Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 20.08.2021 - anthony-maurin - 5 min  - vu 2814 fois

NÎMES Oui, même les Gardois doivent visiter les Arènes !

Mise en scène d'un combat de gladiateurs modernes (Photo Anthony Maurin).

La file d'attente cette semaine aux Arènes de Nîmes (Photo Anthony Maurin).

Faire le touriste peut avoir de bons aspects, surtout quand la maison n'est pas loin ! Pourquoi ne pas profiter d'un été un peu spécial et de cette fin de vacances pour se lancer le défi de suivre une visite de l'amphithéâtre de Nîmes ?

La visite est gratuite, il suffit de payer son entrée pour pouvoir y assister. Après une longue file d'attente et un passage éclair à la billetterie, rendez-vous est pris, six fois par jour, devant un petit panneau "Ici, départ des visites guidées."

Nous suivons Patrick, le barbu à la voix qui perce les pierres bimillénaires, celui aux anecdotes aussi fantasques que fantastiques à écouter, non à vivre. Avec lui, au moins, même les plus récalcitrants tendront l'oreille pour en savoir plus sur ce merveilleux monument que nous connaissons finalement si mal. Savoir capter son auditoire n'est pas une chose donnée à tous les guides. Surtout quand on parle d'un monument aussi important que peut l'être l'amphithéâtre de Nîmes. Pour ne pas se laisser écraser par le poids de l'histoire et de la beauté architecturale, Patrick use de sa gouaille et autant dire que le barbu du jour en a une sacrée !

Le début de la visite, Patrick est sur la gauche le bras levé (Photo Anthony Maurin).

"Comment ça va ?" Lance le guide. Réponse vive, "Bien!" C'est bon, tout le monde est en forme mais Patrick en veut plus. "C'est calme tout ça, est-ce que vous allez vraiment bien ?" réponse, "Oui!" un ton au-dessus, c'est parti, tous les visiteurs sont bien là. "Bon, je m'appelle Patrick, je suis le médiateur des Arènes, la visite va durer une heure, elle comprend trois étapes. Nous allons parler des gladiateurs, du crocodile et du palmier, de la romanité. Même les enfants vont jouer des rôles tragiques, beaucoup d'entre eux meurent mais je les fais revivre. En une heure, nous allons passer 2 000 ans d'histoire."

Vous l'avez compris, Patrick est un Nîmois qui aime sa ville, transmettre sa passion et faire vivre l'histoire. "Je ne veux pas vous gonfler avec les chiffres et les dates mais nous allons passer en revue trois époques de Rome. Celle de la monarchie, celle de la République et celle de l'Empire. Qui fait du latin ? Dommage... Les autres seront exécutés ! C'est d'une légende qu'est née Rome, celle de Romulus et Remus." Patrick prend alors deux jeunes visiteurs à partie. "Tu seras Romulus et toi Rémus. Un a des lunettes de soleil et semble un peu trop peinard mais bon... Ça faire l'affaire !"

Dans le public, parents comme enfants sont déjà sous le charme du beau parleur. "Il fait du théâtre le guide ?" et de répondre, "En tout cas, j'adore ! C'est super, c'est vivant, on n'a pas l'impression d'être à l'école et même les enfants écoutent sagement. C'est une excellente visite donnée par quelqu'un à la hauteur du monument."

Devant la maquette des arènes (Photo Anthony Maurin).

C'est vrai, la vie quotidienne de la Roma antique est détaillée. Non pas comme dans les livres d'histoire mais à la manière d'une discussion débridée avec quelqu'un de pointu et auquel on peut poser toutes les questions que l'on a derrière la tête. Les gens sourient, l'amphithéâtre est heureux de se sentir mis en valeur de la sorte. Ici, on ne parle pas que des Arènes, le forum est abordé. Même le stade des Costières est comparé aux Arènes. "Jamais on n'a fait mieux que l'ellipse des amphithéâtres ! Là, on voit bien de partout !" Ce sont ensuite la gladiature ou encore l'esclavage qui sont détaillés par Patrick. Autre époque, autres moeurs, il est bon de le rappeler aux grincheux qui se plaignent sans cesse.

C'est ici que l'on parlera de l'espérance de vie et des types de mariages pratiqués à l'époque. "Toi, tu dois avoir 12 ans, disons que tu vas te marier à un homme de 35 ans ! À l'époque, c'est vieux 35 ans car l'espérance de vie n'est que de 30 ans... Trois enfants sur quatre n'atteignaient pas l'âge d'un an et de nombreuses femmes mouraient en couches, de la malaria... "Alors, tu préfères vivre sous Auguste ou avec le masque sous Macron ?"

Puis, les dimensions des arènes de Nîmes sont annoncées. 133mX101mX21m. Elles pouvaient accueillir 24 000 spectateurs quand Nemausus, la Nîmes de l'époque, ne comptait probablement que 20 000 habitants. "On était des fadas ou on était très riches !"Même la hauteur du podium (le boudin pour les Nîmois) est annoncée à 2,72m, trop bas pour organiser à l'époque des chasses de fauves qui réunissaient des lions.

"Les arènes sont séparées en quatre parties. En bas, les riches et les puissants sur quatre petits rangs car ils sont peu nombreux. Au milieu, les citoyens, plus humbles. En haut, les pauvres et les esclaves. Les femmes ? Elles aussi sont en haut. Riches ou pauvres, elles sont séparées du reste des spectateurs. Les riches payaient les spectacles pour acheter les voix aux élections. L'évergétisme a juste changé de nom, c'est devenu la corruption..."

Les visiteurs apprendront aussi pourquoi le mot vomitoire est encore usité dans les arènes. Peu glamour, ce mot vient pourtant du latin et semble tellement imagé qu'il est facile de le traduire. "Ça veut dire sortir vite... Vous vous souvenez de la gastro ? Allez peuple romain, suivez-moi !"

Patrick fait vivre les pierres et sourire les visiteurs (Photo Anthony Maurin).

"C'est intéressant la manière dont il a de nous impliquer. Il ne laisse pas de temps mort mais on n'a pas l'impression d'être à l'école. Je me régale et j'ai regardé les enfants, eux aussi apprécient le moment" avoue une maman à la fin du show. Quand on parle des gladiateurs, évidemment, Patrick parle du film de Ridley Scott. Il traduit aussi pour les jeunes des notions parfois vagues. "Un casque pouvait peser six oui huit kilos. On n'y voyait pas grand chose..." Et là, paf, Patrick prend un jeune, lui met le masque sur les yeux en guise de bandeau. L'auditoire rigole de bon coeur. Maintenant, combat. Le public encourage les deux jeunes choisis au hasard. Toute l'armatura est listée, même le coup du pouce en bas est expliqué.

"Non... On n'a jamais mis le pouce vers le bas pour mettre à mort les gladiateurs. Déjà, tuer un gladiateur, ça coûte cher, très cher et à Nîmes peu ont dû mourir. Ils sont un produit, des stars et ont des surnoms célèbres à travers l'empire. Main en l'air avec le pouce dans le poing, c'est comme si la lame regagnait le fourreau. On ne tue pas. Pour le reste, on faisait certainement un geste de la main, tendue, doigts déployés, vers le bas" ajoute Patrick qui use de sa tige de roseau de Camargue pour souligner, taper, désigner ce qui doit l'être.

Dans les travées du monument, les visiteurs écoutent avec attention les dernières anecdotes de Patrick (Photo Anthony Maurin).

Autre particularité, les toilettes. Aujourd'hui deux, un côté pour les femmes, un autre pour les hommes. À l'époque, "On parle de 240 toilettes ! Eh oui, on récupérait les urines, pleines d'ammoniaque, pour fixer la teinture des vêtements." Si certaines choses ne se font plus, d'autres reviennent au goût du jour. Les reconstitutions historiques par exemple. Dans les arènes, les Grands Jeux Romains ou encore les récentes Nuits de Nemaus glissent dans la discussion comme un appel à un retour prochain.

Avant de finir sa visite, Patrick tire le fil jusqu'au bout. L'As de Nîmes, base des armoiries actuelles de la cité est expliqué. Des 23 coups de couteaux assénés à Cesar à la prise de pouvoir d'octave qui deviendra Auguste après la bataille d'Actium, le public poursuivra son écoute en finira par une belle salve d'applaudissements. Inséré dans le Guide du Routard et fort bien noté sur le livre d'or des arènes comme sur Trip Advisor, Patrick est en quelque sorte l'âme vivante de l'amphithéâtre. Le gardien d'un temple qui n'en est pas un, un passeur d'histoires, un conteur de vies passées.

"Je fais six visites par jour, vous voulez connaître mon secret ? La lecture ! Oui, je lis L'Équipe tous les matins ! Ceux qui veulent récompenser le guide, c'est par ici !" conclut Patrick.

Les visites ont lieu du lundi au vendredi à 10h, 11h, 12h, 14h30, 16h, et 17h (jusqu'au 26 août).

La piste de l'amphithéâtre (Photo Anthony Maurin).

Anthony Maurin

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