Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 25.08.2021 - stephanie-marin - 3 min  - vu 1046 fois

FRONTIÈRES ET AUJOURD'HUI Vallabrègues, "le seul village languedocien en terre provençale"

Vallabrègues (Photo : Patrick Gants). - Patrick gantz

Elles sont généralement naturelles, parfois absurdes, souvent arbitraires mais toujours présentes : les frontières font partie de notre quotidien. Celles du Gard sont particulièrement tarabiscotées, fruit d’une histoire riche que nous vous proposons de découvrir cet été. Cette semaine, direction Vallabrègues, seule commune gardoise située sur la rive gauche du Rhône.

Isolé des grands axes routiers, ce village, terre d'asile de Frédéric Mistral, où vivent désormais quelque 1 400 âmes, fait figure d'exception dans le Gard puisqu'il est le seul a être situé en terre provençale, les deux-tiers se trouvent sur la rive gauche du Rhône. "D'ailleurs ici, on parle le Provençal et pas l'Occitan", intervient Éliane Lacroix, élue à la mairie de Vallabrègues en charge du Patrimoine. D'une île au milieu du fleuve jusqu'à la moitié du XVIIIe siècle, la commune a vu sa géographie modifier au fil des caprices du Rhône jusqu'à finalement séparer le village du reste du Languedoc auquel il appartient administrativement. "Après la Révolution, certains maires ont rédigé des courriers, lancé des pétitions pour être rattachés aux Bouches-du-Rhône par mesure de commodité, les relations avec le Gard étant plus difficiles à cause de la traversée du Rhône qui n'était pas sans dangers", explique Georges Sudres. Né à Nîmes - "c'est un étranger", s'amuse Éliane Lacroix, fille, petite-fille, arrière-petite-fille (etc) de vanniers - le professeur d'Histoire-Géographie à la retraite a posé ses valises en 1979 à Vallabrègues et écrit depuis plusieurs années son histoire, le nez plongé dans les archives communales et départementales.

Éliane Lacroix, élue à la mairie de Vallabrègues en charge du Patrimoine. (Photo : SMa/ObjectfiGard)

Lors de ses recherches, l'homme âgé de 73 ans découvre qu'au XIXe siècle le département des Bouches-du-Rhône conteste l'appartenance de Vallabrègues au Gard pourtant actée par la loi du 4 mars 1790. Au coeur du sujet, une discorde entre Vallabrègues et Tarascon à propos de terres d'une surface totale de 17 hectares. Le maire vallabréguant, Hilarion Sugier, écrit alors : "Il est évident qu'en l'attaquant pour une petite partie de son terroir, on espère ainsi la forcer à demander sa réunion aux Bouches-du-Rhône... La demande de la ville de Tarascon est une des plus importantes que nous ayons à combattre. Il y va de l'avenir de la commune. Il ne faut pas laisser établir un fâcheux précédent ni enfreindre la loi à notre prédice." Il poursuit pour expliquer le rattachement de Vallabrègues au Gard "par respect pour les moeurs, les usages, les affaires de ses habitants qui ne connaissaient d'autres métropoles comme ils connaissent aujourd'hui d'autres chefs-lieux de département que la ville de Nîmes."

Georges Sudres, professeur d'Histoire-Géographie à la retraite. (Photo : SMa/ObjectifGard)

La dernière demande pour que la commune soit rattachée au département bucco-rhodanien date du 19 octobre 1944, soit deux mois après le bombardements des ponts de Beaucaire et d'Aramon.  Elle est signée de Léon Rameye, président du Comité de Libération de Vallabrègues. "Vallabrègues, commune du Gard, se trouve sur la rive gauche du Rhône, et de ce fait complètement enclavée dans le département des Bouches-du-Rhône, ce qui à l'heure actuelle nous met dans une situation difficile du fait de la destruction des ponts sur le Rhône. En ce qui concerne le ravitaillement, nous sommes rattachés aux Bouches-du-Rhône, ce qui est souvent cause de certains inconvénients étant toujours administrativement du Gard". Mais cette demande n'a jamais abouti.

Les Vallabréguants ont toujours dû composer avec les caprices du Rhône. Depuis la mise en service des aménagements de la Compagnie nationale du Rhône dans les années 70, son débit est régularisé même s'ils n'empêchent pas complètement les inondations, on se souvient notamment de l'épisode de 2003. Mais avant cela, les habitants n'ont pas quitté le navire, ils se sont adaptés pour pouvoir rester. "Les habitations ont été remontées d'un étage, les rez-de-chaussée sont devenus des caves. Vallabrègues est certainement l'une des premières communes de France a avoir eu des rues caladées, un aménagement pour que le limon déposé par le Rhône ne reste pas", explique Georges Sudres. Et Éliane Lacroix d'ajouter : "Enfant, je n'arrivais pas à atteindre les interrupteurs. Nous sommes mariés au Rhône, on parle d'ailleurs de culture du Rhône."

Et comme dans tous les mariages, il y a les bons et les mauvais moments, pour le meilleur et pour le pire. Les crues n'ont pas fait que du mal à Vallabrègues. "Le Rhône a apporté le limon, fertile à l'époque, qui a lui-même apporté une agriculture fruitière très importante dans cette plaine", précise le professeur d'Histoire-Géographie retraité. Et bien sûr, la situation particulière du village, les pieds dans l'eau, a permis le développement de la culture de l'osier et ainsi celui de l'activité de la vannerie.

Stéphanie Marin

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