Publié il y a 2 ans - Mise à jour le 05.09.2021 - anthony-maurin - 6 min  - vu 1381 fois

ARLES La maison de la harpiste : un travail d'équipe

Avec les couleurs originales, Julien Boislevé (Photo Anthony Maurin).

Travail toichograghologue de Julien Boislève sur des parois peintess et effondrées dans les remblais. Vous pouvez voir les couleurs de la fresque murale, une peinture éclatante et qui sera exposée dignement dans quelques années au musée de l'Arles antique (Photo Marie-Pierre Rothé)

C'est le Fait du jour d'aujourd'hui sur Objectif Gard et c'est aussi une vraie grande découverte qu'il va falloir assumer, la maison de la harpiste comporte des peintures murales magnifiques. En attendant de l'exposer, les parties prenantes de cette découverte travaillent ensemble, unies vers le même objectif : la dévoiler aux yeux de tous et dans le contexte antique.

Le musée de l'Arles antique est irréprochable à plus d'un titre mais c'est bel et bien sur sa manière de travailler qu'il faut s'arrêter. Comme Arles est une commune riche en histoire, notamment antique, le musée n'expose que des pièces du cru. C'est pour cela qu'il n'y a presque rien avant. Mais Arles rayonne de manière intelligente et aidée par les autorités.

Un fragment de la harpiste... Désolé pour les reflets mais au moins vous irez la voir quand elle sera exposée ! (Photo Anthony Maurin).

Retour en arrière, tout a débuté en 2013-14… Enfin, bien plus tôt mais tout fut redécouvert cette année-là. Le site de la Verrerie est situé au cœur de la cité antique d’Arelate sur la rive droite du Rhône dans un quartier résidentiel se caractérisant par une forte activité commerciale. Aujourd'hui, nous sommes à Trinquetaille. L’opération archéologique mise en place alors est portée par le musée départemental d'Arles antique qui met à disposition l’ensemble de ses services pour étudier, conserver et valoriser médiatiquement les découvertes. Cette fouille est réalisée en partenariat avec l’Inrap qui apporte quant à lui ses compétences en toïchographologie (spécialiste des peintures murales), céramologie, micromorphologie et relevé photogrammétrique.

La salle d'études et d'analyses du musée de l'Arles antique située dans une aile spécifique (Photo Anthony Maurin).

Les recherches se sont concentrées sur une maison du milieu du Ier siècle avant notre ère, qui a livré une part importante de sa luxueuse ornementation et dont la datation précoce renouvelle le questionnement sur le premier plan d’urbanisme d’Arles. L'excellent état de conservation de la maison a permis de préserver jusqu'à nos jours une partie importante des décors qui ornaient sols, murs et plafonds. Les décors peints à fresque, présents en place sur les murs et en milliers de fragments dans les remblais comblant ces espaces, appartiennent au deuxième style pompéien.

Arles : capitale provençale de la culture 2022

Ce sont eux qui, en nombre, forment un puzzle multicolore que les équipes d’archéologues tentent de reconstituer peu à peu. En Gaule, ce décor, daté entre -70 et -30, est à ce jour uniquement identifié dans la partie sud du territoire mais il reste rarissime. De ce point de vue, la découverte du site de la Verrerie revêt un caractère exceptionnel grâce à l'importance de la surface peinte mise au jour.

Catherine Utrera, Jean-Marc Perrin, Nicole Joulia et Claire de Causans (Photo Anthony Maurin).

Nicole Joulia, vice-présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, déléguée à la culture, est heureuse. « À Arles, on investit beaucoup, 22 millions d’euros pour le musée Arlaten que nous venons de restaurer, ici, les travaux d’extension des annexes coûtent 2,5 millions d’euros et nous continuerons d’aider car c’est nécessaire. Les équipes du musée de l’Arles antique sont expertes et actives, c’est tout l’éventail des qualités que nous avons envie de développer, ces gens sont à la pointe, reconnus à l’international et ils sont investis dans leur mission. » En 2022, le Pays d’Arles sera la capitale provençale de la culture.

Jean-Marc Perrin, conseiller départemental délégué à la mise en relief de la paléontologie et de l’archéologie en Provence, relate une situation spécifique à Arles. « Dès 2015 j’ai visité ce musée et l’accès aux réserves qui étaient en sous-sol était plus qu’exigu. Il nous fallait faire des travaux, investir pour améliorer notre capacité à travailler dans de bonnes conditions. Je suis un profane en archéologie mais j’en suis passionné et je suis venu voir plusieurs fois l’avancée des travaux de restauration de ces fresques. Il n’y avait pas de délégation distinguée de la culture pour l’archéologie et la paléontologie, j’ai demandé sa création et on me l’a confiée. »

Des fragments d'une peinture murale découverte (Photo Anthony Maurin).

Pour Claire de Causans, adjointe à la culture pour la Ville d’Arles, « Comment huit monuments ont fait d’Arles une ville classée à l’Unesco, la doyenne qui plus est ? Grâce à l’ensemble architectural d’une époque. Il n’y a pas que les monuments, on parle aussi de l’environnement, des sous-sols… La Verrerie n’existe plus mais elle nous fait savoir qu’en-dessous il y avait de nombreuses villas. Les vestiges déposés iront ailleurs mais sur le site nous comptons faire voir la vie quotidienne de l’époque, de ce côté du Rhône afin d’inviter les curieux à découvrir ce quartier résidentiel. Valoriser le patrimoine en y organisant des événements tout au long de l’année. »

Même Catherine Utrera, directrice inter-régionale Midi-Méditerranée de l’Inrap en poste depuis une semaine, est heureuse de faire sa première sortie pour un tel événement. « L’Inrap, c’est 50 % des chercheurs en France. Aujourd’hui, nous attaquons la phase finale de ce projet qui est exemplaire. »

Retour en arrière

L’opération de 2014 a révélé une pièce de 16 m², une salle à manger ou une chambre, dotée de son parement peint sur quatre de ses parois. Ce décor est empreint d'une inspiration architecturale qui habille la paroi par l'imitation peinte. Les niveaux de remblais la colmatant constitués de niveaux de destructions permettront à terme de restituer l’élévation et la décoration de cette pièce car, outre le sol de l’étage, ont été mis au jour des éléments de stuc, de plafonds en terre crue peints et plaques d’enduits peints susceptibles de venir du rez-de-chaussée.

Julien Boislève, spécialiste des couleurs des peintures murales de l'antiquité (Photo Anthony Maurin).

L’opération de 2015 a été consacrée à la fouille d’une pièce d’apparat de 17 m² mitoyenne de la précédente. Elle possède un décor peint à la fois sur ses parois murales et sur son sol. Le décor pariétal se rattache à une variante du deuxième style connue en Italie qui insère dans l'architecture fictive des personnages de grande taille (mégalographie) dont des fragments ont été mis au jour dans les remblais comblant la pièce. La qualité de la figuration ne fait aucun doute. Le rendu des volumes, de l'éclairage et surtout l'expressivité des regards trahissent la main d'un artisan hautement qualifié venu probablement d'Italie.

À suivre...

L’opération archéologique de 2016 a permis de mettre au jour l’atrium de la maison doté de son impluvium au sein duquel se trouve un puits/citerne. De plus des zones complémentaires ont été explorées. Un monument public tardo-républicain a été découvert, tout comme de nouvelles parois peintes constituant un ensemble remarquable sur une autre maison.

Emplacement des anciennes toilettes du musée... C'est ici que seront "implantées" les deux pièces avec leurs sols, seuils et murs peints (Photo Anthony Maurin).

Deux ans plus tard, en 2018, les archéologues travaillent sur l’étude des enduits peints fragmentaires qui représentent un potentiel d’étude et de données scientifiques considérable. Les parois peintes remontées ont ensuite été prises en charge par les restaurateurs du musée. Et nous voilà ! Véritable trésor archéologique, ces vestiges renouvèlent tout un pan de la recherche et enrichiront les collections du musée départemental Arles antique où le visiteur pourra, d’ici quelques années, contempler toute la fraîcheur des couleurs bimillénaires qui ornaient les murs d’un habitat des plus hautes élites de la cité.

Et aussi au musée ?

Il faut savoir qu’Arles et son musée, c’est une belle et longue histoire d’amour. Plus vieux musée de France (on ne parle pas de l’actuel construit en 1995) car datant de 1784 et situé aux Alyscamps, on n’y expose que des « œuvres » arlésiennes. Des pièces d’importance. En voici quelques-unes.

Le buste présumé de César, retrouvé dans le Rhône (Photo Anthony Maurin).

Commençons par le plus célèbre mais peut-être le plus discuté. Le buste présumé de Jules César. Du marbre de Phrygie destiné plus tardivement aux empereurs, des ressemblances peu équivoques avec le grand Jules, un portrait exceptionnel en tout cas !

Un bronze dit du captif. Dans sa posture traditionnelle, c’est peut-être d’un Gaulois dont nous causons. Genou à terre, l’air fier, la carrure forte, la vaillance sur le front, Rome ne peut dominer que les plus ardus combattants. Il devait se trouver à côté d’un militaire et d’un autre captif, déjà « civilisé » par nos ancêtres les romains.

Le bouclier énonce le civisme d'Auguste (Photo Anthony Maurin).

Le bouclier en marbre. Aucune comparaison car il est unique même s’il est une copie d’un autre, en bronze ou en or. On peut y lire tout le civisme d’Auguste, toutes les valeurs qu’il faut pour être un empereur impeccable. Cette pièce est remarquable pourtant, placée en hauteur, les badauds sont plus souvent attirés par elle que les passionnés qui passent à côté sans la voir, alors méfi !

Le bateau remonté du Rhône (Photo Anthony Maurin).

Le bateau. Parlons encore de Trinquetaille. Port d’Arelate, cet endroit situé sur la rive droite du Rhône est connu pour ses 20 et quelques épaves de bateaux romains. Pour remonter celui qui mesure 31 mètres (plus deux pour la pelle de gouverne) et qui est magnifiquement exposé, il a fallu, chose trop rare pour que cela soit anodin, un Rhône calme pendant huit mois ! Cette péniche de l’Antiquité était tirée par une vingtaine d’hommes pour remonter les rives du fleuve.

La mosaïque qui recouvrait les peintures de la maison de la harpiste. Ses 57m² font d’elle un modèle du genre et quand vous imaginez ce qu’on a retrouvé en-dessous, vous ne pouvez pas vous ôter de l’esprit les vies qui ont défilé depuis… Émotion quand tu nous tiens.

Cette mosaïque, déjà exposée au musée d'Arles, sera voisine des futurs emplacements des peintures murales qu'elle recouvrait (Photo Anthony Maurin).

Anthony Maurin

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