté à la radio de Vinci autoroutes 107.7 après un accident de la route en 2010… sur l’autoroute. Il quitte donc le monde de la radio en 2012 après « l’aboutissement » : fêter les vingt ans de Rire & chansons à l’Olympia. « Mon père était ami avec Bruno Coquatrix de l’Olympia, il faisait venir des artistes à Bagnols, alors je l’ai fait pour lui. Après ça, je pouvais rentrer. » Il devient directeur de la communication de la mairie de Bagnols durant quelques années, avant de travailler aujourd’hui sur des missions trans-media avec un ami. « C’était une belle aventure », dit-il quand il regarde dans le rétro. La radio, aujourd’hui, Alain Quarré l’écoute « par plaisir », et retrouve dans les podcasts un peu de l’effervescence des radios libres. 

Stéphane Kochoyan : « Nous étions deux ados de 15 ans avec une échelle et nous avons tiré un câble de 200 mètres »

Les radios libres, Stéphane Kochoyan les bien connues. En 1981 il a une quinzaine d’années, et anime déjà une émission de jazz sur Canal 30 à Nîmes. Avec Laurent Duport, aujourd’hui président de l’association Jazz 70, il fonde radio Daudet, toujours en 1981. « Nous sommes allés voir le proviseur du lycée car nous avions déjà un jazz club. On a demandé à créer une radio et le lycée nous a donné une petite subvention. Même si tout le monde pouvait émettre, il fallait avoir un émetteur. On en a acheté un ancien venu de l’Armée de l’air pour commencer. Il appartenait aux mineurs alésiens ! », rembobine-t-il.

Stéphane Kochoyan et Laurent Duport (Photo Anthony Maurin).

La radio prend, et obtient une fréquence en bonne et due forme. « Nous partagions l’antenne avec une école. On arrivait vers 16h et on faisait nos émissions mais quand nous partions en vacances, l’antenne restait vide ! » Stéphane Kochoyan et Laurent Duport créent à cette époque le Radio festival, pendant le festival de Jazz 70. « Nous étions deux ados de 15 ans avec une échelle et vers 22h30 nous avons tiré un câble de 200 mètres pour nous permettre d’émettre jusqu’aux arènes où se déroulait le festival, se remémore-t-il. Nous n’avions rien dit à EDF et des policiers sont venus voir ce que nous faisions mais en leur expliquant ils ont compris et ne nous ont rien dit. » Le câble restera en l’état « pendant plus de dix ans ! », s’amuse-t-il avant d’ajouter que « c’était une période folle avec le recul. »

Dominique Peyre : le système D

La bande FM réserve aussi une grande place aux radios associatives, temple de la débrouille et de la convivialité. Radio Système, à Vauvert, est de celles-là. Elle ne naît pas en 1981 mais au milieu des années 1990, lorsque Dominique Peyre est éducateur au centre social de Vauvert. « Des jeunes des quartiers populaires sont venus me voir pour créer une radio pirate, diffusant du rap, se souvient-il. Ce sont eux qui ont choisi le nom de Radio Système, en référence au système D, la débrouille. J'ai accompagné ces jeunes et on a rapidement obtenu une fréquence légale de diffusion. L’autorisation définitive est arrivée en 2003. » 

Pendant plusieurs années, il n'y a quasiment que de la musique sur les ondes. Mais en 2012, Dominique Peyre décide de se consacrer à plein temps à sa radio et de la développer. « On a toujours de la musique bien sûr, avec des sons généralistes en journées et des soirées plus thématiques qui mettent les artistes locaux à l'honneur, explique-t-il. Mais nous proposons surtout de vraies émissions, animées par des bénévoles. »

Dominique Peyre dans ses oeuvres (Archives / DR)

En Camargue, Radio Système s’est fait un nom. D'après le dernier sondage de médiamétrie, 10 000 auditeurs connaissent la fréquence 93.7. Et sur la toile, c'est encore mieux. Les émissions de Radio Système ont dépassé la barre des 200 000 podcasts sur la plateforme Soundcloud.

Mais les audiences ne sont pas le principal objectif de Dominique Peyre qui croit au rôle social de sa radio. Ainsi, l'ancien éducateur a installé un studio au collège de la Vallée verte où il fait de l'éducation aux médias. Des émissions sont également délocalisées dans des maisons de retraite divers lieux de vie de Petite Camargue. « Je veux que les citoyens s’approprient Radio Système, justifie-t-il. Pendant les vacances de la Toussaint, nous proposons à plusieurs jeunes du coin de découvrir le monde de la radio le temps d'un stage d'une semaine. Nous faisons même venir une journaliste pour cette initiation. » 

De quoi refiler le virus de la radio au plus grand nombre. Pour les cent prochaines années au moins. 

Anthony Maurin, Boris Boutet et Thierry Allard

Thierry Allard

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